[Film] La Chose Derrière la Porte, de Fabrice Blin (2023)

Une veuve a recours à la magie noire pour faire revenir son mari décédé dans les tranchées de la Grande Guerre ; cela n’aura pas le résultat escompté et déchainera de sombres puissances…


Avis de Rick :
Je ne vais sans doute pas me faire des amis, mais le cinéma de genre en France, on ne peut pas dire que ce soit le domaine où nous sommes le plus doué. J’ignore pourquoi, mais c’est ainsi. Après tout, même ceux que l’on pourrait placer au-dessus du lot ne livrent pas des films parfaits, loin de là, comme Alexandre Aja, qui montrait dés son premier métrage une certaine incapacité à conclure de manière satisfaisante ses métrages, et ça, on le retrouvera quasiment tout le long de sa carrière. Puis il y a tout un tas d’autres films allant du catastrophique au bancal, avec Frontière(s), Sheitan, A L’Intérieur et j’en passe. Alors, on essaye, souvent, et c’est bien ça dans les faits, mais à force de déception, j’en suis venu presque à éviter tout ce que l’on fait dans le genre fantastique et horrifique. Pourquoi donc tenter cette Chose Derrière la Porte ? Car le réalisateur Fabrice Blin signe là son tout premier long métrage après plusieurs courts et un documentaire peut-être, car il faut bien donner leur chance aux petits nouveaux. Peut-être aussi car quelques noms connus se glissent à la production dudit métrage. Ou bien parce qu’avec son concept mélangeant film d’époque et une certaine idée d’une horreur cosmique, on pouvait espérer beaucoup. Sans être une catastrophe, loin de là, il faut cependant reconnaître qu’au bout du compte, ce n’était pas terrible malgré tout. Il est même difficile de mettre clairement le doigt sur ce qui dérange dans le métrage. On pourrait parler des quelques échanges dialogués en début de film entre Adèle (Séverine Ferrer) et son homme, Jean (David Doukhan), sauf que passé cette scène, on pourrait presque dire que le film devient alors muet, puisqu’Adèle est le plus souvent seule à l’écran. On pourrait dire que le film ne développe pas assez son concept, ce qui est le cas dans un sens, mais il contrebalance tout ça avec une durée de même pas 1h20 sans le générique.

Comme énoncé donc, La Chose Derrière la Porte, c’estAdèle qui se retrouve seule après le départ de Jean au front, puisque nous sommes alors en pleine première guerre mondiale. Rien de bien surprenant donc. Pour la reconstitution d’époque, ce n’est pas bien compliqué vu que le film joue sur le minimalisme, et met donc avant tout en avant Adèle, et seulement elle (économie de figurants et de costumes), dans un lieu unique (sa maison et les alentours), et du coup, forcément, ça fonctionne. Quelques bruits de guerre en fond, quelques avions survolant la zone à quelques moments, et nous voilà en pleine première guerre mondiale. Mieux vaut ça qu’un métrage quia trop d’ambitions comparé à ces maigres moyens, car le métrage en question ne semble pas avoir eu un gros budget. Ce qui n’empêche pas Fabrice Blin de soigner son film, attention. C’est souvent proprement filmé, les éclairages sont réussis même de nuit en extérieur, bref, ça fonctionne plutôt bien. Et alors que la guerre fait rage loin d’Adèle, la jeune femme se retrouve veuve, Jean ayant péri à la guerre. Hantée par son mari, elle finira par suivre une « vision » ou « hallucination » qui l’amèneront jusqu’à un livre caché, contenant des formules magiques, et Adèle va bien évidemment s’en servir pour faire revenir son mari à la vie… car si elle décidait de brûler le livre cash, il n’y aurait pas de film. Après cette longue mise en place, le film peut alors basculer dans le gros de son récit, à savoir, le retour de Jean, ou de quelque chose ayant l’apparence de Jean. Le film va alors monter crescendo jusqu’à un final aussi prévisible que bienvenu. Dans tout ça, l’âme de Lovecraft plane constamment au-dessus du métrage, mais on pensera aussi par moment à Lucio Fulci pour une certaine représentation de corps en décomposition, ou même, fait presque étonnant, à l’Invasion des Profanateurs, la version de 1978 (la meilleure selon moi), puisque Jean revient à la vie dans un cocon, puissant sa force d’on ne sait où sous Terre, avec ce que cela comporte de liquides gluants peu rassurants et d’autres joyeusetés.

Même en versant dans l’horreur pure, le film reste alors dans la simplicité et la sobriété. Jean ne parlera quasiment jamais, Adèle est souvent seule à l’écran, les moments chocs ou sanglants sont assez bien éparpillés dans le récit. Mais à côté, il y a pleins de petits détails qui laissent déjà plus perplexe. L’idée de mélanger horreur et première guerre mondiale est une bonne idée donnant un réel contexte historique derrière l’histoire, mais passé le point de départ, le métrage ne semble pas trop savoir quoi en faire, si ce n’est pour faire débarquer maladroitement un Allemand le temps de deux courtes scènes. Les effets spéciaux sont le plus souvent corrects, mais dans les scènes les plus « musclées, la caméra et le montage s’emballent alors totalement comme pour camoufler des effets spéciaux sans doute parfois assez rudimentaires. Et si le final est presque prévisible, et se révèle visuellement plutôt beau, on ne pourra tout de même que se dire que tout cela n’a pas beaucoup de sens. Pourquoi tant d’efforts de la part de forces obscures pour… juste arriver à ce point-là ? Ou alors il aurait fallu rajouter une simple scène après pour mieux nous faire apercevoir l’ampleur que cet événement pourrait avoir. C’est le problème du film. Sa proposition est intéressante, mais il ne va pas assez loin, par restriction budgétaire ou par manque d’ambition. Le potentiel est là, le film s’éloigne de la production horrifique actuelle, mais se montre trop timide, parfois maladroit, et la plongée dans la folie de la part d’Adèle est trop soudaine dans la dernière partie du récit pour pleinement convaincre, dommage.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le mix magie noire et guerre mondiale
♥ Un côté Lovecraft pas déplaisant
♥ Peu de dialogues
♥ Quelques scènes efficaces
⊗ Souvent trop timide
⊗ Un final laissant assez perplexe
⊗ Le début qui ne met pas en confiance
⊗ Du potentiel oui, mais rarement exploité
note6
La Chose Derrière la Porte avait du potentiel. Il a pour lui son mix de genre, ses nombreuses influences narratives ou visuelles, ça a été fait avec sérieux, mais c’est trop bancal sur quasiment tous ces aspects pour convaincre pleinement.


Titre : La Chose Derrière la Porte
Année : 2023
Durée :
1h21
Origine :
France
Genre :
Horreur
Réalisation :
Fabrice Blin
Scénario :
Séverine Ferrer, David Doukhan, Clémence Verniau, Philippe Lamendin, Fabien Jegoudez, Yves Lecat et Quentin Surtel

The Thing Behind the Door (2023) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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