Filmé en un seul plan séquence de 1H31 min, l’histoire raconte l’aventure d’une jeune blogueuse passionnée par la visite des lieux abandonnés (Urbex). Elle part seule avec son cameraman afin de filmer ses expéditions nocturnes en direct live mais avec une particularité, ne jamais couper la caméra ! Pas de coupure, pas de montage. Pour son émission de ce soir elle à trouver un gigantesque hôpital abandonné en pleine foret mais l’aventure va virer au cauchemars tant l’hôpital ressemble à un labyrinthe sans fin rempli d’un terrible secret.
Avis de John Roch :
Il y a des choses qui tiennent parfois de l’incompréhension. Exemple : comment Jason Blum a-t-il réussi à faire d’une croûte telle que Paranormal Activity un véritable hold up au box office mondial (on parle d’un film produit pour 15000 dollars et d’une recette mondiale de 193 millions), en plus d’en faire une saga lucrative pendant que Night Shot lui ne peut être vu que par le biais de la SVOD ? Attention, il ne s’agit en aucun cas ici de dénigrer les plateformes de SVOD qui, qu’on le veuille ou non, font désormais partie du paysage cinématographique, pas plus de dénigrer les « petits » acteurs du milieu tel que Shadowz (ou Outbuster chez qui le film dont il est question ici est disponible depuis peu) qui tenait alors sa première exclue de taille et de surcroît Française. Mais de voir comment un zolpidem a été vendu comme une chose purement terrifiante sans pour autant se ruiner en coût marketing puisque la communication est passé essentiellement via les réseaux sociaux et Youtube, alors qu’un film de la trempe de Night Shot doit se contenter de la petite lucarne laisse perplexe. Non, Night Shot n’est pas parfait, mais il se situe dans le haut du panier du Found Footage, genre que par ailleurs je déteste, aurait pu sans conteste se retrouver sur grand écran et aurait permis à son réalisateur Hugo König de se retrouver propulsé sur le devant de la scène. L’époque de la mode du Found Footage est révolue, mais ça n’empêche pas que le genre continue d’exister et de nous livrer quelques pets, ou quelques perles. Sorti en 2018 aux USA et deux ans plus tard dans son pays d’origine, cocorico, Night Shot est le premier métrage de Hugo König. Premier film et Found Footage, de loin ça sent l’arnaque : le genre est une porte ouverte à qui ne sait pas tenir une caméra et l’agitera dans tous les sens sous prétexte que c’est ledit genre qui veut ça. Pourtant le réalisateur a vu les choses en grand et livre un unique plan séquence d’une heure et demi.
Un sacré défi technique et logistique pas dénué de défauts, mais réussi. Mais avant d’y venir voyons pourquoi cette fois-ci des personnages qui filment sans cesse, alors que la logique voudrait que ceux-ci balancent leur caméra et partent en courant, le font. Night Shot, c’est une émission diffusée en direct sur internet animée par Nathalie qui, accompagnée de son cameraman Hugo, part faire de l’urbex de nuit. Et cette nuit, le duo part explorer un sanatorium situé quelque part à la frontière Franco-Allemande réputé hanté mais manque de bol pour eux, le lieu n’est pas hanté que de réputation. Tourné dans un vrai Sanatorium, celui de d’Aincourt dans le Val d’Oise, lieu connu des amateurs d’urbex et accessoirement lieu réputé réellement hanté. Hugo König parvient à faire de son décor naturel un véritable personnage à part entière. On ressent que le métrage a bénéficié d’une préparation méticuleuse, à commencer par la visite du sanatorium. Le résultat à l’écran est pour le moins bluffant puisque si les lieux de la bâtisse se ressemble en apparence, ils diffèrent des précédents. Ainsi, le réalisateur parvient sans peine à rendre le lieu de l’action vivant, le sanatorium se renfermant petit à petit sur ses proies qui pensent reconnaître les lieux précédemment visités alors qu’ils s’en éloignent complètement. Techniquement c’est également du bon boulot. Alternant le noir et blanc et la vision nocturne, Hugo König a encore une fois bien préparé son plan séquence et montre qu’il sait ce qu’il fait avec sa caméra. Si la première partie prend un peu trop son temps, par la suite le réalisateur parvient à poser une bonne ambiance par moment oppressante au fur et à mesure que le duo s’enfonce dans les entrailles du sanatorium. Mais bien que l’on pense au survival horror Outlast, et que l’ambiance sonore soit également au rendez-vous, Night Shot ne fait jamais vraiment peur. La faute à un manque d’originalité dans les scènes de terreur (beaucoup de portes qui claquent), de plans déjà vus dans pas mal de Found Footage (la caméra à terre qui continue de filmer), et à des clichés que l’on pensait pourtant enterrés depuis longtemps (la planche de Ouija). Reste que tout de même, il faut souligner la coordination de l’équipe qui a su donner vie à ce plan séquence qui aura nécessité 14 prises, à raison de deux par nuits.
