[Film] Les Larmes du Tigre Noir, de Wisit Sasanatieng (2000)


La première rencontre de Rumpoey, impétueuse citadine et Dum, timide villageois date de leur enfance, dans le petit village où la famille de Rumpoey s’est réfugiée pendant la guerre du Pacifique. Il la sauve des griffes des voyous du coin. Ils se retrouvent à l’université où Dum sauve, cette fois-ci, l’honneur de Rumpoey. La rencontre tourne alors à la romance. De grandes promesses sont échangées. Dum est amené à retourner dans son village où il intègre le gang local pour se venger du bandit qui s’est attaqué à son père. Il s’y distingue et y gagne le surnom de « Tigre noir « . Le père de Rumpoey devient le nouveau gouverneur de la province et il promet sa fille au capitaine de la Police dont l’ambition est de débarrasser la province de la pègre… Rumpoey, blasée par les circonstances, accepte d’épouser le bouillant capitaine qui est fait prisonnier par la bande du Tigre…


Avis de Oli :
Le western est mort. Passionné par ce genre depuis ma plus tendre enfance, cette nouvelle qui n’en est plus vraiment une ne me chagrine guère : je préfère en effet revoir avec plaisir quelques classiques d’antan plutôt que de supporter des films censés rendre  » hommage  » au genre en le pillant de ses idées tout en le dépouillant de son charme propre (SILVERADO). Si quelques films modernes restent au-dessus du lot, il s’agit le plus souvent de longs métrages portant le deuil de toutes les œuvres du passé (IMPITOYABLE), ou alors de série B décomplexée voir limite parodiques (YOUNG GUNS).

La parodie, parlons-en puisque LES LARMES DU TIGRE NOIR verse dans toutes les exagérations possibles et imaginables. Le western spaghetti en prend donc pour son grade. Mais est-il possible de parodier ce qui, à la base, étant en soit également une parodie ? Et bien il faut avouer que certaines scènes du TIGRE NOIR sont parfois un peu lourdes, répétitives, mais il est bon parfois de se moquer (avec amour) de certains chefs d’œuvres du passé. Leone lui-même avait parodié le genre qu’il avait créé en assommant le monde du western spaghetti d’un nouveau sous genre beaucoup plus humoristique et qui marquait là le déclin inévitable de ces films (avec l’apparition de titres parfois bons, comme MON NOM EST PERSONNE, parfois plus poussifs, comme UN GENIE, DEUX ASSOCIES, UNE CLOCHE). LES LARMES DU TIGRE NOIR se situe donc entre ces deux courants, entre le spaghetti  » classique  » et ces grosses bouffonneries parfois indigestes. Bien entendu les clins d’œil pullulent dans le film de Sasanatieng : on retrouve l’harmonica de Charles Bronson dans IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST, le pistolet automatique Mauser de Trintignant du GRAND SILENCE, des duels à la Leone (gros plans sur les visages avant les coups de feu : ici une goutte d’eau s’introduit subrepticement dans l’œil de l’un des protagonistes qui s’en retrouve tout déconcentré : ça m’a bien fait rire), des ralentis et des gerbes de sang qui giclent du corps à l’endroit de l’impact (merci à Monsieur Peckinpah et plus particulièrement à sa HORDE SAUVAGE), bien entendu des musiques sonnant (parfois) très Morricone (notamment un morceau qui rappelle énormément ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS), on nous rappelle également, comme nous l’avait appris à l’époque Clint Eastwood dans POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS, que dans un duel mortel, il vaut mieux parfois ne pas viser le cœur !

Le procédé est donc plutôt sympathique, surtout que le réalisateur ne se contente pas de ces références, puisque Sasanatieng a choisi de jouer la carte du kitsch à outrance : couleurs pastelles, saturées, des tapisseries jaunes ou roses pour les salons, petites moustaches en plastique pour le méchant, et avec tout cela un jeu d’acteurs complètement déjanté, puisque la grande majorité d’entre eux cabotinent jusqu’à l’excès. Ça pourra en irriter certains, personnellement j’ai eu l’étrange impression d’assister à un western spaghetti violent et tragique, tourné dans des décors montés par un type sous acide, le tout peuplé par les protagonistes de Santa Barbara et des Feux de l’Amour réunis. Vous l’aurez compris, avec LES LARMES DU TIGRE NOIR on se trouve sur une autre planète, ou dans une autre dimension c’est selon ! Mais les surprises ne s’arrêtent pas là, car non content de parodier les westerns spaghettis, Sasanatieng double son film d’une parodie des comédies romantiques à l’eau de rose. L’histoire d’amour est ainsi très naïve et rongée par les bons sentiments, la musique qui souligne ces scènes est si mielleuse qu’elle colle presque à la peau, on se retrouve sur la plage, les pieds dans l’eau, on se dit que l’on s’aime, le soleil est haut dans un ciel éclatant. Tout ce que je déteste d’habitude dans ce genre de cinéma est ici traité non pas par-dessus la jambe mais avec un œil moqueur qui m’a absolument charmé. Néanmoins, ces longs passages (essentiellement sous forme de flash-back) pourront décontenancer celles et ceux qui s’attendaient à une pure parodie de western spaghetti. On s’amuse donc bien pendant toute la durée du film, on en prend également plein les mirettes : les décors complètement surréalistes et kitsch nous font basculer en pleine irréalité, les couleurs sont flamboyantes, jusque dans les tons pastels des vêtements de nos virils gunslingers. LES LARMES DU TIGRE NOIR est donc avant tout un spectacle visuel de tous les instants. Malgré cela, on pourra regretter quelques effets de réalisations mal venus : un ou deux effets gores qui n’ont pas véritablement de raison d’être, quelques scènes d’action sans dynamisme aucun, bref, parfois le réalisateur thaïlandais donne l’impression de vouloir en faire trop… mais on sent que tout cela est la conséquence d’une évidente volonté de bien faire et d’un réel amour du western.

LES PLUS LES MOINS
♥ Les clins d’œil au genre
♥ Le kitch assumé
♥ Le visuel général
♥ Un film complètement à part
⊗ Certaines scènes un peu lourdes

Si le mélange des genres m’a complètement décontenancé au début (je m’attendais à une pure parodie de western) puisque parfois le réalisateur s’éloigne durablement des grands thèmes du genre, à partir du moment où l’on accepte les règles du jeu, on apprécie le spectacle étrange qui nous est proposé.



Titre :Les Larmes du Tigre Noir / Tears of the Black Tiger / ฟ้าทะลายโจร
Année : 2000
Durée : 1h50
Origine : Thaïlande
Genre : Western / Drame
Réalisateur : Wisit Sasanatieng
Scénario : Wisit Sasanatieng

Acteurs : Chartchai Ngamsan, Suwinit Panjamawat, Stella Malucchi, Spuakorn Kitsuwon, Arawat Ruangvuth, Sombat Metanee, Pairoj Jaisingha

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Auteur : Oli

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