Sam passe récupérer des affaires chez son ex-petite amie alors qu’une fête gigantesque a lieu dans l’appartement parisien de cette dernière. Comme l’hôtesse est trop accaparée par ses invités, il décide de s’en occuper lui-même mais s’assoupit dans une pièce à l’écart. Au petit matin, Sam vit le réveil le plus difficile de tous les temps en réalisant qu’une épidémie a transformé la population en morts-vivants affamés de chair fraîche… La nuit a peut-être dévoré le monde mais la solitude va peu à peu engloutir Sam.
Avis de Cherycok :
Les films de genre français sont peu nombreux à arriver dans les salles obscures. Et quand ils y arrivent, ils sont rarement bien distribués. Peu de copies, uniquement dans les grandes villes, lorsqu’en parallèle la moindre comédie franchouillarde est distribuée à peu près partout, qu’elle soit bonne ou mauvaise. C’est très dommage que les distributeurs et producteurs français soient si frileux envers le cinéma de genre, car il a un public. Certes, peut-être pas le même que celui qui va se jeter sur le moindre film de super-héros en collant qui pointe le bout de son nez, mais il y a un public. Bref, c’est ainsi. Alors on se rattrape lorsque ça sort en DVD/BR/VOD, comme je l’ai fait avec La Nuit a Dévoré le Monde de Dominique Rocher, dont c’est le premier long métrage après quelques courts. Et en plus il y a des zombies ! Autant vous dire qu’il fallait que je le voie.
Prix Spécial au Festival du Premier Film Francophone de la Ciotat 2018, nominé dans plusieurs autres festivals (Annonay 2018, Angers 2018, …), la Nuit a Dévoré le monde est une adaptation du roman éponyme de Martin Page sorti en 2012. L’histoire se déroule sur une année durant laquelle on va suivre Sam, jeune homme un peu agoraphobe, bloqué seul dans un immeuble alors qu’une épidémie zombie a envahi Paris. Que s’est-il passé exactement ? On l’ignore. Et ce n’est pas plus mal quand on voit tous les prétextes bidons que nous pondent les innombrables films de zombies qui sortent chaque année. Et tel un Robinson Crusoé, un instinct de survie très fort va naître chez Sam. On va le suivre dans son exploration des différents appartements de l’immeuble, les découvertes plus ou moins sanglantes que cela implique, avec prudence, afin de récupérer des vivres, des objets plus ou moins utiles, ou encore tout ce qui pourrait faire office d’armes. On regarde avec attention son organisation, son train de vie avec tout ce que cela comporte de rationnement de nourriture, d’occupations plus ou moins légères (le paintball sur zombie depuis sa fenêtre, jouer de la musique avec tous les objets qu’il trouve, …) pour faire passer le temps, son système-D, ses techniques pour ne pas devenir fou dans un monde semble-t-il complètement à l’abandon. Viennent rapidement les premières complications, comme la perte de l’eau courante, les réserves qui s’amenuisent au fur et à mesure que les mois avancent, l’ennui et la solitude qui le poussent parfois à se mettre en danger afin de trouver un ersatz de compagnie, … Mais aussi sa métamorphose physique et mentale provoquée par tous ces évènements.
La Nuit a Dévoré le Monde est un film de zombie sans en être vraiment un. Un peu à la manière de The Battery (2012), on est plus ici dans le quotidien d’un survivant, les zombies n’étant relégués qu’en toile de fond et qui ne sont, au final, qu’accessoires. On va accompagner notre jeune héros dans sa détresse, dans sa solitude, dans sa survie. On a rapidement l’impression d’être à ses côtés, de vivre les choses avec lui, de vivre ses peurs, ses craintes, ses doutes, ses tentatives pour essayer de garder la raison. Dominique Rocher avoue aimer le cinéma minimaliste et on est en plein dedans. Mise en scène sobre, posée, presque austère, sans aucune réelle folie si ce n’est quelques plans séquences réussis ou un plan grue (fait au drone) du plus bel effet. Quelques moments plus poétiques (les séquences musicales), voire oniriques (le toit de l’immeuble) viennent un peu contraster l’ensemble. Le film se fait très silencieux (les infectés n’émettent aucun bruit), les dialogues sont peu nombreux (normal me direz-vous vu qu’il est seul), et les longueurs volontaires sont là pour appuyer la solitude du héros. D’un autre côté, ces longueurs risquent de créer l’ennui chez le spectateur qui ne rentrera pas dans le film. C’est à double tranchant. Tout comme le film de manière générale d’ailleurs. Il ne faut pas être hermétique au minimalisme, aux films à personnage unique, aux films dont le déroulement de l’histoire n’a rien d’épique étant donné que l’intérêt n’est pas là, aux films de zombie qui ne sont pas réellement gores car, comme pour l’argument précédent, l’intérêt n’est pas là.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Tout le côté survie ♥ L’ambiance générale ♥ Du minimalisme qui fonctionne |
⊗ Peut ennuyer ⊗ Encore du zombie ? |
Même si imparfait, La Nuit a Dévoré le Monde est l’exemple même qui démontre que le cinéma de genre français n’est pas mort et qu’il a encore de beaux jours devant lui. Enfin… lorsque des gens courageux essaient de braver les difficultés pour arriver à en produire dans nos contrées… |
Titre : La Nuit a Dévoré le Monde
Année : 2018
Durée : 1h34
Origine : France
Genre : Échoué dans un immeuble perdu
Réalisateur : Dominique Rocher
Scénario : Dominique Rocher, Jérémie Guez, Guillaume Leman
Acteurs : Anders Danielsen Lie, Goldshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz, David Kammenos, Léo Poulet, Déborah Marique, Fabien Houssaye