Dans le monde des arts martiaux, les différentes écoles sont en rivalité les unes contre les autres. Shaolin et Wu Tang décident de se coaliser afin de vaincre la secte Ming. Vivant reclus sur un île glacée avec ses parents, Zhang Mo Kei, est frappé d’une malédiction qui l’affaiblit et nuit à son destin de combattant. Devenu orphelin, en dépit des difficultés et après des années d’entrainement, il se met en quête d’unifier la Chine et les écoles d’arts martiaux afin d’apporter la paix à un monde en proie au chaos.
Avis de Paul Gaussem :
En 1993, le prolifique et inégal Wong Jing (Royal Tramp, Les griffes d’Acier, The Last Tycoon…) réalisait le blockbuster Kung Fu Cult Master, plus connu en France sous le titre Evil Cult. Le film, malgré des défauts narratifs certains, avait su se tailler une solide réputation et demeure encore aujourd’hui l’une des œuvres les plus représentatives du renouveau du wu xia pian hongkongais des années 90. Aidé par les chorégraphies et la présence du légendaire Sammo Hung ainsi que celle de stars telles que Jet Li (aussi à la production) au firmament de sa gloire, mais aussi Richard Ng ou Sharla Cheung, Evil Cult parvenait à proposer un spectacle haut en couleur et aux scènes d’action convaincantes et généreuses. Cependant, cette adaptation du roman L’Épée céleste et le Sabre du dragon (Jin Yong ou Louis Cha, 1961) n’avait pas vraiment rencontré son public lors de sa sortie et s’était vu refuser la suite nécessaire à son véritable dénouement, laissant ainsi le film se terminer en « queue de poisson », sans réelle clôture scénaristique. C’est essentiellement l’exploitation vidéo, notamment en Europe (ce fut en France le fameux éditeur HK Vidéo qui donna une seconde vie au film) et aux États- Unis, qui fera de Evil Cult un petit succès international, lui permettant de rester dans les mémoires des amateurs du genre, mais aussi des studios.
En 2022, c’est le même Wong Jing qui entreprend le remake de son propre film, suivant le mouvement de réappropriation et de réinterprétation des œuvres cultes du cinéma HK par les studios chinois continentaux. Cette fois-ci, notre homme obtient l’assurance de pouvoir réaliser et narrer l’entièreté du récit en deux films. Afin que le tournage se fasse de façon rapide et efficace, ce dernier écrit encore une fois le scénario -basé sur celui de 1993- et s’adjoint les services de Venus Keung, avec qui il a pris l’habitude de collaborer ces dernières années (Monkey King, Queen of Triads 2, Time Warriors, Black Ransom…), à la réalisation.
À l’instar de son ainé de 1993, le film offre un casting rempli des stars du moment (la plupart très peu présentes à l’écran), à l’image de Louis Koo (Election, Dragon Tiger Gate, League of Gods…) et Xing Yu (Ip Man, Crazy Kung Fu, La bataille de la Montagne du Tigre…). Donnie Yen, qui trône sur les affiches du film, est en fait présent en début et fin de métrage pour… pas grand-chose. Et c’est bien là que le problème se situe : le budget important du film se voit à l’écran et la réalisation est soignée. Les effets spéciaux, malgré quelques passages douteux, sont assez bien exécutés si on les compare à la grande masse des productions chinoises de ce type. Seulement, comme nous en avons aujourd’hui l’habitude, cette réalisation est profondément impersonnelle et prévisible, aseptisée et standardisée, comme lavée à la javel par le cahier des charges de studios trop envahissants. Comme nous le disions dans un autre papier, le cinéma chinois actuel est, à l’image des productions Marvel ou Disney, un cinéma de studio, ne laissant que très peu de place à la créativité et à la spontanéité, entrainant inévitablement le désintérêt des amateurs de cinéma asiatique, partant alors se plonger dans les filmographies d’autres contrées (Japon, Corée, Inde…) afin de retrouver la folie et l’innovation que ne leur offre plus la Chine.
