En Corée occupée par les Japonais, un escroc opérant sous le nom du « comte Fujiwara » projette de séduire une héritière japonaise nommée Mademoiselle Hideko, puis de l’épouser et de l’enfermer dans un asile pour lui voler son héritage. Il engage une voleuse nommée Sook-hee vivant dans une famille d’escrocs afin qu’elle devienne la camériste de Hideko et sa confidente pour encourager cette dernière à épouser le « comte ».
Avis de Rick :
Depuis le début des années 2000, une poignée de réalisateurs Coréens ont réussis à se faire connaître à l’international, avec plus ou moins de réussite. Citons parmi mes préférés, juste pour la piqure de rappel et pour inciter les lecteurs du site à se jeter sur leurs films, l’incroyable Bong Joon-Ho (Parasite, Snowpiercer, The Host, pour ne citer qu’eux), le talentueux Kim Ki-Duk (L’Île, Printemps Été Automne Hiver… et Printemps, Locataires, mais bon, RIP) ou encore Na Hong-Jin (The Chaser, The Murderer, The Strangers). Puis il y a les autres, qui font tout autant parler d’eux en festival, mais qui soit divisent les spectateurs, soit divisent suivant les films. Je parle bien entendu des deux plus grands représentants de cette section, à savoir Kim Jee-Woon (j’adore The Quiet Family ou encore A Bittersweet Life, et suis insensible à son I Saw the Devil), et Park Chan-Wook qui nous intéresse aujourd’hui. Révélé aux yeux du grand public en 2003 avec le prix donné à Cannes pour son Old Boy, la carrière du monsieur ne fait que me diviser.
Non pas que je l’adore contrairement à beaucoup, ou que je le déteste, loin de là, mais ces films soufflent le chaud et le froid avec moi. Si je n’ai pas pu poser les yeux sur ses débuts, son premier métrage reconnu, Sympathy for Mister Vengeance en 2002, m’aura impressionné par son ton froid et désespéré. Une grande réussite pour moi. Old Boy, malgré d’énormes qualités, m’aura moins marqué. Quand à son épisode final de sa trilogie, Lady Vengeance, il m’aura laissé une impression mitigée. Traversé par des éclairs de génie, réussite formelle techniquement, il n’échappe pas à de nombreux égarements et fautes de goûts. Des éléments qui se retrouvent dans la suite de sa filmographie. Je ne serais même pas parvenu au bout de Je Suis un Cyborg (et ça n’a rien à voir avec le fait que la vision du film à l’époque sur mon ordinateur fit littéralement griller ma carte mère… oui je sais, c’est un hasard, mais je lui en veux !), Thirst était intéressant mais bien trop long, et son excursion en Amérique, Stoker, ne m’aura tout simplement fait ni chaud ni froid. Alors quand la moitié du public et de la presse crie au nouveau chef d’œuvre avec Mademoiselle en 2016, moi j’étais curieux il est vrai, mais aussi méfiant. Tellement méfiant que j’aurais mis 4 longues années à le voir le film, tout en ayant fait l’acquisition de la bête en Blu-Ray malgré tout, parce que je suis comme ça, et que j’aime les beaux objets dans ma collection.
