Ah Gun est un chauffeur de taxi rêvant de devenir policier. Malheureusement pour lui, il est daltonien et échoue à l’examen d’entrée de la police. Embauché dans un centre commercial comme gardien, il ne va pas tarder à faire la connaissance de Jane, une aveugle qui passe malgré elle de la drogue pour le compte des triades. Voulant essayer de l’aider à tout prix, ils sont se mettre les triades à dos.
Avis de Eric Draven :
Film méconnu et boudé par le public hongkongais à sa sortie en salle en 1989 (seulement 985,593 dollars au box-office), Nobody’s Hero mérite un peu plus que l’oubli dans lequel il est tombé au fil des années. Le film commence comme un drame social où l’on suit les mésaventures de Ah Gun (Liu Wai-Hung), un raté qui rêve de devenir un jour policier. Alors qu’il est embauché comme gardien d’un centre commercial, il fait la connaissance d’une jolie aveugle (Kathy Chow dans un de ses premiers rôles au cinéma après « The Truth »). Les deux ne vont pas tarder à tomber amoureux l’un de l’autre jusqu’à ce que Ah Gun découvre par hasard que Jane est passeuse de drogue, et cela malgré elle, pour le compte d’une triade locale. Désireux de soigner Jane afin qu’elle retrouve la vue, Ah Gun décide de voler la drogue dans le but de récolter l’argent pour l’opération. Un jeu dangereux avec les triades commence alors…
Le film peut se diviser en trois parties : tout d’abord l’aspect social du film. Il montre la difficulté de s’imposer dans une société où les gens puissants ont tous les pouvoirs tandis que les faibles peuvent crever dans l’indifférence totale. L’exemple de Ah Gun est très bien traité (il lui arrive tous les malheurs possible d’un seul coup, sa femme le quitte, il est la risée de tout le monde, etc…), même si cela reste un brin caricatural : au départ, il est un chauffeur de taxi, témoin en quelque sorte du disfonctionnement de cette société. D’ailleurs, cette partie du film renvoie directement au « Taxi Driver » de Scorsese avec de nombreuses séquences similaires (non, je vous rassure, ils ne nous ont pas fait le coup du miroir) jusqu’au « pétage de plomb » final commun. A noter que le film est tourné intégralement dans les rues et les appartements glauques de Hong-Kong, ce qui accentue ce sentiment de malaise présent tout au long du récit. La partie histoire d’amour est un petit peu moins intéressante à mon goût (il faut dire que je ne regarde pas les films de Hong-Kong pour voir des films romantiques) bien qu’elle soit suffisamment bien développée pour maintenir l’attention. Cette histoire d’amour renvoie directement à « The Killer » (détail amusant, le héros joue lui aussi de l’harmonica), le lyrisme et le romantisme du chef d’œuvre de John Woo en moins évidement. Les deux acteurs principaux sont bons (même si Liu Wai-Hung « sur-joue » un peu), très attachants et sympathiques car on se surprend plusieurs fois à prendre parti pour eux. Le spectateur (enfin, en ce qui me concerne) est très touché par ce qu’il leur arrive. De plus, le couple fonctionne assez bien et permet de passer cette étape un peu lente, certes, mais essentielle car elle permet de donner au final une puissance tragique extraordinaire.
Soudain, le film se transforme en énorme heroic-bloodshed plein de rage, de bruit et de fureur (on n’est pas loin de Anthony Wong pour sa composition extrême dans « Beast Cop »). Le rythme s’accélère d’un coup, l’adrénaline monte en flèche, le film prend des proportions dantesques. Ce final se rapproche d’ailleurs étrangement de celui (mémorable) de « Love Battlefield », ceux que ça a marqué comme moi s’en souviendront longtemps : une fin hyper violente absolument grandiose, comme seuls les films de Hong-Kong peuvent offrir aux spectateurs avides de sensations fortes dont nous faisons tous partie ; tout le monde s’en prend plein la gueule (les femmes y compris), le sadisme rappelle les meilleures scènes de « The Big Heat » (un des seconds rôles se fait faire un trou dans la tête à coup de perceuse). La performance d’acteur de Lui Wai-Hung est également à saluer. Pour appuyer le tout, Hong-Kong est montrée comme une mégalopole étouffante, sale : aucune échappatoire n’est possible et l’injustice règne à chaque coin de rue. Un vrai film noir et désespéré comme je les aime, en soi… Les scènes d’action dans la seconde partie sont hyper nerveuses, très bien montées et réalisées. On voit clairement que l’équipe n’a eu aucune autorisation de tourner dans la rue, ce qui renvoie directement au style sec et réaliste d’un Kirk Wong ou d’un Ringo Lam de la bonne époque. Ces scènes sont tournées dans l’urgence, à l’arraché, et donne au film ce cachet authentique et brut. On y voit tout de même de jolies cascades, explosions, bagarres et courses de voitures dans les rue de Hong-Kong. Les années 90, le bon vieux temps, quoi !!! A noter également qu’un des thèmes musicaux est une reprise de « Il était une fois en Amérique ». Nous assistons, dans ce film, au combat d’un homme qui croit en la justice dans un monde où celle-ci n’existe plus : tout le monde est corrompu et l’on ne peut plus faire confiance à personne. Cette idée de se faire justice soi-même, comme beaucoup de films de Hong-Kong, renvoie directement au « Justicier dans la Ville » avec Charles Bronson. Il est intéressant de constater que ce sujet touche beaucoup les hongkongais, qu’ils ont développé un vrai trouble à ce niveau-là. Le titre du film est très bien trouvé et résume parfaitement le propos du film.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les scènes d’action ♥ Le jeu des acteurs ♥ Le style sec et réaliste |
⊗ La partie histoire d’amour, moins intéressante |
Note : | |
Malgré sa rareté, cet excellent film oublié est à découvrir impérativement pour tout amateur de films HK de la grande époque. Il est, malheureusement, assez difficile à trouver du fait qu’aucune édition ne soit disponible hormis un laser disc sans sous-titres anglais. C’est très regrettable en tout cas… |
Titre : Nobody’s Hero
Année : 1989
Durée : 1h30
Origine : Hong Kong
Genre : Heroic Bloodshed / Drame
Réalisateur : Kuk Kok-Leung
Scénario : Tsang Kan-Cheong
Acteurs : Liu Wai-Hung, Kathy Chow, Sunny Fang Kang, Felix Lok, Wella Cheung, Lau Siu-Kwan, Wong Hung, Chan Ging, So Hon-Sang, Fei Pak, Mak Shu-San