Ching et Yiu forment un couple moderne et visiblement heureux. Néanmoins, le jour où, à la suite du vol de sa voiture, Yiu est contraint d’annuler leur voyage en Europe prévu de longue date, ces petits riens qui fissurent lentement mais sûrement jusqu’aux couples les plus solidement armés vont refaire surface. Seul, un peu déprimé, Yiu retrouve finalement une once de sourire lorsqu’il remet par hasard la main sur sa voiture… mais les truands ne sont pas loin : ils décident d’embarquer Yiu dans leur équipée sauvage.
Avis de Oli :
Ça y est, je le tiens enfin… depuis le temps que je l’attendais je n’y croyais presque plus, et pourtant il est arrivé. Qui donc ? Eh bien mon polar de référence post 2000, le thriller à la fois touchant et musclé qui va réveiller notre siècle à peine entamé. Certes ces dernières années le cinéma HK a, malgré les critiques, toujours réussi à nous sortir quelques bons vieux polars de derrière les fagots, et on l’a souvent dû à la patte géniale de Monsieur To. Hélas avec BREAKING NEWS Johnny To m’a paru un peu moins inspiré que d’habitude. Son film précédent, PTU, aussi réussi soit-il, surprend peu et n’émeut pas. Non content de surclasser le studio Milky Way dans un genre qui pourtant lui semblait tout acquis, LOVE BATTLEFIELD parvient également à être plus passionnant que le plus célèbre film policier HK de ces dernières années (INFERNAL AFFAIRS), en grande partie grâce à ses rôles féminins importants et parfaitement crédibles (le principal défaut du film d’Andrew Lau et Alan Mak). Quant aux films noirs plus récents, ils ne soutiennent pas, à mes yeux, la comparaison : JIANG HU a trop misé sur son casting étoilé, et ONE NITE IN MONGKOK, s’il a plusieurs points communs avec le film qui nous occupe aujourd’hui, cumule néanmoins de petits ratés dans le casting et un final désagréablement outrancier.
Il y a donc bien longtemps qu’un film de ce genre-là ne m’avait pas autant emballé : l’intrigue est parfaitement maîtrisée, sans temps mort, et surtout Soi Cheang, le réalisateur, a su monter en parallèle de son fil rouge (le kidnapping et les courses poursuites) une histoire amoureuse qui donne toute sa vie au film. A partir du moment où les personnages sonnent « vrais » et que leurs sentiments nous apparaissent alors si puissants qu’ils en deviennent palpables, le tour est joué : le spectateur est conquis. Reste à maintenir son intérêt constamment éveillé. Et bien là aussi, le pari est réussi : violence explosive et sauvage, suspense haletant, personnages constamment sur le fil du rasoir, désespoir à fleur de peau… non les frissons n’ont pas fini de vous parcourir l’échine.
Pour vibrer à ce point il fallait bien évidemment des personnages forts, profonds. Et humains. Ainsi même les brutes qui volent et assassinent froidement tout au long du récit laissent, furtivement, apparaître des faiblesses, des blessures. Ce qui n’excuse pas leurs gestes, mais les explique, partiellement. Sans connaître leur histoire dans ses grandes largeurs, on devine que les truands viennent de Chine, qu’ils sont prêts à tout pour s’en sortir. Qu’aujourd’hui le désespoir ayant fait table rase des mirages ils n’ont plus rien à perdre. On s’apercevra alors qu’il n’y a rien de plus dangereux qu’une meute de loups déracinée et blessée. A l’image du film de Derek Yee ONE NITE IN MONGKOK, le long métrage de Soi Cheang tente donc de dresser un (rapide) état des lieux du Hong Kong d’aujourd’hui et surtout de ces immigrés un peu paumés qui s’y retrouvent coincés, la faute à des horizons bouchés. Tout aussi désespéré, LOVE BATTLEFIELD n’est pourtant pas dénué de toute lumière. En cela le film de Soi Cheang est légèrement moins sombre que celui de Derek Yee.
A mille lieues de tout cela et de la crise hongkongaise, le couple formé par Ching et Yiu a tout pour plaire, et réussir. Leur amour qui renversera peut-être des montagnes parviendra, j’en suis certain, à faire vibrer votre corps jusqu’à toucher son cœur. Jamais mielleuse ni trop romancée (même si l’on peut bien évidemment reprocher au final d’être trop démonstratif), l’intrigue amoureuse est savamment dosée : cette délicate alchimie s’obtient à force de détails insignifiants qui nous laissent alors à penser que le quotidien du jeune couple pourrait tout aussi bien être le nôtre, que leurs soucis personnels ont quelque chose à voir avec ceux que l’on a déjà rencontrés, ou que l’on croisera immanquablement un jour, plus tard peut-être. Ce drame si simple et si humain vient parfaitement compléter le sombre thriller qu’est LOVE BATTLEFIELD.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Intrigue maitrisée ♥ Très bien rythmé ♥ Les personnages |
⊗ … |
Maîtrisé de bout en bout, porté par des acteurs absolument excellents, LOVE BATTEFIELD est un film si haletant qu’il mettra vos nerfs à très rude épreuve. Énergique et violent, tragiquement moderne, il constitue à mes yeux la plus belle référence actuelle en la matière. |
Titre : Love Battlefield / 愛‧作戰
Année : 2004
Durée : 1h36
Origine : Hong Kong
Genre : Polar / Drame
Réalisateur : Soi Cheang
Scénario : Szeto Kam Yuen, Jack Ng
Acteurs : Eason Chan, Niki Chow, Raymond Wong, Wang Zhi-Wen, Qin Hai-Lu, Kenny Kwan, Carl Ng, Victy Wong, Kwok Tak-Leung, Lau Chi-Tak, Lai Wai-Tak