Le lieu : un hôtel assez miteux perdu dans la campagne. Les personnages : deux hommes, Mister Yellow et Captain Banana, épient avec attention une chambre de leur hôtel depuis une salle secrète aménagée spécialement à cet effet. Dans la chambre, un yakuza qui s’est enfui avec une mallette d’argent, son ex petite amie, l’ami de la fille, un yakuza venu retrouver son argent et un tueur.
Avis de Rick :
Après avoir réalisé son premier métrage, Shark Skin Man and Peach Hip Girl, le réalisateur Ishii Katsuhito a été bien remarqué, et ne tarde pas à revenir avec un second métrage, sans doute plus proche de ses obsessions dans le fond. Mais également moins accessible pour un grand public peu habitué à ce genre d’extravagances. Si le premier métrage était clairement un polar habité par une galerie de personnages extravagante et inoubliable, aidé par un casting aux petits oignons, Ishii va plus loin avec Party 7. On y retrouve son amour pour les montages un peu déconstruits et ses révélations finales, son amour pour les personnages loufoques, mais il délaisse le genre du polar et le côté totalement en mouvement du premier film pour se focaliser sur l’humour et resserrer son propos à quasi un seul lieu, une chambre d’hôtel. Enfin, deux lieux en réalité, une chambre d’hôtel, et la pièce voisine, qui permet d’espionner grâce à un miroir. Dans cette dernière, deux personnages, Okita, qui vient de sortir de prison, et Captain Banana, dont la passion commune et d’espionner en espérant voir des choses croustillantes. Dans la chambre, au départ, uniquement un personnage, puis deux, trois, quatre. Miki, qui a fuit son gang avec une mallette pleine d’argent, son ex Kana, puis son nouveau petit ami Sonoda, puis le frère de Miki, et enfin, un tueur. Ça semble étrange et bordélique ? Ça l’est. En réalité, on pourrait presque rapprocher Party 7 du théâtre, avec son unité de lieu, ses personnages débarquant les uns après les autres dans la fameuse chambre. Sauf qu’avec Ishii au scénario et à la réalisation, forcément, ça va plus loin.
Plus loin dans l’humour, dans l’absurde, mais également forcément, plus loin dans la forme. Il suffit de regarder ne serait-ce que les dix premières minutes pour bien comprendre dans quoi on met les pieds, après un dialogue totalement surréaliste entre deux employés de l’hôtel à la réception (à base de pluie de merde, littéralement), puis l’introduction des sept principaux personnages, via une séquence d’animation totalement folle qui présage déjà le style graphique de Redline qui viendra quelques années plus tard. Il y a quelque chose de réjouissant à voir ça, même si ironiquement, cette introduction survoltée sera sans doute l’un des moments les plus survoltés du métrage, le reste se calmant pour mettre en avant les personnages et les dialogues, 95% du temps. Et il faut avouer que pour peu que l’on adhère à la proposition, ça marche du tonnerre. Que ce soit dans cette chambre d’hôtel avec cette télévision qui ne marche pas même lorsque l’on insère 100 yens à l’endroit désigné et où les personnages débarquent les uns après les autres, ou dans la pièce d’à côté où Okita fait la connaissance de Captain Banana pour des situations toutes plus surréalistes les unes que les autres. Souvent, ça amuse, tant malgré l’aspect comique et absurde, Ishii lui réalise son film avec le plus grand des sérieux. Et au cœur de son film, ce qui semble en tout cas en constituer le cœur, il y a le concept de secret, de mensonge, et donc, de ce que l’on est prêt à faire pour dissimuler la vérité. Et cela se retrouve finalement dans l’intégralité des personnages ou presque.
Que ce soit Miki qui a fuit son boss avec une mallette pleine d’argent (élément rappelant le précédent film d’Ishii) et qui se réfugie dans cet hôtel isolé et inconnu de tous (mais où tout le monde débarque, l’un après l’autre), Kana qui par manque de confiance a menti à pas mal de monde dont son nouveau petit ami, le petit ami qui débarque juste après mais qui lui aussi à ses mensonges, et ainsi de suite. Ça va même jusqu’aux personnages ultra secondaires que l’on a découvert durant l’ouverture avec l’hilarant passage de la perruque. Car Party 7 n’est pas juste une bouffonnerie ou une comédie absurde, il y a bien plus derrière tous ces personnages et ses situations folles. C’est sans doute ce qui rend le film encore plus amusant, lorsque l’on y adhère. De mon côté, mention spéciale à Sonoda (Horibe Keisuke), en jeune homme qui voit sa confiance en son boss drastiquement chuter au fur et à mesure que sa confiance se brise, un élément après l’autre, avec des éléments pourtant si visibles et logiques. Sans doute plus personnel que son précédent métrage (ici, ce n’est pas une adaptation), Ishii affine son style, tente de nouvelles choses, mais par extension, livre un métrage moins accessible, et certains vont sans doute lever un sourcil pendant la vision. J’ai été pour ma part séduit, en espérant que le reste du coffret Spectrum me séduise autant.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ La séquence animée, géniale ♥ Le casting ♥ Des moments hilarants ♥ Un style assez unique |
⊗ Entre comédie absurde et théâtre filmé, pas pour tous |
Ishii affine son style avec Party 7, bien qu’il resserre son intrigue dans deux pièces pour un rendu plus statique, mais tout aussi fou et bourré d’humour. Toujours absurde, souvent hilarant. |
SHARK SKIN MAN AND PEACH HIP GIRL est sorti chez Spectrum Films dans le coffret blu-ray consacré au réalisateur Katsuhito Ishii, au prix de 80€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr En plus du film, on y trouve : Nombreux courts-métrages, Interviews, Présentations, Conférences, Bande-annonces. Livret. |
Titre : Party 7
Année : 2000
Durée : 1h44
Origine : Japon
Genre : Comédie
Réalisation : Ishii Katsuhito
Scénario : Ishii Katsuhito
Avec : Nagase Masatoshi, Horibe Keisuke, Kobayashi Akemi, Okada Yoshinori, Harada Yoshio, Asano Tadanobu, Gasyuin Tatsuya, Matsukane Yoneko et Morishita Yoshiyuki
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