[Film] Lady With A Sword, de Kao Pao-Shu (1971)

Feng Fei Fei, une excellente épéiste, cherche à se venger avec son neveu du meurtre de sa sœur aînée, qui a été tuée par des voleurs alors qu’elle rentrait chez elle. Elle découvre bientôt que le meurtrier est le fils du meilleur ami de son père et son futur mari.

Avis de Cherycok :
Les films d’arts martiaux de la Shaw Brothers, c’est une affaire de bonhomme. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le pourcentage proche de 100% de metteurs en scène masculins qu’on y trouve. Pourtant, au milieu de tout ça, certaines femmes ont tenté leur chance comme par exemple Kao Pao-Shu, actrice de son état qui, en 1971 signe son premier long métrage, Lady With a Sword, sa seule et unique réalisation pour le studio hongkongais avant de voguer vers d’autres compagnies avec des films tels que The Desperate Chase (1971), The Jade Fox (1980) ou encore The Master Strikes (1980). Sans doute que l’expérience chez Runme Shaw n’a pas été épanouissante qu’elle l’espérait. Quand bien même, son Lady With A Sword est un bien bel exemple de ce que la Shaw Brothers avait à offrir en termes de wu xia pian mettant en scène une femme comme héroïne.

Lady With a Sword est un des derniers représentants de ce sous-genre du wu xia pian mettant en vedette des héroïnes se battant contre moult hommes mal intentionnés avant que les héros bien velus et musclés ne reprennent le dessus. Il s’agit également d’un des derniers représentants de cette vague de wu xia pian initiée dans les années 60 avant que la mode ne soit celle des combats pieds / poings. Une chose est sûre avec la Shaw Brothers, c’est qu’on est rarement déçu visuellement parlant, aussi bien les décors extérieurs que ceux en studios, toujours très colorés et soignés, mais aussi les costumes, l’ensemble nous immergeant immédiatement dans le contexte historique de ce genre de films. Dommage que certaines scènes de nuit soient un peu trop obscures. Certes, c’est le principe de la nuit, mais cela nous empêche d’apprécier par exemple cet affrontement nocturne. On y retrouve les tics de la Shaw Brothers de cette époque, avec par exemple des nombreux zooms très rapides. Mais la réalisatrice les utilise différemment, intelligemment, pour faire ressortir certaines émotions de son héroïne. Là où sa façon de filmer diffère également un peu, c’est dans la manière de filmer les décors. Certes, la plupart du temps, ça reste classique, mais la réalisatrice n’hésite pas à faire des panoramiques des décors, avec sa caméra surélevée, afin de pouvoir admirer deux décors complets en même temps et de réellement donner l’impression d’être dans une réelle petite ville. Lily Ho Li-Li (Hong Kong Nocturne, The Orchid), plutôt habituée aux rôles plus calmes de belle de service, va ici prendre les armes dans un rôle de vengeresse qu’elle assume et assure parfaitement, possédant l’écran à chacune de ses scènes. Elle est parfaitement crédible, aussi bien lors des scènes dramatiques que lors des combats et, peut-être parce que le film est réalisé par une femme, un soin tout particulier a été apporté à son personnage.

Le scénario, au final assez simple, est intéressant dans le sens où il s’attarde aussi bien sur l’héroïne et son petit sidekick, que sur le groupe des méchants et leurs manigances. L’ensemble se fait rythmé et avec ses 1h24 au compteur génériques compris, Lady with a Sword défile à vitesse grand V. Jamais il ne tente de perdre le spectateur avec une tonne de sous intrigues tiroirs comme ça s’est parfois vu avec la Shaw Brothers et l’ensemble est limpide. On s’attache à ce personnage féminin et à sa quête de vengeance, ainsi qu’à ce petit gosse qui l’accompagne, qui ne se fait jamais énervant, et qui sauve même la situation à quelques reprises. La puissance émotionnelle de certaines scènes se ressent jusque dans les combats, avec d’un côté l’héroïne voulant venger sa sœur et essayant de tuer les agresseurs, de l’autre les proches des agresseurs qui vont essayer de défendre leur famille par loyauté. Justice, loyauté et tradition s’affrontent et seront le moteur du film. La première partie du combat final entre la sœur de la victime et la mère du meurtrier en est une excellente représentation. Dommage que la deuxième partie de cet affrontement soit bien moins réussie, laissant le spectateur sur un tout petit goût amer, même si cela reste du chipotage. Les combats sont longs, soignés, tendus, parfois sanglants, dans la moyenne haute de ce que le studio produisait à cette époque. Le travail chorégraphique de Han Ying-Chieh (Fist of Fury, A Touch of Zen) et Simon Chui (Duel for Gold, The Flying Guillotine) est des plus intéressants et la réalisatrice Kao Pao-Shu sait parfaitement ce qu’elle fait avec sa caméra pour le mettre en valeur. C’est constamment lisible, plutôt punchy, et rempli de petites astuces visuelles pour souligner compétences particulières de certains combattants. Lady With A Sword se fait même parfois assez violent, avec par exemple cette introduction où un jeune enfant se fait tabasser (claques, coups de poings, coups de pieds) par trois hommes et un presque viol / meurtre d’une femme, une scène qui suscite immédiatement notre intérêt pour ce wu xia pian de bien belle facture.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Avant de réaliser ce premier film, et en parallèle de sa carrière d’actrice au sein de la Shaw Brothers (qu’elle a rejoint en 1958), Kao Pao-Shu était organisatrice du département doublage du studio.

Titre : Lady With A Sword / 鳳飛飛
Année : 1971
Durée : 1h24
Origine : Hong Kong
Genre : Wu Xia Pian
Réalisateur : Kao Pao-Shu
Scénario : Ni Kuang

Acteurs : Lily Ho Li-Li, James Nam, Meng Yuen-Man, Wang Hsieh, Chai No, Lin Jing, Ou-Yang Sha-Fei, Lee Pang-Fei, Lee Hae-Ryong, Jin Bong-Jin, Lee Ho, Lei Lung