[Film] Les Feebles, de Peter Jackson (1989)

Une grenouille droguée, un rat réalisateur de films pornos et une mouche journaliste animent un spectacle satirique de marionnettes…


Avis de John Roch :
Après Bad Taste, le monde s’ouvre à Peter Jackson, en particulier le Japon, prêt à mettre de la thune dans son prochain film qui promet d’être le plus sanglant de l’histoire. Son nom : Braindead, un film de zombies. Mais le projet capote, faute d’investissement, Jackson se rabat sur un projet moins ambitieux, du moins en apparence : une comédie musicale (n’ayez pas peur, des chansons, il y en a peu, et elles sont drôles) avec des marionnettes dedans. Car au pays où il y a 8 moutons pour un habitant selon le dernier recensement, Peter Jackson est désormais un genre d’ambassadeur, et la New Zealand Film Commission via son boss Jim Booth lui débloque un budget de 750000 dollars pour mettre sur pellicule ce nouveau délire trash dans lequel Peter Jackson a voulu, je cite, « montrer ce qui se passait vraiment dans les coulisses entre Peggy la cochonne et Kermit la grenouille ». Mieux que ça, c’est tout le star-system, ou du moins la vision que Jackson en a, qui est passé au lance flamme.

Les Feebles, c’est une troupe de music hall qu’intègre Robert le hérisson, nouvelle recrue qui arrive pile pour le grand jour : les Feebles vont passer à la télévision le soir même, en direct. Le scenario se passe pendant cette journée de répétition pour le grand soir, pendant laquelle Robert, et par extension le spectateur, va découvrir que l’univers du show biz est un milieu des plus malsains. Les Feebles n’est peut-être pas le film le plus gore de Peter Jackson, mais sans aucun doute le plus trash. La présence de marionnettes lui permet de faire ce qu’il veut, en résulte des personnages complètement cramés, parmi lesquelles figurent Heidi l’hippopotame, actrice has been qui n’est plus que l’ombre d’elle même ; son mari Bletch le morse, producteur véreux qui trempe dans des affaires louches et qui s’envoie en l’air avec sa maîtresse dès que l’occasion se présente ; son bras droit Trevor le rat, dealer de came et réalisateur de films pornos undergrounds ; Fly la mouche à merde paparazzi qui va jusqu’à bouffer des excréments pour avoir un scoop ; Harry le chaud lapin, qui a force de collectionner les conquêtes et les orgies contracte ce qui est une allégorie du sida ; Wynyard la grenouille, lanceur de couteaux vétéran du Vietnam et accro à l’héroïne ; Sebastien le renard, metteur en scène homo qui aimerait chanter une ultime chanson si celle-ci n’était pas problématique… La galerie de personnages principaux est déjà folle, mais elle est complétée par des seconds rôles qui le sont tout autant. Évidement tout n’est pas noir au royaume des Feebles, et Robert pourra compter sur le bienveillant Arthur le ver de terre, et sur le caniche Lucille, dont il tombe amoureux.

Producteur véreux et queutard, acteurs au conquêtes multiples, le sida, les vétérans du Vietnam, le monde du porno, deal qui tourne mal, actrice qui rêve de sa gloire d’antan, bien aimée qui est droguée et violée Peter Jackson a-t’il eu peur de Hollywood et du monde du show business ? Venant de la part d’un réalisateur qui a toujours tourné à domicile, la question ne se pose peut être pas, mais trêve de supposée sur-interprétation, Jackson dresse un portrait peu glorieux et corrosif du show biz, mais finalement pas si éloigné de la réalité, celle qui n’en finit plus de scandales sexuelles, de producteurs louches (Belch est ni plus ni moins qu’un Weinstein avec presque 30 ans d’avance sur le scandale, la mafia a été en étroite collaboration avec Hollywood, des studio RKO à gorge profonde, pendant de nombreuses décennies), d’acteurs et d’actrices qui tentent d’exister tant bien que mal alors qu’aux yeux de Hollywood, la date de péremption est passée depuis longtemps. Une triste réalité, mais on est chez Peter Jackson, première génération, et les Feebles fait preuve de tellement de mauvais goût qu’il aurait pu se nommer Bad Taste. Le réalisateur n’épargne rien au spectateur, ni les scènes explicites dont je vous ai subliminalement spoilé des scènes dans ma description des personnages, tous développés de manière à ce qu’ils soient aussi détestables qu’attachants, ni des moments épiques tel que le tournage d’un porno SM urologique, une chanson vantant les bienfaits de la sodomie, une parodie de Voyage au Bout de l’Enfer, ou un massacre final d’anthologie, le tout sublimé par des dialogues hilarants et orduriers. Le rythme est aussi fou que les personnages qu’il met en scène, il n’y a aucun temps mort, et c’est là ou les Feebles pêche, la frénésie du script (qui a son importance puisqu’il signe la première collaboration entre Peter Jackson et Fran Walsh, qui se sont rencontrés pendant le tournage de Bad Taste, et ne se quitteront plus depuis) ne laisse aucun répit au spectateur, le film est tout simplement trop généreux et on aurait aimé souffler ne serait-ce qu’une minute devant tant de frénésie pelliculée.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un sommet du film trash
♥ Des dialogues drôles et orduriers au possible
♥ Un film loin d’ être con
♥ Une galerie de personnages complètement dingues
♥ Le star-system vu par Peter Jackson
♥ Un rythme de folie…
⊗ … mais trop généreux ?
Deuxième essai, deuxième réussite. Peter Jackson prouve avec les Feebles que Bad Taste n’était pas un coup de chance, et livre une vision du star-system trash, drôle, aux personnages aussi attachants que détestables.

LE SAVIEZ VOUS ?
• On peut apercevoir un alien de Bad Taste dans le public, joué par Peter Jackson.
• Tourné à Wellington.
• Le titre original du film est à double sens. Meet the Feebles peut être traduit tel quel, mais c’est aussi une expression anglaise qui peut se traduire par « avoir la nausée »


Titre : Les Feebles / Meet the Feebles
Année : 1989
Durée : 1h37
Origine : Nouvelle-Zélande
Genre : Bébête show
Réalisateur : Peter Jackson
Scénario : Peter Jackson, Fran Walsh, Stephen Sinclair, Danny Mulheron

Acteurs : Danny Mulheron, Donna Akersten, Stuart Devenie, Mark Hadlow, Brian Sergent, Peter Vere-Jones, Mark Wright

 Les Feebles (1989) on IMDb


 

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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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