[Film] Les Frissons de l’Angoisse, de Dario Argento (1975)


Pianiste de jazz américain installé à Turin, Marc Daly assiste un soir au meurtre de Helga Ullman, une célèbre parapsychologue de passage en Italie. Il tente de lui porter secours, mais en vain. Déclaré témoin oculaire par un journal quotidien, Daly décide de mener sa propre enquête…


Avis de Rick :
Dario Argento avait expérimenté le temps de trois films avec le genre du giallo. Cela avait donné l’excellent L’Oiseau Au Plumage de Crystal, le très moyen Le Chat a Neuf Queues et le sympathique mais bancal Quatre Mouches de Velours Gris. Après l’échec d’un film plus léger en 1972, Argento décide en 1975 de pousser encore plus loin tout ce qu’il a tenté dans le genre giallo avec Les Frissons de l’Angoisse, avant de s’en éloigner pendant quelques années. Et quel film ! Malgré quelques défauts, il faut dire ce qui est, Argento livre bel et bien là un grand giallo, un film bien plus maitrisé, étourdissant même visuellement et dans la façon passionnante qu’Argento a de mettre en image telle ou telle idée narrative. Si bien que les quelques égarements ou moments moins crédibles du scénario, mis en image de manière plus classique, sont pardonnés face à l’inventivité de tout ce qui l’entoure. Argento donc reprend ce qui fonctionnait dans ces précédents métrages pour nous livrer en quelque sorte son giallo ultime. Pour preuve, il y reviendra plusieurs fois, Le Sang des Innocents en 2002 peut être d’ailleurs vu comme une relecture des Frissons de l’Angoisse, sans jamais en atteindre le même niveau de maîtrise. Dans le genre, Argento égalera son film en 1982 avec Ténèbres. Les Frissons de l’Angoisse nous propose donc de suivre l’enquête d’un pianiste de jazz, Marc (David Hemmings), qui est témoin d’un meurtre brutal. Comme pour 4 Mouches de Velours Gris, Argento décrit son personnage principal comme un artiste.

Comme souvent en Italie, bien avant la Corée, les policiers sont des incapables sur qui on ne pourra pas compter pour se sortir d’un mauvais pas. Argento va même recycler parmi les meilleurs plans de ses œuvres précédentes. On retrouvera pour un des meurtres ce plan suivant la trajectoire du couteau par exemple. Argento certes reste dans un environnement qu’il maîtrise depuis 4 films, mais le sublime, et malgré le cahier de charge (tous les éléments propres au genre sont là), parvient même à nous surprendre grâce à sa maîtrise de l’image. Oui, Les Frissons de l’Angoisse nous montre même l’identité du tueur dés les premières minutes, mais grâce à une image travaillée et formidablement bien construite, le spectateur n’y fait pas attention, tout comme Marc d’ailleurs. La clé du puzzle est là, elle est en notre possession, mais nous ne sommes pas capables de la comprendre, de l’analyser pour en tirer la bonne conclusion. Ce travail sur notre perception et sur les apparences, Argento le maîtrise et en devient même le roi à partir des Frissons de l’Angoisse, et jusque dans une moindre mesure, jusque Opéra en 1987. C’est aussi ici la première collaboration entre les Goblin et Argento, et ils deviendront quasi indisociables de son œuvre, du moins Claudio Simonetti, qui continuera de travailler sur de nombreux films d’Argento après la séparation du groupe.

Concentré du cinéma d’Argento, avec ses meurtres violents, sa mise en scène appliquée, ses expérimentations visuelles, Les Frissons de l’Angoisse bénéficie également d’un scénario bien construit et soigné, bien plus appliqué que précédemment. Cela n’empêche pas malheureusement que dans sa version Italienne de 2h06, de nombreux passages rajoutés font appel à un humour qui rappellera les moins bons moments de 4 Mouches de Velours Gris. Mais cet humour passe mieux ici, sans aucun doute car contrairement au film cité, les personnages sont plus attachants, la relation entre Marc et la journaliste qui l’aide (jouée par Daria Nicolodi) étant assez sympathique au final. Du coup le plus grand défaut de ces ajouts, ajoutant certes de la profondeur aux personnages, est le ralentissement de l’intrigue d’une part, mais surtout le léger décalage entre ces moments et le reste de l’œuvre, résolument plus sombres. Comme souvent chez Argento, mais également dans le cinéma Italien en général, le final sera quelque peu expéditif, mais ici il sait nous laisser sur une note positive, avec plusieurs retournements de situations de suite, quelques effets sanglants forts appréciables et une ambiance toujours aussi réussie. Du coup oui, le film n’est pas totalement parfait, et peu importe dans le fond, car ces petites imperfections ne l’empêchent pas d’être une grande œuvre, visuellement maîtrisée et surtout intéressante.

LES PLUS LES MOINS
♥ Une belle maîtrise visuelle
♥ Des meurtres très bons
♥ Une intrigue prenante à suivre
♥ Le premier score musical des Goblin, énorme
⊗ Quelques maladresses dans la version longue
Les Frissons de l’Angoisse, c’est l’apogée du style Argento au sein du giallo. Un giallo extrêmement bien construit et filmé, parsemé de séquences cultes.



Titre : Les Frissons de l’Angoisse – Profondo Rosso – Deep Red
Année : 1975
Durée : 2h06
Origine : Italie
Genre : Giallo
Réalisateur : Dario Argento
Scénario : Dario Argento et Bernadino Zapponi

Acteurs : David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia, Macha Méril, Eros Pagni, Guiliana Calandra et Pero Mazzinghi

 Deep Red (1975) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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