Si techniquement Night Shot s’en tire avec les honneurs, il n’est pas sans défauts. A commencer par sa moitié de casting. Si Nathalie Couturier est crédible en exploratrice urbaine qui perd les pédales en mélangeant acting, improvisation, et peut être un petit coup de ras le bol à la quatorzième prise, on en dira pas autant du personnage du cameraman (logiquement joué par Hugo König). Ses réactions ne correspondent pas à la situation et il reste bien trop calme face aux événements surnaturels qui se produisent. Là où Night Shot se plante également, et c’est un défaut inhérent au Found Footage d’ordre général, c’est cette manie qu’ont les personnages à ne vouloir jamais s‘arrêter de filmer. Si ici la justification est dans l’air du temps, à savoir la course aux followers et aux abonnés, rien n’y fait, ça ne prend pas et ça en devient même par instants plutôt débile. Que les rôles de celui ou celle qui veut continuer ou arrêter la caméra passe encore, mais le moment où Nathalie demande à Hugo de lâcher sa caméra et de ne garder que la lampe pour s’échapper au plus vite et que se dernier refuse sous prétexte que c’est trop compliqué car tout le matériel est branché ensemble passe beaucoup moins. Et comme toujours dans ce genre de film, il est incompréhensible que les personnages gardent cette obsession de tenir la caméra alors qu’ils pourraient prendre ne serait-ce qu’un bout de bois, ou un caillou pour tenter de se défendre. Oui ça reste du cinéma, c’est le genre qui veut ça, mais la suspension d’incrédulité à des limites que le Found Footage a trop souvent dépassé. Night Shot est en définitive un film qui souffle le chaud et le froid, mais si l’on regrettera le manque d’originalité global du métrage et que pour la flippe on repassera, on retiendra surtout l’ambiance, le lieu exploité à fond, et surtout le défi technique plus que réussi (il faut s’imaginer le tourner le film, ça donne une autre dimension au métrage). Dans le monde du Found Footage, Night Shot est une prouesse qui fait partie du haut du panier du genre.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Techniquement solide ♥ Un plan séquence a la préparation et à la coordination sans faille ♥ L’ambiance qui se développe ♥ Le lieux de l’action parfaitement exploité ♥ Nathalie Couturier |
⊗ Globalement ce n’est pas très original ⊗ Pour la flippe, on repassera ⊗ Les défauts inhérents au Found Footage ⊗ Ça met un petit temps à démarrer |
Bien que le métrage n’évite pas les défauts inhérents au Found Footage et que globalement ça manque d’originalité, Night Shot demeure dans le haut du panier du genre et fait les choses bien. A savoir un défi technique réussi, une ambiance de plus en plus oppressante qui se pose dans sa seconde partie et le lieu de l’action qui est parfaitement exploité. Une petite surprise qui aurait mérité une exploitation en salle. |
Titre : Night Shot
Année : 2018
Durée : 1h31
Origine : France
Genre : Urbex
Réalisateur : Hugo König
Scénario : Hugo König
Acteurs : Nathalie Couturier, Hugo König, et pour la première fois à l’écran: le sanatorium d’Aincourt