Bref, je l’ai vu Mademoiselle, et un peu comme Thirst ou Lady Vengeance, c’était traversé d’éclairs de génie, de moments maitrisés, de beaux moments, mais aussi d’autres plus discutables, et c’était comme souvent trop long. 2h25 après tout. L’ambition de Park Chan-Wook sur son nouveau film, tout en adaptant très librement le roman Du Bout des Doigts de Sarah Waters (datant de 2002), c’était de nous livrer un thriller d’époque mâtiné d’érotisme, en mettant les femmes en avant. Avec un budget de 8,7 millions de dollars, le réalisateur de 56 ans (52 donc à l’époque de la sortie) a les moyens de ses ambitions, plaçant son histoire dans les années 30, lorsque la Corée est occupée par le Japon. Et comme à son habitude, il n’est ici que question de manipulation, manipulation des personnages mais également manipulation des spectateurs par la mise en image. Mais dans sa première partie en tout cas, Park Chan-Wook m’aura surpris, sa mise en scène appliquée semble avoir quelque peu murie, n’utilisant que très peu d’artifices tape à l’œil, filmant simplement son trio de personnages, et mettant en avant le lieu de l’action également comme un personnage à part entière. Il faut dire que le manoir où se déroule une bonne partie de l’histoire, où Sook-Hee est envoyée pour espionner la Mademoiselle du titre, Hideko, pour le comte de Kouzuki, l’oncle, est magnifique et permet beaucoup de choses. Le but bien entendu, manipuler la jeune femme afin d’arranger un mariage et de récupérer sa fortune, avant de la faire interner. Le film se découpe en trois grandes parties, chacune nous mettant avec un personnage principal en quelque sorte, et permettant de démêler le vrai du faux dans cette longue manipulation. Sook-Hee tout d’abord fait office de personnage principal, se rapprochant d’Hideko, et Chan-Wook met les rouages en place doucement. Il filme avec application les lieux et événements, se laisse aller à quelques scènes gentiment suggestives (la baignoire), puis à quelques scènes un peu moins suggestives (la fameuse scène de la chambre), mais ça fonctionne bien.
On ne voit pas tout de suite où il veut en venir, et semble freiner certaines de ses habitudes, comme la stylisation de sa mise en scène ou la mise en avant de la violence. Pour le moment, car rassurez-vous, il ne se calmera pas bien longtemps. Dans la seconde partie, c’est Hideko qui a le rôle principal de cette manipulation en trois actes, avant de placer Kouzuki en tant que personnage principal pour clore tout ça. L’érotisme, souvent suggéré ou furtif dans la première partie, prend alors de l’ampleur et de l’importance dans la seconde partie, autant visuellement que dans le traitement voulu des personnages, et si tout n’est pas parfait, le réalisateur évite ceci dit d’en faire trop ou de tomber dans la complaisance pure et simple. On évite même le plus souvent les scènes à rallonge mettant en avant le corps des actrices (oui, vous savez bien à quel film Français je fais référence). Pas si mal donc, et plutôt surprenant dans le fond. Mais c’est dans cette seconde partie que les longueurs du récit commencent à apparaître, notamment lorsque l’histoire revient sur des points déjà vus lors de la première partie. Le changement de point de vu apporte bien quelque chose, mais le réalisateur s’attarde et s’éparpille par moment. Alors quand arrive la fatidique dernière partie, celle qui doit recoller tous les morceaux de cette manipulation, on y retrouve bien évidemment encore quelques longueurs, mais surtout les quelques travers habituels de Park Chan-Wook, notamment lorsqu’il se met à verser dans une violence visuelle peu subtile. Comme si finalement, Park Chan-Wook préférait que l’on le remarque plutôt que d’accepter son histoire et de la dépouiller pour la rendre plus intense. Car il y a bien quelque chose ici, de beaux moments, d’autres ingénieux, quelques bons retournements de situations, mais également pour le coup des longueurs, des moments qui insistent trop, et par moment un manque de subtilité que le reste du récit faisant pourtant preuve. Comme une œuvre tiraillée entre ce qu’elle veut raconter et les tics habituels de son réalisateur. Reconnaissons en tout cas une maitrise de la mise en scène, des décors, et deux actrices sublimes, habillées comme dénudées. Et malgré les longueurs, on ne s’ennuie pas.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Une manipulation en trois parties ♥ Kim Min-Hee et Kim Tae-Ri ♥ Mise en scène appliquée et parfois discrète ♥ De belles scènes |
⊗ Un poil trop long ⊗ Une dernière partie parfois moins convaincante |
Park Chan-Wook revient, toujours avec une manipulation dans sa poche, mais sous forme de thriller érotique. Bien sympathique, traversé de quelques éclairs de génie, avec deux actrices investies et convaincantes, mais qui n’échappe pas à quelques longueurs et égarements. |
Titre : Mademoiselle – Agassi – 아가씨
Année : 2016
Durée : 2h25
Origine : Corée du Sud
Genre : Thriller
Réalisation : Park Chan-Wook
Scénario : Park Chan-Wook et Chung Seo-Kyung
Avec : Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri, Ha Jung-Woo, Cho Jin-Woong, Kim Hae-Sook, Moon So-Ri et Lee Yong-Nyeo
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