[Film] Les Dents de la Mer, de Steven Spielberg (1975)

1975 sur l’île d’Amity. Pendant une soirée proche de la plage, une jeune femme disparait dans l’eau. Une sombre créature des mers en est responsable.


Avis de Rick :
On va avoir besoin d’un plus grand bateau ! Une ligne de dialogue simple, mais gravée dans les mémoires depuis 1975. À cette lointaine époque, Steven Spielberg n’était pas encore le Dieu qu’il est aujourd’hui. Il était jeune, enthousiaste, un peu fou (il le dit lui-même) et surtout, il débutait. Quelques courts métrages en poche, des épisodes de séries TV, puis voilà que Duel en 1971 le propulse sur le devant de la scène alors que de base, il ne s’agissait que d’un téléfilm. Après quelques autres téléfilms, voilà qu’il tombe sur le scénario de Jaws, Les Dents de la Mer donc. Il voit là une expansion de son travail sur Duel, le requin remplaçant le camion. Il n’en faut pas plus pour qu’avec 8 millions en poche (dont quasi 1 million pour construire trois requins différents), le jeune Spielberg se lance dans une aventure qui va lui mettre pas mal de bâtons dans les roues, entre un requin qui refuse de fonctionner sur le plateau, Robert Shaw buvant un peu trop entre les prises et j’en passe. Le réalisateur devra ruser pour livrer un film qui tienne la route. Et à sa sortie, la surprise, Les Dents de la Mer est un carton, propulse Spielberg au premier rang, lance par la même occasion la carrière de John Williams qui signe un thème musical dont tout le monde se souvient, et le film devient le premier « carton de l’été ». Oui, si depuis, on a droit à des films typiques de l’été pour amener les spectateurs dans les salles, on le doit aux Dents de la Mer, alors qu’il s’agît d’un film à suspense, et que de base, les gens aiment se baigner et aller à la plage. Ironique, puisque le film va en traumatiser plus d’un. Le film aura aussi lancé une mode dont il n’a pas franchement à être fier, celle des films animaliers, qui s’ils tenaient la route pendant quelques temps malgré un simple but commercial (Les Dents de la Mer 2, quelques copies italiennes, Piranhas de Joe Dante), dés 1983, c’est le drame avec des concepts de plus en plus improbables et débiles, initié par Les Dents de la Mer 3. Et aujourd’hui, l’amateur de bon goût préféra fuir ce que le genre est devenu, sauf Cherycok. Mais il a des goûts de chiotte, il le dit lui-même.

Aujourd’hui, tout le monde connait Les Dents de la Mer, tout le monde connait le film, la légende, son histoire, son final, et surtout le talent avec lequel Spielberg a réussi à mettre en image une créature qui de base ne fonctionnait que lorsqu’elle le voulait sur le tournage. Depuis, on ne compte même plus le nombre de films reprenant la même base d’intrigue. Si bien que depuis, lorsque l’on voit un film avec un Maire qui refuse de fermer des plages (ça peut aussi marcher avec d’autres animaux dans d’autres lieux touristiques de grande affluence) pour continuer de se faire de l’argent alors que le danger rôde, on soupire devant un tel cliché, cliché lancé par Les Dents de la Mer. L’histoire se situe donc à Amity, petite île sympathique où tout le monde se connait, et dont Brody est là pour maintenir l’ordre après avoir travaillé à New York auparavant. Et dés la scène d’ouverture, Spielberg met le ton avec sa première attaque, toute en suggestion, avec de superbes plans subjectifs sous-marin, les quelques notes du score de John Williams, et une femme criant à l’aide avant de disparaître dans les profondeurs. L’enquête pour Brody, mais surtout son envie de protéger les habitants de l’attaque qu’un grand requin blanc, débute. Au départ seul contre tous face à une ville qui ferme les yeux sur la réalité car c’est mauvais pour le commerce, il sera heureusement rapidement rejoint par deux autres personnages, à savoir un océanologue (Richard Dreyfuss, qui jouera dans le remake de Piranha des années plus tard), et un chasseur de requins / pécheur (Robert Shaw). Les autres personnages, que ce soit la femme de Brody ou les autres habitants de l’île sont très rapidement éclipsés, au bout d’une heure de métrage.

Le temps pour Spielberg de placer quelques attaques sous le signe de la suggestion, avant d’envoyer son trio de personnage en mer pour chasser ce pauvre requin qui ne demandait qu’un peu de nourriture. Mais pour autant, le requin ne va pas être montré à tout va, loin de là, afin de ménager le suspense, et surtout de faire monter la tension. Après tout, on a plus souvent peur de ce qu’on ne voit pas. Le film va alors alterner les plans rapides des requins construits par l’équipe (lorsqu’ils fonctionnent) et des images tournées en Australie avec de vrais requins. Le mélange des deux fonctionne un max. Mieux, Spielberg profite de cette seconde partie, jouant pourtant beaucoup plus sur le suspense, pour développer ses personnages, les rendre plus humain, et même au détour d’une scène mythique, un passé plutôt prenant. Avant que le squale ne revienne mettre un terme à tout ça. En terme de film animalier sérieux, Les Dents de la Mer est assurément le haut du panier, mainte fois copié, jamais égalé. C’est sans doute le plus grand défaut du film, même s’il ne concerne pas l’œuvre cinématographique en question, à savoir sa descendance. Pour retrouver un film de genre aussi fort et jouant sur la tension plutôt que les attaques répétées, il faudra attendre longtemps, avec des films tels Solitaire ou The Reef.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le pouvoir de la suggestion
♥ Le suspense du film
♥ La deuxième heure sur le bateau
♥ Le thème de John Williams
⊗ La mode que le film a lancé
note75
Malgré son âge, Les Dents de la Mer demeure encore aujourd’hui le meilleur film de requin. Le film sait quand il faut montrer l’animal et quand le suggérer, et délivre un suspense efficace et prenant.



Titre : Les Dents de la Mer – Jaws

Année : 1975
Durée :
2h04
Origine :
U.S.A.
Genre :
Suspense
Réalisation : 
Steven Spielberg
Scénario : 
Peter Benchley et Carl Gottlieb d’après le roman de Peter Benchley
Avec :
Roy Scheider, Robert Shaw, Richard Dreyfuss, Lorraine Gary, Murray Hamilton, Carl Gottlieb et Jeffrey Kramer

 Jaws (1975) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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