[Film] Megalopolis, de Francis Ford Coppola (2024)

César est un architecte avec la capacité d’arrêter le temps. Après une catastrophe, il se heurte à un Maire conservateur quant à leur vision opposée concernant l’architecture de la ville, New Rome.


Avis de Rick :
Dire que Megalopolis est le film d’une vie, ça, tout le monde le sait. D’après les dires de Laurence Fishburne, ayant un petit rôle dans le film (comme garde du corps et narrateur), Coppola parlait déjà du métrage sur le tournage d’Apocalypse Now, donc à la fin des années 70. De nombreuses réécritures plus tard, plusieurs avortements plus tard, dans les années 80 puis au début des années 2000, le projet refait surface à la fin des années 2010, presque avec le casting qu’on lui connait aujourd’hui. Cannes 2024, le film est présenté. Une année d’ailleurs sous le signe des projets fous, projets d’une vie, projets autofinancés, avec Megalopolis de Coppola d’un côté et Horizon Chapitre 1 de Kevin Costner de l’autre. Coppola aura dû financer intégralement le film lui-même pour donner vie à sa vision. Et 120 millions de dollars, ce n’est pas une petite somme, loin de là. Est-ce que le projet est la vision d’une vie ? La vision d’un homme ? Clairement, avec ce que cela comporte de défauts comme de qualités, c’est indéniable. Megalopolis, c’est la vision de Coppola, sans compris, un peu à l’image de films monstres et parfois incompris, comme Southland Tales, Inland Empire ou bien justement Horizon en cette année 2024. Souvent trop long, s’éparpillant sans doute la faute à sa trop longue gestation de plus de 40 ans, autant parsemés de moments discutables voire ratés que de moments proches du génie, pour former un tout bancal oui, à prendre ou à laisser suivant l’appréciation des spectateurs. Mais ces défauts (bien présents) et qualités (eux aussi bien présents), on les trouve dans absolument chaque domaine du film. Interprétation, photographie, CGI, mise en scène, scénario, montage. Et pourtant, pour ma part, Megalopolis, plus que ses défauts ou ses qualités, m’est apparu comme une expérience intéressante, et même importante.

Bon, Megalopolis, tout le monde connait l’histoire. Après une catastrophe, César (Adam Driver), un architecte, veut reconstruire New York en New Rome pour en faire une utopie, se heurtant au Maire actuel de la ville (Giancarlo Eposito), aux idées bien plus conservatrices. Rien ne s’arrange lorsque César commence à fréquenter Julia (Nathalie Emmanuel), la fille du Maire. Durant 2h18 donc, Coppola nous emmène dans sa vision unique, dont le premier grand défaut sera sa durée. Si tout était autant maitrisé que les moments de grâce le parcourant, ce ne serait pas bien grave, mais là, en passant parfois d’une idée géniale à une autre discutable, et en mettant un nombre incalculable d’idées et thématiques dans le métrage, Coppola livre ce qui apparaît, après 40 ans de développement, à un brouillon malgré tout. Un brouillon passionnant, mais brouillon. Nul doute que le film sera détesté par une majorité des spectateurs, et que si Megalopolis est en effet le dernier métrage de Coppola, ce serait un peu triste. Surtout vu le méga bide annoncé du film (4 millions de dollars récoltés lors de son week-end d’ouverture aux Etats Unis). À l’image de Southland Tales d’ailleurs qui fut un méga bide, ou d’Inland Empire. Sauf que Richard Kelly tout comme David Lynch, ils auront livré derrière The Box (même si je ne l’apprécie pas des masses) et Twin Peaks the Return. Bref, revenons à Megalopolis, qui au moins, commence extrêmement bien, en nous présentant d’entrée de jeu son personnage principal et sa capacité à stopper le temps. Le temps, voilà bien une thématique d’ailleurs qui semble chère à Coppola depuis des années, et il est donc logique de la voir resurgir ici dans Megalopolis.

