Jack Beauregard, légende de l’Ouest, désire mettre un terme à sa carrière de pistolero et envisage de s’embarquer pour l’Europe. Mais un jeune admirateur, affirmant s’appeler Personne, ne l’entend pas de cette oreille. Il veut faire entrer Beauregard dans l’Histoire en l’amenant à combattre la Horde sauvage.
Avis de Cherycok :
Le duo Terence Hill / Bud Spencer a été propulsé sur le devant de la scène grâce au succès de On l’appelle Trinita en 1970, western parodique qui avait fait dégénérer un genre en général des plus sérieux. Mais comme j’ai déjà pu le dire sur ma critique de On m’appelle Malabar écrite pour le décès de Bud Spencer, chacun a également eu sa petite carrière solo. Et c’est d’ailleurs sur le film Mon Nom est Personne, sans doute son plus connu, où il n’est pas accompagné de son acolyte, que Terence Hill rencontre son plus gros succès. Plus de 4.7 millions d’entrées juste en France, c’est assez conséquent pour l’époque ! Et clairement, c’est mérité, tant cette confrontation entre le western parodique et le western traditionnel amène un certain vent de fraicheur dans un genre qui commençait sincèrement à avoir du mal à se renouveler. Pourtant, la production du film a eu droit à quelques péripéties qui auraient pu être des plus douloureuses…
Quelques petites informations tout d’abord. Le maître du western italien Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Il était une fois dans l’Ouest, Le Bon la Brute et le Truant…) n’a beau être crédité que pour le scénario, il occupe également le poste de producteur. De nombreux témoignages des acteurs affirment également la large participation du bonhomme au poste de réalisateur. Du coup, de vives tensions sont rapidement apparues entre ce dernier et le réalisateur « officiel » du film, Tonino Valerii, à tel point que le mariage fût complètement consumé lorsque, lors de la promo du film, le nom de Sergio Leone était bien plus mis en avant. Autre info qui a son importance pour comprendre le pourquoi du film, Sergio Leone n’était franchement pas fan des westerns parodiques qui sont nés à cette époque, dont le On l’appelle Trinita cité plus haut. Pour lui, le genre était en pleine dégénérescence et c’est la raison pour laquelle il a voulu confronter le fer de lance de ce genre, Terence Hill, avec une figure du western dit « traditionnel », Henry Fonda, dont c’est d’ailleurs le dernier film du genre. Ce qui explique la différence de sérieux entre les scènes impliquant l’un ou l’autre des acteurs, et ce mix parfois ambigu lorsqu’ils sont présents tous les deux dans de mêmes plans.
Pourtant, cet affrontement, qui en est un sans en être un, fonctionne à merveille. Car là où le duo Tonino Valerii / Sergio Leone réussit son coup malgré les tensions, c’est que tout se mixe le plus naturellement du monde. Certaines scènes marquent les esprits, les plus humoristiques (le concours de lancer de verres dans le bar, l’histoire de l’oisillon, le duel de baffes) comme les plus sérieuses (celles impliquant la Horde Sauvage). Et malgré ce mélange parfois improbable, tous les codes inhérents aux deux genres sont respectés. Les plans larges des paysages désertiques, les plans longs sur les regards des différents protagonistes, les fameux duels (sérieux ou pas), le passage du cimetière avec un clin d’œil à Sam Peckinpah, réalisateur de La Horde Sauvage et qui avait été pressenti au départ pour réaliser Il Etait une fois la Révolution,… Les références sont d’ailleurs légion puisqu’outre cette dernière, on peut citer également la scène des chapeaux renvoyant directement à Et Pour Quelques Dollars de Plus de Leone ; les cache-poussières de la horde sauvage qui évoquent ceux de Il Etait une Fois dans l’Ouest ; la statue à baffe de la fête foraine qui a de faux airs de Bud Spencer, le spécialiste de la grosse taloche dans la gueule ; l’accoutrement de Terence Hill qui fait fortement penser à celui qu’il arbore dans la saga des Trinita ; le nom de Nevada Kid, frère du personnage de Jack Beauregard qui se réfèrent au western Nevada Kid (1971) avec Klaus Kinski… Même l’excellente bande originale d’Ennio Morricone, pleine d’humour dans les sonorités (rien que sur la musique principale du film), se targue d’une référence à l’homme à l’harmonica d’Il Etait une Fois dans l’Ouest en empruntant quelques notes du début du thème.
Mais sous ses airs de western semi-parodique, Mon Nom est Personne est bien plus intéressant qu’il n’y parait. L’histoire de ce jeune pistolero un peu prétentieux qui cherche à faire rentrer son idole de jeunesse dans les livres d’histoire après un exploit dantesque, l’affrontement de ce dernier contre les 150 cavaliers de la horde sauvage, avant qu’il ne prenne sa retraite définitive, semble cacher un certain message. Un peu comme si Sergio Leone savait à l’écriture du scénario que l’âge d’or du western traditionnel (Henry Fonda) touchait à sa fin, qu’ils allaient désormais appartenir au passé et laisser la place aux jeunes (Terence Hill), moins sérieux, un peu foufous, car c’était désormais cela qui plaisait au public, et qu’il allait faire de ce film une allégorie de l’état du westernd’alors. Après, peut être est-ce seulement une fabulation tout droit sortie de l’imagination de mon cerveau malade de se voir infliger des bousins avec des requins géants à queue de castor…
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le duo Hill / Fonda ♥ La bande son ♥ Des scènes cultes |
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Grâce à sa réalisation impeccable, son histoire originale et sa bande son absolument géniale, Mon Nom est Personne fait partie des meilleurs films de Terence Hill. Sans jamais égaler les chefs d’œuvre du genre, ce mix parfait entre le western et la comédie est un métrage attachant qui mérite sincèrement sa qualification de petit film culte qui lui est parfois attribuée. |
Titre : Mon Nom est Personne / Il Mio Nome è Nessuno
Année : 1973
Durée : 1h56
Origine : Italie / France / Allemagne
Genre : Western / Comédie
Réalisateur : Tonino Valerii
Scénario : Sergio Leone, Fulvio Morsella, Ernesto Gastaldi
Acteurs : Terence Hill, Henry Fonda, Jean Martin, R.G. Amstrong, Karl Braun, Leo Gordon, Steve Kanaly, Geoffrey Lewis, Neil Summers