[Film] Les Incorruptibles, de Brian De Palma (1987)

Au début des années 1930, durant la Prohibition, Al Capone, puissant parrain de la pègre, règne en maître sur la ville de Chicago. Soudoyant élus municipaux et forces de l’ordre, il contrôle en toute impunité le trafic et la vente d’alcool. Un agent fédéral déterminé et intègre, Eliot Ness, est dépêché sur place avec pour mission d’arrêter ses agissements illégaux. Pris à la gorge par la corruption ambiante, Ness recrute alors trois hommes de confiance, dont l’officier de police Jim Malone, afin de monter une brigade d’incorruptibles désireux de nettoyer Chicago du crime…


Avis de Rick :
Les années 80 étaient une période en or pour Brian De Palma, autant lorsqu’il s’attaquait à des projets personnels (Blow Out, Outrages) que lorsqu’il signait des films de studios, des films de commandes donc, avec Scarface, ou le film du jour, Les Incorruptibles. Mais elles ne furent pas pour autant totalement joyeuses. En 1984, De Palma subit un échec financier et critique avec Body Double, puis signe en 1986 Mafia Salad, un film qu’il a regretté de faire, la faute a de gros soucis dans la gestion du studio qui produit. Les Incorruptibles débarque alors en 1987, et est un peu une revanche pour De Palma. Déjà car le film sera un succès critique et commercial, mais également car en signant l’adaptation d’une série TV, ce qu’il refera par la suite avec Mission Impossible, il a la liberté d’y insérer son style, et donc, de s’approprier une œuvre qui pourtant ne s’annonçait, comme pour Scarface en 1983, qu’une œuvre de commande. Et le verdict est sans appel, puisqu’en plus d’être un excellent film et d’être reconnu en tant que tel, Les Incorruptibles marque les retrouvailles entre De Palma et De Niro, mais aussi l’un des premiers gros succès de Kevin Costner (imposé par la production), révèle au monde Andy Garcia, et permet à Sean Connery d’obtenir l’oscar du meilleur acteur dans un second rôle. En plus, De Palma peut avoir le talent d’Ennio Morricone pour signer sa bande son, avec qui il retravaillera en 1989 sur Outrages. Et pourtant, les Incorruptibles faillit être à l’arrivée bien différent, puisque De Niro demandait un trop gros salaire d’après les producteurs, et que Bob Hoskins devait tenir le rôle. Mais De Palma insista, lui qui avait lancé la carrière de l’acteur dans les années 60. Quand au rôle principal, il fut proposé à une grosse ribambelle d’acteurs avant d’arriver entre les mains de Kevin Costner, tandis que le rôle de Malone fut d’abord proposé à Gene Hackman.

Maintenant la vraie question, c’est est-ce que Les Incorruptibles survit au poids des années ? Car il faut l’avouer, malgré tout le bien que je pense et l’affection que j’ai pour Body Double, les années n’ont pas été tendres avec lui. Les Incorruptibles a indéniablement bien mieux vieillit. Peut-être que le fait d’être un film d’époque, se déroulant dans les années 30, y joue pour beaucoup, puisque nous avons donc une reconstitution des années 30 plutôt qu’un film se déroulant à son époque de tournage. Une reproduction d’un passé pas si lointain mais déjà bien révolu. Pourtant, dans un film comme dans l’autre, la touche Brian De Palma transpire à l’écran. Plans séquences, vue subjective, tentative d’inversion de données établies (des contres plongés pour des personnages positifs, et l’inverse pour des personnages clairement négatifs), utilisation marquée de la demi-bonnette de manière utile et inventive (bien que très voyante lors d’un plan entre Costner et Connery). Oui c’est du pur De Palma, et ce jusqu’à son générique d’ouverture, stylisé et jouant sur l’image et notre perception de celle-ci. Sans pour autant atteindre ses quelques expérimentations de typographie sur Carrie au Bal du Diable ou Body Double, ou la géniale ouverture de Blow Out qui nous faisait douter du film lancé et du genre concerné. Les Incorruptibles donc, c’est l’histoire d’Elliot Ness, qui rejoint dans les années 30 la brigade des stupéfiants, et va former une équipe d’irréductibles Gaulois… d’incorruptibles (ou d’intouchables en traduisant littéralement) pour frapper Al Capone là où ça fait mal, et tenter tant bien que mal de finalement parvenir à le mettre derrière les barreaux, que ce soit en arrêtant un banquier détenant des informations financières illégales ou autre. Une épopée de deux heures inoubliable, grâce à son casting, impeccable déjà, même si le casting féminin, totalement en arrière plan, a clairement une touche made in De Palma mais sans doute un peu trop mielleuse ici (voir la relation entre Elliot et sa femme), mais grâce à une poignée de scènes fortes qui marquent la rétine.

