[Film] Les Yeux De Feu, de Avery Crounse (1983)

1750. Un groupe de pionniers, dirigés par un révérend idéaliste sont chassés de leur village, et partent s’installer dans une autre région inexploré de l’Amérique du Nord. Ils s’y établissent, inconscients des épouvantables secrets qu’abritent les bois environnants.


Avis de John Roch :
Si c’est la réalisation qui l’a en premier lieux intéressé, c’est en tant que photographe que Avery Crounse s’est illustré avec un style novateur, la manipulation des couleurs et du négatif, reconnu dans le milieu. Cette reconnaissance, il ne la trouvera pas en tant que cinéaste avec trois films seulement à son actif dont on ne retiendra finalement que son premier long métrage: Les Yeux De Feu. Distribué en totale indépendance dans un total de 19 salles, principalement en Floride, le film a vraiment commencé à faire parler de lui lors de sa sortie en VHS au milieu des années 80 (pour la France, il faudra attendre une sortie tardive au début des années 90) avant de sombrer dans l’oubli. Longtemps invisible, cette production de 1,5 millions de dollars ne ressortira officiellement qu’ en 2021, lui donnant ainsi la visibilité qu’il mérite. Car si de prime abord ce film un peu vieillot, avec ses démons qui hantent une forêt, Les Yeux De Feu semble être un sous Evil Dead en costume, il s’agit en réalité d’une œuvre intéressante à plus d’un titre.

De part l’ époque à laquelle se déroule le métrage déjà, qui renvoi d’avantage au cinéma British plutôt qu’aux bandes horrifiques Américaine du début des années 80. L’action se passe en 1750 et raconte comment un pasteur qui échappe à la pendaison pour adultère part avec une poignée de ses fidèles, bientôt rejoins par le mari de la femme qui couche avec l’ homme de foi, à la recherche d’une nouvelle terre promise. Ensemble, ils s’installent dans les ruines d’une cabane qu’ils colonisent sans savoir que le lieu est hanté par un démon qui aspire les âmes dans les arbres. Loin de reprendre les clichés des personnages des films d’ horreur de cette époque alors en pleine slasher mania, Les yeux de feu aligne une galerie de peu courante en ce temps: un pasteur illuminé par la foi, sa pupille aux pouvoirs surnaturels, un trappeur qui effrayé par les légendes locales vient chercher sa fille sans pour autant se soucier de sa femme qui est tombé dans les bras dudit pasteur et une famille aveuglée par les propos de celui-ci. Des personnages intéressants mais aux liens assez flous car Les Yeux De Feu est un film pour le moins bordélique et peu cohérent qui sacrifie son histoire au profit des apparitions d’esprits et du démon de la forêt. Le métrage se révèle malgré tout d’une très bonne générosité sur ce point, assurant un rythme soutenu et des scènes parfois surprenantes aux effets spéciaux aujourd’hui certes vieillots mais qui mérite une part d’attention dans leur exécution. Dans un cinéma horrifique qui est en pleine essor avec toujours plus d’effets sanglants, Les Yeux De Feu ne cherche pas à révolutionner quoi que ce soit. Au contraire Avery Crounse reprend les méthodes qu’il a utilisé pour ses photographies et ses effets spéciaux à base de superpositions d’images et de jeux avec le négatif renvoi directement au cinéma expressionniste. Crounse est un réalisateur qui vient de la photographie et cela se ressent, si la mise en scène semble sommaire ce n’est que pour mieux surprendre avec des images parfois vraiment superbes qui, couplées avec les effets spéciaux susmentionnés, font du film un véritable trip visuel à l’ambiance à la fois onirique et féerique, à laquelle s’ajoute une très belle bande son signée Brad Fiedel.

