[Film] Keoma, de Enzo G. Castellari (1976)


Shannon, un pistolero connu pour être le plus rapide, a recueilli un enfant indien, Keoma, dont la famille a été décimée. Les 3 fils Shannon ont très mal accepté le nouveau venu. Lors de la guerre de Sécession, Keoma a été le seul à partir combattre avec l’armée Yankee. À son retour, Keoma découvre le village de son enfance ravagé par la peste et sous la domination d’une milice à la solde d’un riche propriétaire qui a recruté les trois fils de son père adoptif. Keoma devra faire justice…


Avis de Cherycok :
Dans la 2ème moitié des années 60, le western spaghettis a le vent en poupe et il ne se passe pas un mois sans qu’un ou plusieurs films du genre n’arrivent dans les salles italiennes. Comme tous les gens rapidement très prolifiques, le soufflé retombe rapidement et dès le début des années 70, on voit arriver tout un tas de westerns spaghettis comiques, voire parodiques, lancés par On L’Appelle Trinita (1970) qui a cartonné au box-office. Le western spaghettis se meurt petit à petit mais pourtant, certains tentent encore des choses, à l’instar de Enzo G. Castellari (Tuez-les Tous et Revenez Seul, Big Racket) qui, entre deux poliziottescos, met en boite en 1976 Keoma, d’abord conçu comme une suite du Django (1966) de Corbucci puis finalement complètement remanié. Keoma, un des derniers représentant d’un genre désormais moribond, s’avère être pourtant un des plus beaux représentants du genre, un chant du cygne que tout amateur du genre se doit de voir, voire de posséder dans sa « bluraytèque » aux côtés de Django, Colorado, la Trilogie du Dollar et autres Le Grand Silence.

Kemo est un western crépusculaire se déroulante dans l’ouest américain en pleine période d’épidémie de peste. L’ambiance y est poisseuse, poussiéreuse, les décors sont à moitié détruits, ou pas finis d’être construits, les personnages sont sales, … Les images sont hypnotisantes dès les premières secondes, le film verse même parfois dans l’onirisme avec ces apparitions soudaines et très esthétiques de cette vieille femme symbolisant la mort et dont on ignore au final si elle est réelle ou non. Le personnage de Keoma a un look improbable, cheveux longs, grosse barbe / moustache, torse nu velu, des colliers de perles et de plumes, … Son charisme est immédiat avec en plus les grands yeux bleus de Franco Nero qui trouve ici peut-être son meilleur rôle (aux côtés de celui de Django). Mais surtout, il est parfaitement caractérisé et développé, avec son passé qui nous est dévoilé petit à petit, sa condition de bâtard qui lui a joué des tours pendant son enfance au sein même de sa famille et qui, encore aujourd’hui, continue de le poursuivre. Le scénario est bien travaillé, bien construit, plus vaste qu’il n’y parait là où beaucoup de westerns spaghettis se contentent d’une histoire très (trop) simple. Rien de compliqué ici non plus, des thématiques au final déjà vues et revues, mais pourtant un traitement réfléchi qui fonctionne du début à la fin. Les scènes d’action, au final peu nombreuses, ont un côté épique et désespéré qui les rendent réellement intenses. Castellari sait parfaitement utiliser le ralenti, toujours au bon moment, jamais gratuitement, et le résultat est très généreux, à l’instar de ce long affrontement à 3 contre 50 en pleine ville, sans aucune musique, dans lequel résonnent seulement les cris et les bruits de balles, ou encore ce final plein de tension, seulement agrémenté de cris d’une femme en train d’accoucher, couvrant absolument tous les autres sons, comme si la vie prenait le dessus sur la mort.

La mise en scène de Castellari est très bien troussée, avec parfois le passé qui vient se mêler à la réalité. Plutôt que de faire des flashbacks tels qu’on a l’habitude de les voir, Castellari s’amuse à les mixer avec le moment présent pour un rendu à l’écran qui fonctionne parfaitement. Castellari ose sans cesse des plans originaux, plaçant sa caméra à des endroits parfois improbables mais qui pourtant sont réellement excellents, donnant à des scènes des allures de tableaux de maitres grâce à une superbe photographie. La mise en scène est très inspirée, avec des lents travellings classieux, des plans séquences qui ont une réelle utilité (comme lorsqu’ils cherchent Keoma et la femme enceinte) et même un côté presque lyrique s’inspirant de la grandeur des ballets. Certaines scènes sont cinématographiquement géniales à l’instar de celle où Keoma promet quatre balles à quatre tueurs et que, lorsqu’il décompte en pliant un à un ses doigts, les 4 tueurs apparaissent petit à petit. Sincèrement du grand art. Et puis il n’y a pas que Ennio Morricone qui est capable de pondre d’excellentes bandes originales de western spaghettis, et es frères De Angelis (Big Racket, On Continue de l’Appeler Trinita) livrent un excellent travail. Certaines musiques, dont la principale, deviennent vite entêtantes, d’autres ont des sonorités très étranges mais collent pourtant parfaitement au ton du film. L’aspect volontairement irritant de certaines musiques semble avoir agacé bon nombre de spectateurs, mais elles servent à représenter les sentiments et les émotions du personnage de Keoma, permettant d’encore plus les accentuer.

LES PLUS LES MOINS
♥ L’ambiance crépusculaire
♥ La mise en scène
♥ Un très bon casting
♥ Des scènes marquantes
♥ Le personnage de Keoma
⊗ Une musique qui peut diviser

Keoma est un des derniers grands westerns spaghettis, un chant du cygne que tout amateur du genre se doit de voir au moins une fois. Un film marquant et peut-être le meilleur rôle de Franco Nero.

LE SAVIEZ VOUS ?
• En 1994, une suite appelé Jonathan des Ours ou Keoma 2 lors de sa sortie vhs dans certains pays voit le jour. Mais cette suite n’a aucun lien avec le premier et ne connaîtra pas le même succès.

• Le film a été tourné sur une période de huit semaines, la plupart des prises de vue principales ayant été effectuées aux Studios Elios à Rome, où Corbucci avait déjà tourné Django. Les décors du studio avaient grand besoin d’être réparés, ce qui a facilité le tournage pour Castellari, qui n’a pas eu à les retoucher.


KEOMA est disponible chez The Ecstasy of Films en blu-ray au prix de 12. Il est disponible à l’achat ici : https://the-ecstasy-of-films.com/

En plus du film, on y trouve :  Retour sur Keoma par le spécialiste du western Alain Petit (25min), Entretien avec Emmanuel Le Gagne autour de Enzo G. Castellari (36min), Rencontre avec Franco Nero et Enzo G. Castellari (30min), entretiens avec Enzo G. Castellari (réalisateur), George Eastlan (scénariste), Massimo Vanni (acteur/cascadeur), Orso Mari Guerrini (acteur) et Wolfango Soldati (acteur) (38min).



Titre : Keoma
Année : 1976
Durée : 1h41
Origine : Italie
Genre : Western onirique
Réalisateur : Enzo G. Castellari
Scénario : George Eastman, Mino Roli, Nico Ducci

Acteurs : Franco Nero, William Berger, Olga Karlatos, Orso Maria Guerrini, Gabriella Giacobbe, Antonio Marsina, Joshua Sinclair, Donald O’Brien, Woody Strode

Keoma (1976) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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