[Film] Le Grand Jeu, de Aaron Sorkin (2017)

La prodigieuse histoire vraie d’une jeune femme surdouée devenue la reine d’un gigantesque empire du jeu clandestin à Hollywood ! En 2004, la jeune Molly Bloom débarque à Los Angeles. Simple assistante, elle épaule son patron qui réunit toutes les semaines des joueurs de poker autour de parties clandestines. Virée sans ménagement, elle décide de monter son propre cercle : la mise d’entrée sera de 250 000 $ ! Très vite, les stars hollywoodiennes, les millionnaires et les grands sportifs accourent. Le succès est immédiat et vertigineux.


Avis de Rick :
C’est Halloween, quoi de mieux que de parler d’un… biopic sur le poker illégal ! Faire un biopic, c’est assez casse gueule. Il faut savoir doser le propos, savoir le rendre passionnant à l’écran, le rythmer. Quand c’est réussi, un biopic peut accrocher un spectateur même si le sujet de base ne l’intéresse pas forcément. Quand c’est raté, trop académique, rien à faire, la pilule ne passe pas. En terme de biopic, Aaron Sorkin s’y connait. Il avait écrit le génial Social Network pour David Fincher et le très sympathique Steve Jobs pour Danny Boyle. Deux scénarios réussis, pour deux réalisateurs avec des styles parfaitement identifiables. Et après ces réussites, le revoilà au scénario d’un nouveau biopic sur un sujet au départ qui ne m’intéresse pas spécialement, et en plus, il passe ce coup-ci réalisateur. Pourquoi pas, après avoir travaillé avec des grands, il peut se lancer. Molly’s Game, adapté du roman du même nom et renommé Le Grand Jeu en France, c’est donc l’histoire vraie de Molly Bloom, une femme surdouée, qui a du abandonner le ski après plusieurs accidents, et qui au lieu d’aller en fac de droit, décide de se rebeller contre son père et de partir pour la citée des anges, pour Los Angeles. Très rapidement, elle va se retrouver à gérer des parties de poker pour un patron pas forcément très sympathique, qui la paye peu vu sa charge de travail journalier (450$ la semaine), mais heureusement, les pourboires lors des parties de poker compensent. Énormément. De parties en parties, de connaissance en connaissance, de salaires montant à un autre salaire qui continue de monter, Molly prend goût à cette vie, et lorsque ça tourne mal et que son patron la vire tout simplement, la voilà fin prête à lancer son propre business, à lancer ses propres parties de poker, avec son carnet d’adresse bien fourni. Une success story à l’Américaine assez classique dans le fond, avec cette fille qui n’a pas de rêve particulier, qui débarque, et qui par un heureux hasard, se retrouve à monter, jusqu’à prendre sa vie en main, quitte à, pour tenir le rythme, s’engouffrer un peu dans la drogue, et face à des coûts de plus en plus importants, verser un peu plus dans l’illégalité.

Mais ce qui fait de ce Molly’s Game un bon biopic finalement, ce n’est pas forcément son sujet, ou le parcours de son héroïne, classique, mais bel et bien la plume de son auteur dans un premier temps. Les dialogues sont ascérés, parfois percutants, parfois amusants, et cela laisse les acteurs s’exprimer. Bon point, puisque le casting est aussi une réussite. Comme pour Social Network d’ailleurs, Aaron Sorkin divise son intrigue suivant trois temporalités. Il y a la jeunesse de notre personnage, et ses conflits avec son père (le trop rare Kevin Costner), puis les débuts à Los Angeles et son ascension dans le milieu, et enfin, les soucis de justice, où Molly va s’allier avec son avocat. Trois temporalités qui vont se mélanger, s’alterner, parfois se faire des jeux de miroir. Rien de neuf bien entendu, mais on peut dire que ça fonctionne, puisque Aaron Sorkin sait écrire. Et il a embauché de biens bons acteurs pour les rôles importants. Jessica Chastain est toujours juste dans le rôle de Molly, Kevin Costner est donc convaincant même si souvent en retrait dans le rôle du père. Mais il ne faut pas oublier les deux autres personnages les plus importants de l’intrigue, à savoir, l’avocat, et celui qui sera nommé Joueur X. L’avocat, ce sera Idris Elba, toujours juste, rien à redire. Le Joueur X, pour quiconque connait un peu l’histoire vraie (ou quiconque fouillera un minimum, comme moi), ce n’est pas bien difficile de savoir de quelle personnalité importante il s’agît, même si le film a quelque peu adoucit certains événements. C’est Michael Cera qui s’y colle. Lui qui parait par moment si gentil, comme dans Juno ou Scott Pilgrim, il avait déjà prouvé par le passé qu’il pouvait jouer des personnages plus troubles, comme dans Magic Magic. Ici, il joue tout simplement un enfoiré, qui dit clairement les choses. Son but n’est pas tant de gagner face à son adversaire. Non, ce qui lui plait, c’est tout simplement de ruiner la vie des autres.

En terme de personnage peu sympathique, il se pose là. Reste donc la mise en scène, et à ce niveau là, Aaron Sorkin est un débutant. Heureusement, comme déjà signalé, il a travaillé avec des réalisateurs confirmés, aux styles bien distinctifs, et cela s’en ressent. Toute l’ouverture par exemple semble montrer une influence allant vers le cinéma de Danny Boyle, avec son montage affuté parfois un peu speed, ces indications venant s’inscrire à l’écran et cette vois off parfois envahissante. Sorkin maitrise le style, mais l’abandonne à peine l’introduction terminée, pour avoir un montage plus calme, plus classique, qui ne sera pas là pour dynamiser la narration, mais pour la servir. Et ce choix est tout à son honneur finalement, il laisse du coup son propre scénario respirer, filme ce qui doit être filmer, et à l’intérieur du cadre, il laisse les acteurs s’exprimer. Du coup, on peut le dire, visuellement, il livre un film efficace, bavard certes, mais jamais fatiguant ou lourd dans ce qu’il raconte et ce qu’il nous montre. Il ne cède pas aux excès qui auraient donnés un côté plus fou à l’histoire (à la manière par exemple de Scorsese sur le génial Le Loup de Wall Street), il ne veut pas non plus donner l’illusion d’un faux rythme et de faux rebondissements en surdécoupant sa manière de filmer, comme Boyle a tendance à le faire, parfois avec joie et réflexion, et parfois, beaucoup moins (Trainspotting 2 par exemple, inutile et visuellement pas très beau). On pourra par contre regretter le happy ending de ce biopic, classique et pour le coup, semblant bien américanisé, et certains petits événements qui semblent débarquer comme ça, comme l’irruption du père, tout à coup, dans une patinoire, après des années de silence. Le hasard fait bien les choses hein ? Mais rien de vraiment dommageable, car pour son premier essai à la mise en scène, on a là avec Le Grand Jeu un biopic intéressant et très plaisant.

LES PLUS LES MOINS
♥ De très bons acteurs
♥ Un scénario qui sait où il va
♥ Une mise en scène le plus souvent sobre
♥ Un biopic efficace qui n’en fait pas trop
⊗ Quelques événements un peu faciles
note2
Le Grand Jeu nous montre les dessous du poker illégal à Los Angeles et New York, le tout dirigé par Molly Bloom. Intéressant, rythmé, aux dialogues souvent affutés. Pas parfait, et parfois un peu facile sur la fin, mais bien sympathique.



Titre : Le Grand Jeu – Molly’s Game

Année : 2017
Durée :
2h20
Origine :
U.S.A.
Genre :
Biopic
Réalisation : 
Aaron Sorkin
Scénario : 
Aaron Sorkin
Avec :
Jessica Chastain, Idris Elba, Kevin Costner, Michael Cera, Jeremy Strong, Chris O’Dowd et J.C. MacKenzie

 Molly's Game (2017) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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