Ce qui est bien plus dommage, c’est qu’en abordant le temps parfois sous différents angles, parfois le réalisateur délaisse certaines idées. Que César puisse arrêter le temps, en ouvrant en plus le film sur ça, semble important, mais à part pour un rebondissement romantique en milieu de film, il ne s’en servira quasiment jamais. Là où le film est plus pertinent dans son usage du temps, c’est clairement via l’optique de César de livrer l’œuvre de sa vie, et donc d’être clairement reconnu pour ça, que les gens se souviennent de lui dans les années. Un miroir de plus avec Coppola, âgé de 85 ans et livrant l’œuvre d’une vie ici. Pourtant, pour beaucoup, c’est compliqué de l’aimer l’œuvre de cette vie. En réalité, malgré déjà de gros défauts, l’on pourrait dire de mon côté que la première heure m’aura passionné. Mais il y a déjà ce trop-plein dans le métrage. Trop de personnages donc pas assez de développement pour beaucoup, trop d’acteurs (Laurence Fishburne et Dustin Hoffman, pour moi clairement trop en retrait, voire délaissés par le script lui-même), trop de thèmes intéressants à peine esquissés, une multitude de très belles images, d’autres assez laides, des moments assez putassiers et vulgaires, bien que clairement volontaires de la part de Coppola, et des moments bien plus magiques et pertinents. Et bien évidemment, comme souvent, une couche de romantisme par-dessus tout ça.

Et puis il se dégage constamment quelque chose d’unique du métrage, tant ce qu’il tente le rend unique à bien des égards. La très (trop ?) longue scène du colisée en est la preuve, et elle accumule à elle-seule toutes les qualités et tous les défauts du métrage. Trop longue, vulgaire, expérimentale, autant réussie que ratée, et voir Coppola y aller autant à fond sans jamais lâcher prise, c’est un peu niais, mais finalement, c’est aussi assez touchant. Sauf qu’à force de faire constamment du yoyo entre qualités et défauts, moments de grâce et purs ratages, la durée du film se fait sentir, notamment durant la seconde heure, pourtant elle aussi parsemée de moments uniques. De plus, notons que si le casting souffle le chaud et le froid, souvent la faute à une écriture qui a dû souffrir de sa longue gestation, Adam Driver donne par contre tout ce qu’il a dans le rôle principal et reste le plus convaincant. Malgré tout, que l’on apprécie ou pas Megalopolis, le projet de Coppola a au moins pour lui une qualité indéniable et éternelle : il est unique. Il ne ressemble à aucun autre film (à part, encore une fois, de par sa multiplication de genres, de tons, de personnages, de thèmes, et bien, Southland Tales), et il va marquer les spectateurs, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Pour certains cinéphiles, il laissera un goût amer. Pour d’autres un goût plus tendre, un peu niais mais touchant. Je fais partie de ceux-là. Donc si vous voulez un peu de Grèce Antique, de Colisée, de futur, d’utopie, de CGI, de temps qui s’arrête, de politique, mais aussi de technologie, d’histoire, de civilisation, des médias, d’économie et j’en passe, tentez l’expérience, en espérant qu’elle ne soit pas douloureuse pour vous.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le projet d’une vie pour Francis Ford Coppola
♥ Un gros casting
♥ Des moments juste magiques
♥ Des idées à la pelle
♥ La première heure se tient bien
♥ Assez touchant de par sa naïveté
⊗ Des CGI très inégaux
⊗ Des longueurs
⊗ Trop d’idées, de thèmes, de personnages
⊗ Des moments juste ratés
note2
Ratage partiel et semi-réussite pour le projet de longue date de Coppola, Megalopolis est un film malade, parsemé de moments tout simplement uniques et géniaux, partageant souvent la vedette avec des moments purement ratés et ridicules. L’alternance des deux amène des longueurs, mais Megalopolis mérite un coup d’œil, tout simplement car il est unique. Et pour un film totalement indépendant au budget de tout de même 120 millions de dollars, forcément, ça rend curieux.


Titre : Megalopolis
Année : 2024
Durée :
2h18
Origine :
Etats Unis
Genre :
Le film d’une vie
Réalisation :
Francis Ford Coppola
Scénario :
Francis Ford Coppola
Avec :
Adam Driver, Giancarlo Eposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Laurence Fishburne, Talia Shire, Jason Schwartzman, Kathryn Hunter, James Remar, Balthazar Getty, Grace Vanderwall et Dustin Hoffman
Megalopolis (2024) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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