[Film] Le Visiteur, de Arthur Allan Seidelman (1987)

Une jeune femme rentre chez elle et découvre une voiture abandonnée. Alors qu’elle se prépare à manger, le propriétaire du véhicule frappe à sa porte et lui demande de l’héberger pour la nuit.


Avis de John Roch :
Arthur Allan Seidelman a été le premier à faire tourner Arnold Schwarzenegger devant une caméra dans Hercule à New-York. C’était le premier rôle du Chêne Autrichien, mais aussi la première réalisation du metteur en scène qui ne verra pas les portes d’Hollywood s’ouvrir à lui, sa carrière se fera à la télévision et se compose essentiellement de téléfilms et d’épisodes de séries. Mais dans cette filmographie se cache une pépite tombée dans l’oubli. The Caller, ou Le Visiteur en France, est un film peu ou pas connu pour qui n’a pas croisé son chemin dans un vidéo-club. Le film avait pourtant recueilli des avis plus que positif lors de sa diffusion au marché du film de Cannes 1987, une sortie en salles aux USA est même envisagée mais à cette époque, Charles Band est en difficulté financière et met fin à Empire Pictures, remplacée par la Full Moon. Ce qui explique sûrement pourquoi ce métrage prendra la poussière sur une étagère jusqu’à la toute fin de l’année 1989 et son exploitation en VHS. Depuis c’est le désert, si ce n’est un DVD pressé à la demande par la MGM (on parle même d’un simple DVD-R) jusqu’à ce que les sauveurs de bandes perdues de Vinegar Syndrome se penchent sur ce métrage surprenant à plus d’un titre écrit par Michael Sloan, autre homme de télévision créateur de la série Equalizer, qui participera par la suite à la production des adaptations cinématographiques avec Denzel Washington.

Un film comme The Caller a tout du projet casse gueule : seulement deux personnages, une construction théâtrale en trois actes, une unité de temps et de lieu unique et un refus du spectaculaire au profit d’une succession de longs dialogues. Le genre de métrage qui n’a d’autre choix que de se parer d’un script en béton pour tenir en haleine sur la longueur, celui de The Caller semble simple mais se complexifie très vite et ne se relâche que lorsque le générique de fin démarre. Le point de départ pourrait être celui de n’importe quel home invasion : une femme qui vit dans une maison isolée au cœur de la forêt attend un invité pour dîner, mais celui qui frappe à la porte n’est pas celui qu’elle attend mais un homme qui a crevé un pneu pas très loin. La femme accepte que le visiteur (les personnages ne sont pas nommés) appelle une dépanneuse et en attendant une conversation démarre. Si au départ, les protagonistes font en apparence simplement connaissance, l’échange devient rapidement mystérieux. Ils ne se sont jamais rencontrés mais semblent se connaître et quand l’un répond à une question, l’autre doute de la véracité de la réponse, ce n’est que le début d’un affrontement mental qui remet sans cesse en doute ce qui précède, encore plus quand chacun donne l’impression d’avoir une longueur d’avance sur son adversaire. Dès les premières minutes, The Caller captive, toute l’attention est focalisée sur des dialogues et des personnages au mystère qui ne sera percé que dans son final. En attendant, les questions s’accumulent : qui est le chasseur et la proie ? La femme attend-elle vraiment quelqu’un ? Sa famille existe-elle ? Son mari est-il mort à la guerre comme elle l’affirme ou l’a-t-elle assassiné comme le prétend le visiteur ? Est-il un inspecteur de police comme il le dit, ou un tueur qui torture sa victime dans une partie d’échecs mentale ?

The Caller est une perle d’écriture ou chaque mot prononcé, chaque fait et geste des personnages a sa part d’importance dans une intrigue en apparence minimaliste mais imprévisible et énigmatique jusqu’au bout. Le script de The Caller est sa première et principale qualité, le film est lent mais jamais long tant les dialogues captivent l’attention, ce qui ne serait rien sans une interprétation à la hauteur. Le duo formé par Malcolm McDowell and Madolyn Smith l’est, ils réussissent à rendre le métrage encore plus intéressant en interprétant avec justesse des personnages à la psychologie toujours mise à rude épreuve lors d’échanges dont il ne faut pas perdre une miette. La mise en scène est en revanche un peu trop sage, Arthur Allan Seidelman est un homme de télévision et ça se sent. Paradoxalement, c’est aussi une qualité, le réalisateur se concentre avant tout sur ses personnages et évite l’explication finale à coup de flashbacks sur des plans « c’était sous ton nez depuis le début ». Non, The Caller est un film qui ne prend jamais le spectateur par la main pour lui expliquer comment il en arrive à une fin franchement imprévisible, il est bien plus malin que ça. Ainsi le film prend une toute autre dimension lors d’une deuxième vision qui change complètement la manière de l’aborder et se révèle même être indispensable. Le secret bien gardé en tête, The Caller ne devient pas un métrage qui n’a plus que d’intérêt d’avoir une longueur d’avance en se focalisant sur des détails, mais un autre film dans lequel les dialogues et les actions des personnages prennent un tout autre sens, où l’intrigue se trouve être remodelée et ainsi l’histoire se dévoile sous un autre jour pour former un tout à la cohérence folle et plus complexe qu’il n’y parait. Clairement un film qui mérite bien plus de considération que l’oubli dans lequel il est tombé.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un scénario en béton
♥ Malcolm McDowell and Madolyn Smith
♥ La fin imprévisible au mystère bien entretenu
♥ Un film qui captive de la première à la dernière minute
♥ Un film qui mérite plusieurs visions
⊗ Une mise en scène un peu trop sage

The Caller est une petite pépite. Un film captivant de la première à la dernière minute, au scénario en béton et imprévisible, qui mérite bien plus de considération que l’oubli dans lequel il est tombé



Titre : Le Visiteur / The Caller
Année : 1987
Durée : 1h37
Origine : USA
Genre : Pépite
Réalisateur : Arthur Allan Seidelman
Scénario : Michael Sloan
Acteurs : Malcolm McDowell et Madolyn Smith Osborne
The Caller (1987) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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