Un écrivain raté, la femme qu’il aime mais qui est mariée à un autre, une amante prête à tout, le mari bafoué et paumé, et d’autres personnages encore qui se retrouvent pour des corps à corps… tour à tour sensuels et miséreux.
Avis de Oli :
LE JOUR OU LE COCHON EST TOMBÉ DANS LE PUITS est sorti en 1996 et a créé un petit évènement en Corée du Sud. Preuve en est que le cinéma d’auteur est loin d’être mort au pays du matin calme (même si parfois il faut fouiller assez profondément, c’est vrai). Depuis Hong Sang-soo a continué son petit bonhomme de chemin et est finalement parvenu à se faire un nom jusqu’en dehors de ses frontières (tant mieux pour nous).
Empruntant ses thèmes dans le morne quotidien de ses contemporains, Hong Sang-soo tisse et étire ses toiles savantes, et plonge dans la tourmente des émotions les âmes torturées de gens a priori sans histoires. Les sujets abordés n’ont certes rien de véritablement nouveau : amour, désir, jalousie, désespoir… mais le tout est fait avec tellement de justesse et de doigté, que l’on peut difficilement ignorer toutes ces réactions que le film provoque en nous. Savoir saisir ce qui fait le tout et le rien des sentiments humains, décortiquer l’inconscient, cette zone aléatoire que l’on pensait indéchiffrable, voilà à quelques choses près ce dont est capable le réalisateur sud-coréen. La finesse dont fait preuve ce dernier pour aborder ces thèmes chers à son cœur se répercute visiblement sur ses acteurs, ici en état de grâce. Dans des rôles peu gracieux pour certains (l’artiste raté devenant de plus en plus irascible, rongé par le désespoir dans son entier), ceux-ci insufflent à leurs personnages une vérité éclatante de noirceur, de rage et de misère. Par leur intermédiaire, et sans nul doute aussi par une clairvoyante direction d’acteurs, Hong Sang-soo nous dresse avec talent un sombre constat de ce qui enfante et cultive la faiblesse humaine.
On pourrait alors croire que cette histoire est peuplée d’anti-héros. Non, c’est bien plus triste que cela : ces femmes et ces hommes n’ont rien de spécial, rien qui puisse les démarquer du reste du genre humain… car ils sont le genre humain. Certes Hong Sang-soo n’a pas choisi ses personnages au hasard et a privilégié des êtres fragiles… quoique le terme » fragilisés » soit sans doute mieux adapté. Fragilisés par un amour raté, un succès professionnel qui se dérobe, une accumulation de doutes et de contrariétés. Un chemin sinueux et semé d’embûches, de bonheur parfois. Un passage obligé qu’on appelle la vie. Dans son film Hong Sang-soo n’a pourtant rien épargné à ses protagonistes, et c’est sans doute parce qu’ils n’ont jamais pu ne serait-ce qu’entrevoir ce bonheur par le plus petit bout de la lorgnette qu’ils se laissent ainsi aller, perdus, rageurs, meurtris. Un peu rêveurs aussi.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Un film plein de justesse ♥ Le talent des acteurs ♥ Les thématiques abordées |
⊗ Pas facile de rentrer dans le film |
Je préfère ne pas entrer plus précisément dans les détails de l’histoire, ne rien révéler d’un film qui va petit à petit se dévoiler pour étaler une construction intelligente et précise, lente… et implacable. Pour un premier long métrage Hong Sang-soo signe donc une réussite presque totale, et même si on a parfois du mal à s’impliquer dans le récit, à quitter son simple habit de spectateur pour accompagner véritablement les acteurs, on ressort inévitablement du film en ayant l’impression d’avoir assisté à quelque chose de différent. A quelque chose d’important. |
Titre : Le Jour où le Cochon est Tombé dans le Puits / 돼지가 우물에 빠진 날
Année : 1996
Durée : 1h55
Origine : Corée du Sud
Genre : Drame
Réalisateur : Hong Sang-Soo
Scénario : Hong Sang-Soo, Jeong Dae-Seong
Acteurs : Kim Eui-Sung, Park Jin-Seong, Jo Eun-Sook, Lee Eung-Kyeong, Son Min-Seok, Jeon Hae-Ryong, Bang Eun-Hee, Park Kyeong-Ho, Song Kang-Ho