François Pignon, représentant en chemises, se rend à Montpellier pour essayer désespérément de reconquérir son épouse, partie avec un autre. Une fois de plus éconduit, il entreprend de se suicider dans sa chambre d’hôtel… mais échoue là encore. Le problème est que son voisin de chambre est l’imposant Milan, tueur à gages venu exécuter un contrat, et que celui-ci a d’autres choses à faire que se coltiner un dépressif gluant.
Avis de Cherycok :
L’Emmerdeur, c’est ce genre de films français qui ont été moult fois rediffusés à la télé (surtout dans les années 80 et 90) mais qu’on prend toujours plaisir à revoir, parce qu’ils possèdent un énorme capital sympathie, parce qu’ils mettent en scène un duo d’acteurs géniaux, parce qu’ils font partie de ces classiques qui, même s’ils vieillissent malgré tout, restent toujours aussi efficaces. Bien entendu, il doit y avoir une part de nostalgie là-dedans. Mais en ce qui me concerne, je regarderai toujours avec un sourire aux lèvres des films comme La Chèvre, La Grande Vadrouille, Marche à l’Ombre, Rabbi Jacob ou encore Viens Chez Moi, J’Habite chez une Copine. A cette liste, on peut rajouter L’Emmerdeur d’Edouard Molinaro, sorti en 1973, scénarisé par Francis Veber, et mettant pour la première fois en vedette le personnage culte de François Pignon.
L’Emmerdeur est adapté d’une pièce de théâtre, Le Contrat (1971), écrite par Francis Veber. C’est ce dernier qui choisira d’adapter sa propre pièce au cinéma. Ça sera donc ici la première apparition du personnage de François Pignon sur grand écran, qu’on retrouvera par la suite dans les films Les Compères (1983), Les Fugitifs (1986), Le Diner de Cons (1998), Le Placard (2001), La Doublure (2005), et enfin L’Emmerdeur (2008), remake du film qui nous intéresse ici. Il est interprété ici par Jacques Brel (Mon Oncle Benjamin, L’Aventure c’est l’Aventure) qui campe son dernier rôle au cinéma. Pour lui donner la réplique, on retrouve le toujours génial Lino Ventura (Les Tontons Flingueurs, Les Barbouzes) pour un duo qui va faire des étincelles. Pour l’adaptation de la pièce de Veber, c’est Edouard Molinaro qui est conseillé par les acteurs qui ont déjà travaillé avec lui par le passé, et réalisateur de titres aussi connus que Oscar (1967), Hibernatus (1969), La Cage aux Folles (1978) et sa suite (1980), Pour Cent Briques t’as plus Rien (1982) ou encore A Gauche en Sortant de l’Ascenseur (1988). Un habitué des comédies donc, qui va exploiter à fond le potentiel comique du duo d’acteurs, Ventura incarnant le personnage bourru contenant sa colère et Brel le lunaire candide et maladroit. Deux personnages que tout oppose, qui ont été, sont, et seront le ciment de bon nombre de buddy movies. L’alchimie des personnages fait ici des étincelles. Lino Ventura incarne donc le personnage sérieux, qui va constamment retenir sa colère car il a un job à effectuer. On le sent comme une cocotte-minute, prêt à exploser, constamment sur la retenue pour ne pas distribuer des taquets en boucle à un François Pignon très envahissant. Ce dernier est donc joué par Jacques Brel et est le personnage « veberien » par excellence. Casse-couille fini malgré lui, maladroit comme pas deux, obstiné dès qu’il a une idée en tête, mais néanmoins ultra attachant, il est celui qui mettra constamment le personnage de Ventura dans des situations embarrassantes et compliquées.
Les seconds rôles ne sont pas en reste, et sont parfois aussi croustillants que notre duo comique (l’homme de chambre par exemple, ou encore l’autostoppeur). Mais alors qu’on pourrait croire que tous les ressorts comiques seront axés sur le personnage de Pignon, c’est au contraire sur celui de Milan (Lino Ventura) qu’ils vont jouer. Le voir souffrir en silence, serrer les dents pour ne pas exploser, essayer d’être conciliant alors que ce n’est pas son tempérament, 1h30 durant a quelque chose d’assez jouissif. Toute l’aspect policier autour du film n’est au final que secondaire, même s’il est là pour poser les bases du personnage de Ventura, c’est surtout dans des situations de vaudeville que Edouard Molinaro et Francis Veber veulent nous entrainer. Quiproquos, retournements de situations, même si on reste dans quelque chose aujourd’hui de déjà vu et revu, le sourire ne nous quitte pas du début à la fin tant les dialogues sont fins et drôles. Molinaro va faire preuve d’un vrai sens de la mise en scène, même si elle pourra paraitre un peu froide au début. Certes, L’Emmerdeur a malgré tout un peu vieilli. Son rythme est parfois un peu lent, son faux défilement des décors lors des scènes en voiture peut prêter à rire. Mais il reste malgré tout un film très attachant à bien des égards, surtout grâce à son duo magnifique qui fait des merveilles. Du haut de ses quasi cinquante ans, il est en tout point supérieur à son très moyen (mauvais même) remake de 2008, réalisé par Veber lui-même, avec Richard Berry et Patrick Timsit.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Des dialogues savoureux ♥ Des seconds rôles réussis ♥ Le duo Brel / Ventura |
⊗ Rythme en dents de scie |
L’Emmerdeur d’Edouard Molinaro est une comédie drôle et attachante. Même si le film est connu de tous via ses multiples rediffusions à la télévision, il n’en demeure pas moins toujours agréable à regarder grâce à son duo d’acteurs aux petits oignons. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Outre le remake de 2008, il existe également un remake américain sorti en 1981 et appelé Victor La Gaffe (Buddy Buddy en VO), réalisé par Billy Wilder, avec Jack Lemmon et Walter Matthau.
• A sa sortie en France, L’Emmerdeur a réalisé 3 354 756 entrées.
• Le metteur en scène Edouard Molinaro joue le barman dans le café. Lors d’une scène du film, on peut le voir tenir un disque de Jacques Brel entre les mains.
Titre : L’Emmerdeur
Année : 1973
Durée : 1h30
Origine : France
Genre : Quel casse burne !
Réalisateur : Edouard Molinaro
Scénario : Francis Veber
Acteurs : Lino Ventura, Jacques Brel, Caroline Cellier, Jean-Pierre Darras, Jean Franval, Pierre Collet, Arlette Balkis, Jean-Louis Tristan, Xavier Depraz, André Valardy