Au cœur d’une forêt inconnue, un homme se réveille après avoir été enterré vivant… Il n’a plus de souvenirs et va découvrir très vite qu’il est, avec les membres de sa famille, la proie d’un tueur sadique et pervers…
Avis de Cherycok :
Film d’entrée de jeu conçu pour l’exploitation en dehors de son pays d’origine, d’où un tournage entièrement en anglais, Modus Anomali s’est taillé une solide petite réputation dans les festivals où il a été présenté (Gerardmer, PIFFF) et dans la presse spécialisée (Mad Movies, L’Ecran Fantastique). Pourtant, lorsqu’on se balade un peu sur le net, on constate très vite que le film divise clairement les foules et que, en bien ou en mal, il ne laisse personne indifférent. Après visionnage de la bête, j’avoue rester un peu perplexe devant mon écran. Ce que je viens de voir n’est pas nul, mais ce que je viens de voir n’est clairement pas bon non plus, loin de là. Attention, cette chronique risque de contenir des spoilers…
Tourné en à peine huit jours selon son réalisateur, et avec un budget qui semble dérisoire, Modus Anomali est ce qu’on pourrait appeler un film ultra minimaliste. Décors quasi uniques (la jungle indonésienne et une ou deux cabanes en bois), lignes de dialogues presque inexistantes, absence quasi totale de musique, une caméra en mode shacky-cam collant aux basques du personnage principal,… On a cette sensation très étrange, parfois un peu étouffante, de se trouver devant un huis-clos alors que l’action se déroule dans une jungle immense. Joko Anwar sait parfaitement ce qu’il fait et ses talent de metteur en scène ne sont à aucun moment à remettre en cause. Les plans de nuit sont tout simplement magnifiques, avec une profondeur de champ assez impressionnante alors que ce qu’il se passe à l’écran est relativement sombre.
Sombre, le film l’est également. Dénué de tout humour, doté de plans dits « chocs » comme l’éventrement de la femme enceinte, on ne rentre malheureusement jamais dans l’histoire, la faute en partie à un casting qui perd toute crédibilité lorsqu’il s’exprime en anglais, surjouant chaque mot, semblant réciter par cœur des phrases dont il ne comprend peut-être même pas le sens. Impossible donc de s’attacher à eux, à tel point qu’on se fiche par exemple éperdument du sort des « enfants » du personnage principal. Mais même ce dernier… On le voit souffrir, mais à aucun moment on ne souffre même un peu avec lui. Et c’est dommage car il est plutôt charismatique, quoi qu’un peu trop grimaçant, et on le sent concerné par son rôle.
Mais ce qui plombe le plus le film de Joko Anwar, c’est son twist qu’on voit venir à des kilomètres, dès les premières minutes. A moins de sortir d’une grotte dans laquelle on est resté enfermé 20 ans, comment ne pas voir venir la chose alors que ca a déjà été fait à de nombreuses reprises ? Je ne dis pas là qu’il faut forcément être novateur pour être réussi, mais lorsqu’un film repose uniquement sur son twist final comme c’est le cas ici, et qu’on voit ce dernier arriver comme un 38 tonnes fonçant à vive allure droit sur nous en klaxonnant comme un tordu, l’effet escompté est aussi efficace qu’un pet dans le vent. Mais pire que tout, alors qu’il aurait été nécessaire de laisser quelques parts d’ombres à toute cette histoire (qui est la proie ? qui est le chasseur ?), le réalisateur prend le temps de tout nous expliquer en détail durant 15 à 20 bonnes minutes ! Alors deux choix de pensée s’offrent à nous à ce moment là : est-ce qu’il manquait ces 15 à 20 minutes au film pour arriver à la durée moyenne d’un long métrage ? Ou alors est-ce que simplement il ne prendrait pas son public pour des gros demeurés à qui il faut tout expliquer parce qu’ils sont trop cons pour comprendre d’eux même ? Quelle que soit la réponse, il en résulte une annihilation quasi totale de cette part de mystère qui permet au spectateur de continuer de s’interroger sur le film une fois ce dernier fini.
Et puis quelle lenteur ! Le film dure 1h26 générique compris, mais il semble bien plus. La faute a un coté assez rébarbatif (je me cache derrière un rocher, je vais dans la cabane, je repars me cacher derrière un rocher, finalement je reviens à la cabane,…) et surtout des scènes trop étirées. Jamais scène de voiture n’aura été aussi longue, monotone, et surtout sans intérêt ! Je veux bien que les petites routes de forêt ne soient pas les plus praticables du monde, mais même ma grand mère de 93 ans s’en serait tirée plus rapidement d’une seule main et les yeux bandés.
En fait, Modus Anomali aurait gagné en intérêt au format court métrage, voire moyen plutôt que long. Il aurait pu aller bien plus à l’essentiel et aurait été bien plus percutant. En l’état actuel des choses, il est seulement un film pas trop mal fichu techniquement, visuellement réussi mais rapidement lassant, frustrant, prévisible, et doté d’un final un peu exaspérant. Un bien beau gâchis.
Note :
Titre : Modus Anomali / Modus Anomali : Le Réveil de la Proie
Année : 2012
Durée : 1h26
Origine : Indonésie
Genre : Promenons nous dans les bois
Réalisateur : Joko Anwar
Avec : Rio Dewanto, Hannah Al Rashid, Izzi Isman, Aridh Tritama, Sadha Triyudha, Jose Gamo, Marsha Timothy, Surya Saputra