Et les oreilles, grâce à l’ost signée Ennio Morricone. Car malgré quelques petits défauts, comme des fusillades parfois un peu simplistes dans leur mise en image (De Palma n’est pas un réalisateur d’action après tout), la musique parvient à rendre certains moments, comme la charge à la frontière Canadienne, épique. De Palma s’en sort clairement mieux lorsqu’il resserre son propos et son action. Les trois exemples les plus flagrants sont, bien entendu, la scène ultra connue du landau (parodiée dans Y a-t-il un Flic pour sauver Hollywood ?), où l’on retrouve tout le style de De Palma, mais également une des scènes les plus émotionnelles du métrage arrivant mi-parcours, mort d’un personnage clé, et cet affrontement sur les toits entre Costner et Billy Drago, tête bien connue des seconds rôles, souvent du mauvais côté de la loi. Trois moments épiques et inoubliables, marquants, pour des raisons diverses, et qui prouvent de la maitrise de De Palma, injectant donc son style dans une œuvre de commande, dans l’adaptation d’une série télévisée de 1959 qu’il a su moderniser. Peu importe les libertés prises avec la réalité historique des événements, peu importe que De Niro, aussi impressionnant soit-il, semble être taillé pour le rôle au point d’être par moment prévisible, qu’importe si certains personnages non utiles pour l’intrigue sont trop en arrière plan, et donc n’ont peu de substance pour réellement exister. Des défauts mineurs finalement face à l’ampleur du projet, l’ampleur de l’histoire racontée, qui a du faire des choix pour aller à l’essentiel, et resserrer son propos pour ne pas dépasser les deux heures. De Palma a réussi haut la main, son film a été un succès, et a consolidé sa carrière, même si la critique ne sera pas tendre avec lui par la suite (Le Bucher des Vanités et L’Esprit de Caïn), ni le box office (le relatif échec de l’Impasse). Un grand moment, encore aujourd’hui, un grand De Palma, et de grands rôles pour de grands acteurs.

LES PLUS LES MOINS
♥ Casting impeccable
♥ La reconstitution d’époque
♥ Des moments cultes et tendus
♥ La partition de Morricone
♥ La patte De Palma, très présente
⊗ Les moments plus axés action, rares, mais hésitants
⊗ Quelques personnages de côté
note6
Les Incorruptibles, c’est une très grande œuvre de commande, que De Palma a su s’approprier, aidé par un casting d’acteurs confirmés et de nouvelles têtes montantes. Une œuvre dense, épique, passionnante malgré quelques menus défauts, rapidement balayées face à ce que le film fait bien.


Titre : Les Incorruptibles – The Untouchables
Année : 1987
Durée :
2h
Origine :
Etats Unis
Genre :
Policier
Réalisation :
Brian De Palma
Scénario :
David Marnet
Avec :
Kevin Costner, Charles Martin Smith, Andy Garcia, Robert De Niro, Sean Connery, Patricia Clarkson, Billy Drago et Richard Bradford

The Untouchables (1987) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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