Deux amis d’enfance, Lee Mun-ho et Kim Hyeon-gon, partent sur les traces d’une jeune femme dont ils étaient tous deux amoureux, il y a plusieurs années.
Avis de Oli :
Pour immerger le spectateur dans une histoire plus ou moins normale, presque sans surprises, il y a plusieurs solutions : vivre la vie des personnages fantasmés à l’écran par procuration, en s’identifiant à eux, à leurs joies, leurs peines, à leur quotidien étalé sous nos yeux avides d’un voyeurisme parfois déplacé. Il y a une autre solution également : attirer le spectateur sur un terrain tangent, entre fiction et réalité. Plus qu’une simple identification à un personnage, le spectateur évolue au sein même de l’histoire, jonglant entre le scénario du film et ses expériences personnelles, réagissant autant à sa propre vision des choses qu’à celle proposée par le réalisateur. Hong Sang Soo joue un peu sur les deux tableaux : très immersifs, ses films parviennent toujours à nous faire plonger, des heures durant, en apnée dans la vie quotidienne, triste, drôle ou décalée, de gens normaux, presque comme vous et moi. Mais Hong Sang Soo ne nous oublie pas en chemin : immanquablement, il nous fait participer. Car ses films parlent, même pendant les silences. Ils vivent, nous rappellent des souvenirs, des rencontres ratées, des soirées arrosées. Ses films » sont » la vie : la vôtre, la mienne aussi. Ce qu’elle aurait pu être, ce qu’elle sera, peut-être.
Fidèle à ses principes, le réalisateur sud-coréen fait encore dans l’habituel : la trame de son histoire est donc somme toute assez commune, jamais il ne cherche à y greffer d’éléments inattendus et qui feraient donc basculer le film de la normalité à l’artificialité. Pas de rebondissements au menu donc, pas de personnages au courage ou au tempérament extraordinaires non plus. Juste des femmes et des hommes dans ce qu’ils ont de plus commun. Et par conséquent d’humain. Dans LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME il s’agira de deux amis d’enfance, qui se retrouvent après plusieurs années. Ils ont, par le passé, aimé la même femme. Aujourd’hui ils en reparlent à la fois avec plaisir mais également avec appréhension. Ont-ils fait les bons choix ? Sont-ils heureux dans leurs vies respectives ? Si Hyeon-gon Kim révèle assez ouvertement ses faiblesses, Mun-ho Lee n’affichera pas la même franchise et affirmera vivre heureux avec sa femme, son enfant, dans sa si belle maison. Mais personne n’est dupe, et si rien ne viendra jamais révéler ouvertement le mal qui ronge Lee depuis si longtemps, on ne pourra s’empêcher de mettre un nom sur tous ces silences, ces regards faussement espiègles : la tristesse.
Ji-Tae Yu incarne avec talent cet homme dont la si grande maladresse le fait parfois passer pour un inculte, désintéressé de tout, à commencer par les sentiments. Comme toujours, Hong Sang Soo a imposé à ses acteurs une discipline de fer, en ce sens qu’il les a dirigés de A à Z, depuis leur tenue générale jusqu’au ton à adopter pour leurs répliques. Et les acteurs en question s’en sont remarquablement bien sortis, Ji-Tae Yu en tête, au visage ici un peu bouffi, et dont le désenchantement est presque palpable à chaque instant, malgré les sourires et cette grande gueule de façade. Jamais vraiment triste, le film de Hong Sang Soo se veut être un simple éventail de ce que sont, ou paraissent être, les sentiments humains. Mais cette simplicité n’est qu’un leurre, car de facilité il n’y en a pas. Hong Sang Soo dissimule des indices, des silences complices : il réinvente un cinéma où chaque détail a son importance, où chaque personnage, et chaque spectateur, semble détenir une partie de la vérité, suivant le point de vue adopté. Alors non, il ne suffit pas à Hong Sang Soo de poser sa caméra par terre, quelque part, et de filmer ce qui se passe devant lui.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Très immersif ♥ Le jeu des acteurs ♥ Le traitement des sentiments humains |
⊗ Trame commune |
Cette impression de facilité que dégage le film n’est dû qu’au talent du réalisateur : ce travail titanesque effectué avant et pendant le tournage (Hong Sang Soo étant un grand adepte de » l’improvisation planifiée « ) qui révèle chez le réalisateur sud-coréen une grande maîtrise de son art. Ainsi qu’une grande connaissance de ses contemporains. Des hommes, des femmes. De ce qui les rapproche, de ce qui les sépare aussi, parfois. Si loin. |
Titre : La Femme est l’Avenir de l’Homme / Woman is the Future of the Man / 여자는 남자의 미래다
Année : 2004
Durée : 1h28
Origine : Corée du Sud
Genre : Drame
Réalisateur : Hong Sang-Soo
Scénario : Hong Sang-Soo
Acteurs : Yoo Ji-Tae, Sung Hyun-Ah, Kim Tae-Woo, Uhm Soo-Jung, Oh Joo-Jin, Min Young, Lee Seung-Chae, Kim Hee-Ryeong, Kim Won-Sik, Kim Nan-Hwi