Kyung-mi, jeune femme sourde-muette, croise une nuit la route de Do-sik, un tueur en série toujours à la recherche d’une nouvelle victime. Un jeu du chat et de la souris s’engage alors entre eux dans les ruelles nocturnes de Séoul…
Avis de Cherycok :
Midnight Silence, juste Midnight en VO, devait initialement sortir au cours du premier semestre 2020, mais l’épidémie de COVID-19 en a décidé autrement, entrainant le report de sa date de sortir. Le film sortira finalement dans les cinémas coréens en juin 2021, mais simultanément sur la plateforme de streaming TVING. A cause de cela et des restrictions dans les salles obscures à l’époque (port du masque obligatoire par exemple), le succès du film sera très limité, les spectateurs préférant le voir tranquillement dans leur salon en SVOD. Cela ne l’a pas empêché de gagner le Prix du Meilleur Film au Grimmfest 2021 et le Prix du Public pour le meilleur film asiatique au FanTasia 2021. Par chez nous, c’est The Jokers qui s’occupe de la sortie physique, mais le film passe inaperçu, Midnight Silence n’étant ni réalisé par une valeur sûre du cinéma coréen, il n’y a pas de grosse tête d’affiche au casting, et les blu-ray ont fini par se retrouver pour moins de 3€ neufs chez certains discounteurs. En effet, il s’agit du premier film de Kwon Oh-Seung qui n’a depuis qu’écrit et réalisé la série Trigger pour Netflix et bien que le film divise le public, et on comprend vite pourquoi, Midnight silence possède d’autres atouts qui en font un agréable divertissement.
Ce qui a fait grincer les dents de beaucoup de spectateur, c’est qu’il compote les habituels moments de frustration où on critique les personnages pour leurs actions et les choix qu’ils font. La Police, puis plus tard l’Armée, est une fois de plus ici complètement inutile, la scène du commissariat les faisant passer pour des benêts incapables de comprendre ce qu’il se passe. Même chose pour le personnage du grand frère, également policier, qui plutôt que de demander du renfort va négocier avec le criminel, et pas de la meilleure des façons. Il en est de même avec les nombreux passants du dernier acte, se contentant de regarder et de ne pas comprendre ce qui se passe comme des idiots. La jeune héroïne n’est parfois guère mieux lotie, montrant son adresse sans aucun souci à un inconnu étant possiblement la personne qui l’a poursuivie, ne se disant à aucun moment qu’il pourrait aller chez elle, n’ayant jamais la présence d’esprit de contacter la Police avec son téléphone portable car, bien que muette, on nous montre dans le dernier acte qu’elle arrive, avec de très gros efforts, à faire sortir quelques sons compréhensibles. Et même le serial killer a ses tares, avec son van bien visible puisque affublé de néons violets bien visibles en pleine nuit dès qu’il ouvre la porte (et il laisse parfois la porte ouverte), avec à l’intérieur un porte-vêtement ne cachant même pas ses armes ou sa précédente victime agonisant à l’intérieur. On pourrait également constater le fait que personne ne se rend compte, alors que nous sommes en plein Séoul, qu’une jeune fille se fait poursuivre en courant en pleine rue, dans des rues beaucoup trop désertes pour être crédibles. C’est donc en toute logique que ces soucis de personnages et de crédibilité de ce qu’il se passe à l’écran aient crispé certains spectateurs. Mais il faut se dire que, d’une part, on prend parfois des décisions étranges sous le coup de la précipitation et/ou de la peur, que s’il n’y a pas de mauvaises décisions, il n’y aurait pas autant de péripéties, et puis surtout qu’il y a de grandes chances que la plupart de ces « problématiques » soient volontaire car le réalisateur Kwon Oh-Seung cherche avant tout à se concentrer sur le handicap de son protagoniste principal, sourde et muette, les difficultés que cela engendre, et comment cela est perçu par le reste du monde.
En effet, Midnight Silence nous montre à quel point il est frustrant, voire difficile pour les sourds et muets de transmettre leurs pensées, de comment chacun va recevoir différemment et surtout réagir différemment lorsqu’il est « confronté » à quelqu’un avec ce genre de handicap, et à quel point les gens sont facilement dupés par le tueur en série psychopathe du film parce que les deux protagonistes féminins principaux ne peuvent pas communiquer facilement avec leurs pairs, surtout dans l’urgence. Parce que le handicap, encore aujourd’hui, fait peur à beaucoup de monde, quelle que soit sa nature. Déjà qu’en temps normal, le premier réflexe, avant même d’aller aider, d’une bonne tranche de la population est de sortir le téléphone pour filmer la scène, alors pour aider une jeune fille étrange car elle fait des bruits bizarres et est incapable de parler. C’est la façon dont le monde d’aujourd’hui fonctionne, et il est au final assez facile de comprendre que c’est ce que le réalisateur a voulu passer comme message derrière cette histoire de cache-cache entre un tueur en série et cette jeune fille sourde muette. Une critique sociétale sous couvert de thriller horrifique qui finit malgré tout sur une note positive, chose assez rare dans le cinéma coréen qui prend souvent un malin plaisir à faire souffrir ses personnages jusqu’au bout. Un film qui tente d’ouvrir les yeux sur les sourds et malentendants, qui plus est ici muets, et qui doit une partie de sa réussite au talent des acteurs, en particulier la jeune Jin Ki-Joo (les séries Moon Lovers ou encore My Perfect Stranger) très impressionnante dans ce rôle de sourde muette (alors que l’actrice est tout à fait valide à ce niveau-là), tantôt combattante, tantôt fragile, et surtout très émouvante le temps d’une scène. Wi Ha-Joon (The Chase, la série Squid Game) s’en sort également très bien dans le rôle du psychopathe, avec son regard et son sourire pleins de folie, même si on regrettera que son personnage ne soit jamais approfondi. La mise en scène de Kwon Oh-Seung est léchée, comme c’est souvent le cas dans le cinéma coréen, et il arrive à injecter un très bon rythme à son film et à insuffler suffisamment de tension, avec cette course en avant représentée par plusieurs longues courses poursuites effrénées, permettant de garder l’attention du spectateur. Bien que l’ensemble manque clairement de victimes ou de moments chocs pour retenir réellement l’attention, Midnight Silence se consomme assez facilement, et permet, si on arrive à faire la part des choses par rapport aux réactions des personnages, de passer un bon moment.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le duo Jin Ki-Joo / Wi Ha-Joon ♥ Le message sur le handicap ♥ Bonne mise en scène ♥ Bien rythmé |
⊗ Un tueur en série pas approfondi ⊗ Timide en victimes ⊗ Manque de moments vraiment marquants |
En termes de thriller, la Corée du sud a clairement fait bien mieux que Midnight Silence. Néanmoins, le divertissement proposé se tient et, bien que le film ne marquera pas les esprits, il permet de passer un bon moment et de passer un message intéressant. |
Titre : Midnight Silence / Midnight / 미드나이트
Année : 2021
Durée : 1h43
Origine : Corée du Sud
Genre : Gaffe aux hommes dans la rue
Réalisateur : Kwon Oh-Seung
Scénario : Kwon Oh-Seung
Acteurs : Jin Ki-Joo, Wi Ha-Joon, Park Hoon, Gil Hae-Yeon, Kim Hye-Yoon, Jung Won-Chang, Jang Deok-Ju, Lee Sang-Ju, Lee Sang-Hee, Lim Sung-Mi, Shin Mi-Young