Un groupe de retraités âgés et calmes découvrent qu’il est prévu de démolir leurs maisons pour faire place à un immeuble d’appartements. Leurs tentatives, visant à décourager les promoteurs, passent rapidement de la dissuasion à l’assassinat alors qu’ils commencent à se débarrasser à la fois des promoteurs, des ouvriers de la construction et de toute personne qu’ils jugent coupable, et ce, par tous les moyens nécessaires
Avis de John Roch :
Homebodies, connu en France sous les titres La Tour Des Monstres et Les Pousse Au Crime, parle principalement d’un sujet social alors dans l’air du temps (et toujours d’actualité) mais rare, pour ne pas dire inédit, au cinéma à cette époque : la gentrification. Emballé pour un demi-million de dollars, avec un casting composé d’acteurs aux carrières bien remplies et aux rôles dans des productions prestigieuses sans pour autant être des stars d’antan, Homebodies, avec son pitch pour le moins improbable aurait pu être un film d’exploitation typique des 70’s, coincé quelque part entre le vigilante movie et le western urbain dans lequel une demi-douzaine de mamies et de papys font de la résistance face à un promoteur qui a racheté le quartier et veut raser les habitations pour en faire des appartements de luxe dominés par un building (la tour des monstres du titre Français). Mais il n’en est rien. Le métrage s’avère être une petite surprise aux thématiques traitées avec sérieux dans ce qui est à la fois un drame social et une comédie noire avec une ambiance qui parfois frôle le fantastique. Homebody, c’est le mot Anglais pour définir une personne casanière, et le mot qui caractérise les protagonistes du film dont l’expulsion de leurs logements est imminente. Chacun a à sa manière sa raison de rester dans l’habitation sur le point d’être détruite, et c’est là le premier bon point de Homebodies : le petit soin apporté à l’écriture de ces personnages.
Chacun a sa petite histoire en lien avec l’immeuble : M. Blakely est aveugle est ne sait se repérer que dans son appartement et son quartier, M. sandy est de prime abord atteint du syndrome de Diogène mais collectionne en fait journaux et autres archives dans le but d’écrire ses mémoires comme il l’a promis à sa femme décédée. Miss Emily quant à elle est la fille de l’ancien propriétaire des lieux, à moitié folle et qui n’a pas mis un pied en dehors de son logement depuis plus de vingt ans, et M. Loomis, le gardien de l’immeuble, continue son travail comme si ne rien n’était, au grand dam de sa femme qui elle voit la réalité des choses en face. Les personnages de Homebodies sont des casaniers dans le sens où ils trouvent leur confort et leurs univers dans leurs habitations, mais leur développement va plus loin car le logement de chacun est une partie de leurs existences qui est en passe d’être détruite, d’autant plus que comme le fait remarquer l’aveugle du groupe, le temps est une chose qui joue contre ces personnes d’un âge avancé qui ne l’ont justement plus pour réapprendre à vivre ailleurs. Reste le sixième habitant des lieux : Mattie, dame charitable envers ses voisins dont on ne saura au final rien de sa vie avant les évènements. C’est cependant via ce personnage que toute l’intrigue de Homebodies va se mettre en place et par extension sceller le destin des derniers habitants du quartier déserté. Cette dernière a pour seule occupation de se poser face à la tour en construction et d’observer, puis vient un jour un drame : un ouvrier trouve la mort dans un accident de chantier. Plus que la perte humaine, le groupe de personnes âgées constate surtout un détail de taille : le chantier se met à l’arrêt suite à cet accident, ce qui par extension retarde la démolition de leur immeuble. Dès lors, ils vont tenter par tout les moyens de saboter le chantier, quitte à avoir recours au meurtre.
Si les effets négatifs de la gentrification est un problème d’actualité, Homebodies nous rappelle que ledit problème ne date pas d’hier. Si la thématique est au centre du récit, ce n’est pas la seule car en se concentrant sur ce groupe de personnages, le métrage traite également du désespoir et de l’abandon des personnes âgées au sein de la société, que ce soit de manière relativement subtile (le film se concentrant sur le quartier délabré, on ne verra le monde moderne et jeune qui l’entoure uniquement lors d’un moment clé du film) ou pas (le nouveau logement proposé par la mairie qui ressemble à une prison), mais aussi parfois de façon touchante (cet appel téléphonique désespéré d’une habitante), ou de manière quasi fantastique (les personnages qui se déplacent comme des fantômes lors de leurs tentatives de saboter le chantier). Les thématiques sociales de Homebodies sont traitées avec sérieux et réussissent même à interpeler le spectateur car, dimension meurtrière mise à part, comment ne pas prendre en affection et ressentir de l’empathie pour ces pauvres vieux qui ne demandent qu’à finir leurs jours là où ils ont vécu toute leur vie ? Si Homebodies réussit sur le plan dramatique grâce à ses thématiques et au soin apporté à l’écriture de ses personnages, c’est aussi une comédie noire qui certes ne fera pas hurler de rire, mais n’en reste pas moins amusante. Car si le meurtre est une chose, se débarrasser des cadavres en est une autre. C’est dans ces moments que le métrage devient plus léger et marrant, tel cette scène où l’une des retraitées qui, corps sans vie dans le coffre, prend le volant alors qu’elle n’a pas conduit depuis plus d’un quart de siècle, ou le groupe qui braque une chaise roulante et traverse la ville en faisant passer un mort pour un paraplégique, non sans se faire interpeller par quelques personnes trop curieuses, sans oublier une course poursuite en… pédalo. Ce qui n’empêche pas à Homebodies de prendre un ton de plus en plus grave, voire inquiétant, dans la durée, jusqu’à un final non seulement triste et teinté d’ironie, mais qui fait également basculer le métrage dans le fantastique lors d’une ultime scène qui à elle seule rabat les cartes et peut justifier une seconde vision d’un film au rythme certes légèrement mollasson et un peu vieillot sur certains aspects techniques (à noter tout de même une très belle photographie lors des scènes nocturnes), mais qui n’a rien perdu de sa force et qui de plus traite de sujets toujours d’actualités.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les thématiques traitées, toujours d’actualité ♥ Un drame social réussi ♥ Une comédie noire amusante ♥ Le casting ♥ La fin ♥ Le soin apporté à l’écriture des personnages ♥ Un mélange de genres parfois surprenant |
⊗ Un rythme un rien mollasson ⊗ Ça a un peu vieilli sur certains aspects |
Homebodies est un film complètement oublié qui mérite d’être découvert, ne serait-ce que pour ses thématiques toujours d’actualité. A la fois drame social et comédie noire, le métrage réussit sur les deux tableaux et se révèle être une œuvre surprenante à plus d’un titre. Un vrai coup de cœur techniquement un rien vieillot mais qui n’a rien perdu de sa force. |
Titre : La tour des monstres / Les pousse au crime / Homebodies
Année : 1974
Durée : 1h38
Origine : USA
Genre : Papy fait de la résistance
Réalisateur : Larry Yust
Scénario : Howard Kaminsky, Bennett Sims et Larry Yust
Acteurs : Ian Wolfe, Peter Brocco, Frances Fuller, William Hansen, Ruth McDevitt, Paula Trueman, Linda Marsh