[Film] La Colère d’un Homme Patient, de Raúl Arévalo (2016)


Curro vient de quitter la prison après avoir été détenu huit ans à la suite d’un braquage de bijouterie. Maintenant, il ne pense qu’à recommencer une nouvelle vie avec les siens. Mais il découvre que sa sortie ne va pas être aussi facile qu’il le pensait. Après une rencontre avec José, un étranger, ils entreprendront un voyage insolite où ils affronteront les fantômes de son passé puis il sombrera dans l’abîme de la vengeance.


Avis de Cherycok :
Cela fait maintenant quelques années que le cinéma espagnol s’est bien réveillé. On parle de « renouveau », et ce renouveau a bien belle allure quels que soit les genres qu’il aborde. Il y a un film qui a pas mal fait parler de lui en 2016, c’est La Colère d’un Homme Patient, remportant le Goya du meilleur film, du meilleur scénario original, du meilleur acteur dans un second rôle, et du meilleur nouveau réalisateur. Ce nouveau réalisateur, c’est Raúl Arévalo, acteur espagnol populaire vu dans des films tels que Gordos (2009), Balada Triste (2010) ou encore La Isla Minima (2014), qui s’essaie à la mise en scène après s’être posé la question « Comment un homme ordinaire peut-il se transformer en meurtrier ? » à la suite d’une conversation entendue dans un bar où un client déclarait que, si quelqu’un de sa famille était assassiné, il ferait tout pour retrouver le meurtrier et le tuer. Une thématique qu’il va parfaitement arriver à retranscrire dans La Colère d’un Homme Patient, un film cru, réaliste, et surtout réussi.

Le projet a mis huit ans à voir le jour parce que Raúl Arévalo, également coscénariste du film, voulait une distribution spécifique, tourner en 16 mm, ce qui était plus coûteux, et ne voulait pas modifier certains aspects de l’histoire pour la rendre plus grand public. Ce n’est que lorsque la productrice Beatriz Bodegas a travaillé avec Arévalo dans La vida inesperada (2013) que le film a commencé à être produit. L’histoire est celle d’un homme qui cherche à se venger de ceux qui lui ont fait du mal, à ses proches pour être exact, et bien que le film propose une ambiance assez sale, il cherche surtout à faire le plus réel possible. La Colère d’un Homme Patient ne recule pas devant la violence, mais il ne la stylise à aucun moment. Il ne la chérit pas, et ne fait rien pour la rendre jouissive comme le font certains films. Il la montre simplement, sèchement, et c’est ce qui fait la force de ces scènes. Raúl Arévalo instaure rapidement une ambiance lourde, un rythme lent, et une caméra à l’épaule nous amenant sans cesse au plus près des personnages afin de rendre cela le plus réel possible. Bien que l’ensemble soit entrecoupé de scènes de vie plus joyeuses, comme une partie de cartes animée sur la terrasse d’un bar ou encore une fête de village et sa flore locale enjouée, le ton est âpre, avec une image granuleuse bien aidée par le tournage en 16mm et un personnage central au calme inquiétant, à la patience qui donnera encore plus de force aux explosions de colère que le titre souligne. Tout cela fait que Raúl Arévalo arrive parfaitement à interroger sur les ravages de la souffrance d’un homme lambda, un monsieur tout le monde qui pourrait être le voisin de n’importe qui et pour lequel on arrive à avoir de l’empathie malgré ses actes répréhensibles. Des actes tellement réfléchis, ressassés, depuis 8 longues années qu’il n’y a plus aucune empathie chez le personnage au moment de passer à l’action, même lorsque ses victimes ont désormais refait leur vie et ont une famille. Le réalisateur refuse de prendre parti, mais le spectateur n’a pas d’autre choix que de le faire à sa place.

A l’instar de La Isla Minima, La Colère d’un Homme Patient a parfois de fortes allures de western. La tension y est constante, le ton et le rythme parfaits au propos, avec des affrontements secs, courts et brutaux comme pourraient l’être des règlements de compte au far west. Et pour une première réalisation, Raúl Arévalo fait vraiment du bon travail. Certes, son film pourra parfois paraitre un peu austère, avec cette photographie particulière pour jouer la carte du réalisme, et la caméra à l’épaule pourra peut-être en fatiguer certains, mais c’est voulu pour amener le spectateur à l’échelle du film mettant en scène ces gens lambdas, ces oubliés, mais qui peuvent basculer du jour au lendemain. Si La Colère d’un Homme Patient marque, c’est aussi par son casting. Outre Antonio de la Torre (La Isla Minima) qui livre une excellente prestation en vengeur presque mutique, Luis Callejo (Froid Mortel) qui l’accompagne malgré lui dans sa cavalcade n’est pas en reste, arrivant à parfaitement retranscrire le doute et les questionnements que quelqu’un dans sa position serait en droit d’avoir. Bien que le rythme du film soit languissant, leur collaboration forcée tient en haleine jusqu’au dernier moment. Ces personnages sont rudes, jamais glamour, avec une mise en scène qui les laisse vivre à l’écran, souvent grâce à de longs plans séquences photographiant des moments clés (comme l’introduction). L’intrigue simple ne pose jamais problème car le réalisateur Raúl Arévalo sait quoi en faire. Il sait mettre en valeur ces coins d’un Madrid populaire, ces ruelles où le temps semble s’être arrêté, aux devantures de bars périmées, le tout accompagné d’un excellent score de Lucio Godoy et Vanessa Garde qui, tout en sachant être très discret, va sans cesse donner plus de force aux images. Le résultat a quelque chose d’hypnotisant, de prenant, et bien qu’on puisse ne pas adhérer au néo-réalisme de l’ensemble, bien qu’on puisse être déstabilisé par le rythme du film, La Colère d’un Homme Patient propose un spectacle assez marquant.

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène naturaliste…
♥ L’ambiance
♥ Un casting impeccable
♥ La bande son
♥ Les pics de violence sèche
⊗ … qui pourra rebuter
⊗ Le rythme particulier
Bien écrit, bien interprété, La Colère d’un Homme Patient est un thriller de vengeance qui prend aux tripes. Ici, point de héros, juste des gens normaux, et un final auquel on pense bien après le générique de fin. Une jolie réussite.



Titre : La Colère d’un Homme Patient / Tarde Para la Ira
Année : 2016
Durée : 1h32
Origine : Espagne
Genre : Longue attente
Réalisateur : Raúl Arévalo
Scénario : Raúl Arévalo, David Pulido

Acteurs : Antonio de la Torre, Luis Callejo, Ruth Diaz, Raul Jimenez, Manolo Solo, Font Garcia, Pilar Gomez, Alicia Rubio, Gaizka Arnadaz, Luna Martin, Chani Martin

The Fury of a Patient Man (2016) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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