Ici, tout est trop sérieux : fini l’humour potache, et même souvent vulgaire, propre aux productions hongkongaises – et surtout celles de Wong Jing. Comme dans la plupart des remake proposés ces dernières années par le Continent, tout y est faussement tourmenté, les acteurs frisant le ridicule à trop vouloir se donner des airs concernés, tentant d’insuffler un aspect tragique à une intrigue qui ne l’est pas ou ne parvient à l’être. New Kung Fu Cult Master se veut donc un tantinet plus sérieux que son ainé. Wong Jing, désireux de rester fidèle au récit initial -cela lui avait valu bien des critiques sur Evil Cult- en ne renouvelant pas les écueils de 1993 avec un récit trop ramassé et finissant logiquement par être incompréhensible, fait trainer son récit. Certes, la trame est davantage cohérente et intelligible, ce qui n’était, il est vrai, pas le cas de l’adaptation de 1993. Cependant, le spectateur se prend à devoir supporter de réelles longueurs n’ayant narrativement que peu d’intérêt avant de pouvoir assister aux rares scènes d’action que proposent le film, d’ailleurs peu inventives et assez mollassonnes. Exit le montage frénétique et bordélique du premier opus et on en comprend l’objectif : à l’aide des effets et des techniques actuels, il est possible pour Wong Jing de fluidifier et préciser des chorégraphies qui se suivent aisément, aussi bien dans leurs mouvements que dans l’espace. Mais ces dernières manquent cruellement d’emphase et même d’envie. En d’autres termes, tout ceci est beau et propre… mais simplement « déjà vu » (en mieux) et assez feignant. On retiendra tout de même le climax et ses effets de « coups de poings toupie » assez brillamment mis en image, et l’intensité du combat entre Raymond Lam Fung (Le Sorcier et le Serpent Blanc, Saving General Yang…) et deux adversaires. Toutefois, le bilan est bien maigre pour un film durant pas loin de deux heures et peinant à réellement dynamiser son intrigue et emporter son public. Donnie Yen, quant à lui, est complètement sous-exploité, se contentant de quelques apparitions dans lesquelles sa dextérité martiale ne saute pas vraiment aux yeux. À l’image du reste, la star se contente du minimum syndical, ne semblant que très peu impliquée.
En revanche, et nous l’avons déjà dit, le vrai bon point du film est son respect du récit élaboré par le roman de Louis Cha, écrivain dont les œuvres ont surement été les plus adaptées dans le wu xia pian hongkongais et taïwanais. Echaudé par la déconvenue de 1993, on sent Wong Jing affairé à construire un scénario et une trame cohérente, dont les tenants et aboutissants sont directement compris et parfaitement intégrés. Sur ce point, on peut dire que le travail est réussi. De nombreuses parties et points d’ombre manquant à Evil Cult, notamment celles concernant le passé de Zhang Mo Kei (Raymond Lam) et les relations entre les différentes sectes, sont ici méticuleusement détaillées… mais peut-être même un peu trop. Accaparé par ses efforts de clarté et de respect patrimonial, Wong Jing oublie purement et simplement qu’une histoire compréhensible ne suffit pas à faire un bon film (de kung fu, soit dit en passant). Nous sentons bien l’effort du cinéaste de donner background et profondeur à des personnages qui en manquaient cruellement, nous sentons son application et sa volonté d’offrir une réalisation particulièrement travaillée… mais le compte n’y est malheureusement pas; pour toutes les raisons évoquées au cours de ces lignes. De fait, les amateurs de drama asiatiques actuels pourront peut être y trouver leur compte… les nostalgiques du cinéma d’action de l’âge d’or hongkongais, sûrement un peu moins.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Un scénario approfondi et compréhensible Des effets spéciaux et des décors soignés |
⊗ Des scènes d’action molles et peu originales ⊗ Des acteurs mal exploités ⊗ Des longueurs répétitives ⊗ Une photographie générique et impersonnelle |
Beaucoup moins fou et dynamique que son ainé Evil Cult, New Kung Fu Cult Master, à défaut d’être un bon kung fu pian, tente de proposer un récit plus tenu et approfondi. Cela ne suffit malheureusement pas à en faire une réussite. L’ensemble demeure très moyen et ne satisfera que difficilement les nostalgiques de la première version. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• La deuxième partie, New Kung Fu Cult Master 2, est sortie au même moment et reprend la même équipe technique et presque le même casting. En effet, Louis Koo et Donnie Yen ne sont pas présents dans cette suite.
Titre : New Kung Fu Cult Master / 倚天屠龍記之九陽神功
Année : 2022
Durée : 1h53
Origine : Chine / Hong Kong
Genre : Fantasy
Réalisateur : Wong Jing, Venus Keung
Scénario : Wong Jing
Acteurs : Raymond Lam Fung, Janice Man, Yun Qian-Qian, Xing Yu, Sabrina Qiu Lufan, Donnie Yen, Louis Koo, Elvis Tsui, Alex Fong, Raymond Wong, Jade Leung