Sous cette forme, Les Yeux De Feu est un métrage visuellement beau mais sans véritable histoire, parfois monté n’importe comment, aux enchaînements de scènes qui manquent de clarté. Le film ne manque pourtant pas de profondeur mais ça, c’était avant que Avery Crounse ait décidé de remonter son film suite à une projection dont il n’est pas sorti convaincu, coupant ainsi vingt minutes de bobine de Crying Blue Sky, hier titre original du métrage et aujourd’hui version longue qui donne une structure étoffée et ainsi plus de cohérence à l’ensemble, mais pas que. Crying Blue Sky est dans son approche du fantastique déjà plus graduelle. Il y a une forme de montée en tension absente de la version connue jusqu’ici, le suspens est bien plus entretenu sur certains éléments du scénario que dans Les Yeux De Feu qui grillait d’entrée de jeu ce qui s’apparente ici comme une petite série de twists certes prévisibles mais bien entretenus. Mais ce qui change complètement le film, c’est le développement des personnages. Dans Crying Blue Sky, le pasteur n’est plus qu’ un homme illuminé par la foi mais un messie capable de miracles, du moins en surface, une sorte de gourou à qui la chance souris sans cesse qui embarque dans sa découverte d’un nouveau monde sa pupille qui ne révèle plus sa vraie nature dès les premières minutes, une famille qui boit ses paroles mais cette fois-ci au sien d’un couple dysfonctionnel, une femme âgée qui perd la vue pour la retrouver, et la perdre à nouveau… dans sa version longue, Les Yeux De Feu peut être, avec cette communauté qui cherche un nouveau monde dans le nouveau monde, perçu comme un film qui dénonce non seulement le puritanisme mais aussi l’ isolation et l’ endoctrinement que peuvent engendrer les les dérives sectaires. Crying Blue Sky est une œuvre bien plus aboutie, bien plus profonde, mais il est possible que Les Yeux De Feu soit plus apprécié de par son coté plus rythmé et rentre dedans. Ce serait passer à coté de Crying Blue Sky, un film bien plus profond qu’il en a l’air mais dans les deux cas, ce film atypique dans le paysage de la production horrifique du début des 80 mérite un petit coup d’œil.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un film atypique dans le paysage de la production horrifique US du début des 80’s
♥ Un trip Visuel aux images parfois superbes
♥ L’ ambiance
♥ Le rythme, dans Les Yeux De Feu
♥ Le scénario, dans Crying Blue Sky
♥ Des effets spéciaux vieillot mais qui conserve leur charme
♥ La musique de Brad Fiedel
⊗ Une fois vu Crying Blue Sky, Les Yeux De Feu perd en intérêt
⊗ Le rythme de Les Yeux De Feu, plus dynamique que celui de Crying Blue Sky
⊗ Les Yeux De Feu est un sacré bordel scénaristique
⊗ L’ensemble a bien vieilli tout de même

Note Les Yeux De Feu:

Note Crying Blue Sky:

Il est possible que Les Yeux De Feu soit plus apprécié de par son coté plus rythmé et rentre dedans. Ce serait passer à coté de Crying Blue Sky, version longue plus profonde et aboutie mais dans les deux cas, ce film atypique dans le paysage de la production horrifique du début des 80 mérite un petit coup d’œil et de sortir de l’oubli dans lequel il est tombé.


Les Yeux De Feu est disponible en combo DVD/Blu-ray chez Rimini Edition.

En plus du film et de sa version longue, on y retrouve un entretien avec Avery Crounse et un livret de 24 pages écrit par Marc Toullec



Titre : Les yeux de feu / Eyes of fire / Crying blue sky
Année : 1983
Durée : Les yeux de feu: 1h26 / Crying blue sky: 1h48
Origine : USA
Genre : Fantastique
Réalisateur : Avery Crounse
Scénario : Avery Crounse

Acteurs : Dennis Lipscomb, Guy Boyd, Rebecca Stanley, Sally Klein, Karlene Crockett, Fran Ryan, Rob Paulsen, Kerry Sherman, Caitlin Baldwin
Eyes of Fire (1983) on IMDb


5 1 vote
Article Rating

Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires