[Film] Lamb, de Valdimar Johannsson (2021)


María et Ingvar vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme en Islande. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né, ils décident de le garder et de l’élever comme leur enfant. Cette nouvelle perspective apporte beaucoup de bonheur au couple, mais la nature leur réserve une dernière surprise.


Avis de Seyren :
Lamb est à tous points de vue un long métrage étrange, dérangeant, fascinant, à l’image sans aucun doute de son sujet central. Dans une Islande reculée, le film suit la vie d’un jeune couple rompu aux tâches quotidiennes de l’agriculture. Nourrir les bêtes, travailler aux champs… Valdimar Jóhannsson excelle dans la retranscription hiératique et mutique de ces journées qui défilent et se ressemblent. La succession de plans fixes qui ralentit le récit, au rythme de ce labeur sans fin, n’est pas sans rappeler le travail de Robert Eggers, avec l’impeccable The Lighthouse. C’est donc un film à la fois contemplatif et relativement lent, qui retranscrit, certes, une certaine résignation, mais met tout à la fois en lumière des paysages à couper le souffle.

Nous suivons donc la vie de Maria et Ingvar, qui, aidant leurs bêtes à mettre bas pour la énième fois, découvre un agneau, mi animal-mi humain. Dans ce pays reculé, isolé du reste du monde, ils décident donc d’élever « l’enfant » comme s’il était un cadeau de la providence, en hommage à leur fille disparue trop tôt. Le propos semble risible, et pourtant, il est d’une efficacité incisive. Les subtiles apparitions de la créature, brillamment orchestrées autour d’une utilisation relativement limitée du CGI, confère à son existence une étrangeté grotesque qui cependant s’éloigne drastiquement d’un ridicule que l’on aurait pu attendre. Si les premières images « d’Ada » sont assez perturbantes, il est étonnant de remarquer que l’on s’habitue rapidement à sa présence. Comme Pétur, le frère d’Ingvar, le spectateur finit par s’accoutumer à sa compagnie, au point de la penser presque « humaine ». Cette incarnation fantastique et merveilleuse du deuil finit en un sens par faire partie intégrante d’un couple en reconstruction.

Il est cependant des transgressions qui ne peuvent rester impunies, et la bande son, sombre et inquiétante, annonce une fin qui ne peut être que tragique. Alliant folklore, conte et angoisse, Lamb apparait comme une pépite visuelle. On reconnait évidemment la patte du distributeur A24, qui au travers des œuvres d’Ari Aster, Robert Eggers, Yorgos Lanthimos parvient toujours à nous surprendre. Nous noterons également l’excellent travail photographique d’Eli Arenson (que l’on a récemment retrouvé dans le long métrage d’Ishana Shyamalan) qui confère au film un caractère à la fois féerique et dramatique. Enfin, que dire de la performance de Noomi Rapace ? Un retour aux sources et un pari réussi haut la main. A la fois touchante et presque inquiétante, le jeu subtil de l’actrice porte le film et lui confère tout son sérieux, dans des situations gênantes qui auraient pu facilement tourner au ridicule.

LES PLUS LES MOINS
♥ Une photographie superbe
♥ Un traitement subtil du sujet
♥ Excellent jeu d’acteurs
⊗ Des séquences parfois un peu longues
⊗ Une fin assez obscure
Lamb est ainsi un exercice réussi. Une belle fable qui nous rappelle que l’ordre des choses, s’il peut par moment être bafoué, doit cependant toujours retrouver son cours. Homme nous sommes et homme nous restons, face à la mort, et bien plus face à la nature.

LE SAVIEZ VOUS ?
• C’est le film qui a rapporté le plus d’argent dans l’histoire du cinéma islandais en 2021, avec plus d’un million de dollars pour le seul premier week-end. Cela fait également de ce film le film islandais le plus vu dans les salles américaines (toujours le premier week-end), et ce malgré le fait qu’il ait été confronté à des superproductions aussi célèbres que la franchise James Bond, dont la première a eu lieu dans les salles américaines le même week-end.

• Lamb est le premier film dans lequel Noomi Rapace s’exprime en islandais, une langue qu’elle a apprise lorsqu’elle vivait en Islande dans son enfance.



Titre : Lamb / Dýrið
Année : 2021
Durée : 1h46
Origine : Islande
Genre : Drame
Réalisateur : Valdimar Johannsson
Scénario : Sigurjón Birgir Sigurðsson, Valdimar Jóhannsson

Acteurs : Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason, Björn Hlynur Haraldsson, Ingvar Sigurdsson, Ester Bibi, Arnþruður Dögg Sigurðardóttir, Theodór Ingi Ólafsson

Lamb (2021) on IMDb


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Auteur : Seyren

Enseignante en littérature et cinéma, amatrice de cinéma de genre, de littérature gothique et accro au jeux vidéo. J'aime faire des liens (parfois improbables) entre les différents objets culturels. Inconditionnelle de Lovecraft, en passant par Poe, Romero, Baudelaire, Kitano, Hooper, Craven, Camus et j'en passe...
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