À Jericho Ridge, de retour à son commissariat, l’officier de police Tabby Temple découvre qu’il a été ouvert par effraction et que des armes ont été dérobées. Ses collègues partis enquêter, elle se retrouve seule, aux prises avec deux tueurs bien décidés à entrer…
Avis de Cherycok :
Will Gilbey est avant tout un monteur et un scénariste. On lui doit par exemple le scénario du très sympathique A Lonely Place to Die (2011), sorti chez nous sous le titre Poursuite Mortelle. Après avoir mis en scène quelques courts métrages et un segment du film à sketchs Blood, Sweat and Terrors (2018) qui, si on en croit IMDB, n’est pas une grande réussite, il se lance dans son premier long métrage, Jericho Ridge, qui a été présenté à l’Étrange Festival 2023. Disponible à l’heure où j’écris ces lignes en location ou achat VOD (sur AppleTV, Amazon Prime, …) et en format blu-ray chez Spectrum Films, je me suis lancé dans le film sans rien savoir, comme à l’époque des vidéoclubs, à la jaquette, attiré par ce que je voyais. Et punaise, quelle surprise ! Bien que nous ne soyons pas devant un chef d’œuvre du 7ème Art, Jericho Ridge est une série B très réussie, lorgnant clairement du côté du Assaut (1976) de John Carpenter, qui a cette qualité, même si on sait ce qu’il va se passer, même s’il n’a aucune star, même s’il n’a pas une grosse production value, de nous scotcher quand même à l’écran.
Bien qu’il ressemble à un film US, Jericho Ridge est un film anglais, tourné au Kosovo. On sent qu’il n’a pas bénéficié d’un gros budget, mais en même temps, il s’agit d’un huis clos, genre qui se prête parfaitement à ce type de limitation… à condition de ne pas faire n’importe quoi. Mais ça a beau n’être que son premier film, Will Gilbey fait preuve de bien belles compétences. Les personnages du film sont intéressants et surtout attachants. Même pour ceux qui n’ont que peu de présence à l’écran, un soin tout particulier a été apporté. Le travail sur ces personnages est simple mais suffisant. La caméra va coller aux baskets de son héroïne, interprétée par une Nikki Amuka-Bird (Knock at the Door, The Outfit) très impressionnante qui va porter le film sur ses épaules. Sa performance est un sans-faute et elle est capable de faire passer toutes les émotions sans aucun accroc. Son personnage, diminué par une jambe au plâtre, par une relation conflictuelle avec son fils, par une situation professionnelle un peu subie, est de presque tous les plans. Avec sa caméra, Will Gilbey sait nous mettre à ses côtés, comme si, comme elle, nous étions pris dans cette fusillade, coincés dans ce qui petit à petit va se transformer en gruyère sous les impacts des balles. La construction de son personnage est intelligente, disséminée tout le long du film, par des regards, par des dialogues, et surtout, à aucun moment le réalisateur ne cherche à en faire un personnage badass. Elle est humaine, avec des réactions humaines, à la fois vulnérable et résiliente. Elle veut protéger les siens et pour cela, rien ne pourra l’arrêter. Elle va être confrontée à une multitude de défis durant cette nuit éprouvante, chacun ajoutant une nouvelle tournure à un scénario familier. Car oui, on a déjà tous vu un film avec un scénario similaire, mais la façon dont il est traité ici, la façon dont les rebondissements sont amenés, la fluidité avec laquelle il se construit, tout cela en fait quelque chose de très efficace.
Après la mise en place pour présenter ses personnages, le film se lance sur l’assaut de ce petit commissariat paumé et va garder un rythme soutenu jusqu’au générique de fin, avec des pics de tension lors des différentes attaques des antagonistes et un suspense constant. Will Gilbey sait mettre en scène ses scènes d’action, jouant souvent avec la lumière et la bande son pour amener encore plus de tension. La violence y est brutale, sèche, avec pas mal d’impacts de balles sanglants. Il utilise parfaitement cet espace clôt et jamais on ne ressent une quelconque redondance dans les décors. Et ça fait plaisir de voir que ce genre de film tout simple arrive encore sur nos écrans, même en toute discrétion. Ce genre de film qui défile d’un point A à un point B en donnant au spectateur une dose d’adrénaline sans artifice, sans subterfuge, avec des techniques de cinéma qui ont fait leurs preuves. Bien qu’en deçà d’un film tel que Misanthrope sorti plus tôt cette année, Jericho Ridge n’en demeure pas moins une très bonne série B comme on en voyait plein dans les années 70/80/90. Le grand public semble s’en être désintéressé mais pourtant il en reste. Des films comme Desert Gun (2016) de Gonzalo Lopez-Gallego ou Copshop (2021) de Joe Carnahan jouent dans la même cour, sont tout aussi intéressants et font tout aussi plaisir. On dit que les choses les plus simples sont les meilleures. En ce qui me concerne, c’est pareil pour le cinéma et, si vous aussi vous en avez marre de ces blockbusters boursoufflés et sans âme de ce système hollywoodien qui pourrit de l’intérieur, c’est peut-être vers des petits films modestes mais ô combien intéressants tels que Jericho Ridge qu’il vous faut vous tourner.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Nikki Amuka-Bird, parfait ♥ Bien mis en scène ♥ Tendu du début à la fin ♥ Des personnages attachants |
⊗ Les rares incursion dans le larmoyant |
Thriller organique et palpitant en huis clos, Jericho Ridge est un premier film impressionnant de maitrise. Espérons que le réalisateur se fasse remarquer et qu’il puisse continuer à faire des films du même acabit. Vive la série B ! |
JERICHO RIDGE est sorti chez Spectrum Films en Blu-ray au prix de 20€. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr En plus du film, on y trouve : Présentation de Merej, Making Of, Bande annonce. |
Titre : Jericho Ridge
Année : 2023
Durée : 1h27
Origine : Angleterre / Kosovo
Genre : Thriller haletant
Réalisateur : Will Gilbey
Scénario : Will Gilbey
Acteurs : Nikki Amuka-Bird, Philipp Christopher, Zachary Hart, Aidan Kelly, Simon Kunz, Solly McLeod, Zack Morris, Olivia Chenery, Chris Reilly, Endrit Rugova