[Film] Jellyfish, de Kiyoshi Kurosawa (2003)


Mamoru et Nimura sont inséparables, même si au final ils se parlent peu. Ils travaillent ensemble dans une blanchisserie et supportent difficilement un patron qui souhaite un peu trop se rapprocher d’eux. Sans réel but dans la vie, les deux jeunes gens travaillent ainsi sans demander leur reste, sans même jamais essayer de nouer un quelconque contact avec les gens vivant à l’extérieur de leur cocon. Le plus mystérieux des deux jeunes garçons, Arita Mamoru, élève chez lui une méduse à la beauté presque irréelle, mais à la piqûre bien mortelle. Il rêve de parvenir à l’acclimater à l’eau douce pour finalement la relâcher dans les entrailles mêmes de Tokyo. Un jour Mamoru demande à son ami Nimura de bien vouloir s’occuper de l’étrange animal…


Avis de Oli :
Flirtant toujours avec le fantastique, le film JELLYFISH prend néanmoins le soin de ne jamais allégrement sombrer dedans. Il s’agit là bien entendu d’un choix délibéré de son réalisateur, Kurosawa Kiyoshi, qui souhaitait ici replonger dans des thèmes qu’il avait déjà abordés (surtout dans KAIRO) sans que ceux-ci disparaissent au détriment d’une intrigue horrifique. JELLYFISH ne serait ainsi qu’un drame social ? En gros oui, Kurosawa s’interroge ainsi sur cette jeunesse japonaise sans avenir, démotivée, zonant de ci de là, travaillant parfois, sans hobby ni véritable but dans la vie.

Nimura vit ainsi la plupart du temps dans ses rêves, qu’il décortique quelquefois pour voir le futur : triste constat de vie pour ce jeune homme, qui se construit un avenir en partant de divers songes et phantasmes. Il n’a donc plus beaucoup de prises avec le réel, et s’enfonce ainsi allégrement dans une espèce de mutisme de plus en plus profond. Tout cela illustrera l’évidente panne de communication entre ces jeunes déboussolés et leurs aînés (Nimura et son patron), et même l’absence de repères de ces mêmes jeunes avec des gens de leur génération qui, eux, ont fait le choix de s’adapter à la société (Nimura complètement étranger à la réalité de sa sœur). Ainsi Nimura ne peut vivre seul, il a besoin d’assistance, d’un guide dans la vie.

Mamoru endossera ce rôle, celui d’une canne pour un jeune en panne d’essence pour mener à bien sa vie d’homme. Mais la dépendance de Nimura pour Mamoru ira tellement loin, que ce dernier se sentira un jour obligé de partir. Nimura pourra-t-il alors faire face, seul, au monde qui l’entoure ? Cette méduse tropicale, ultime cadeau de Mamoru pour son ami, lui sera-t-il d’une quelconque utilité ? A-t-elle un rôle à jouer, comme une cristallisation enfin réelle des rêves et aspirations du jeune homme ? Peut-être qu’en effet cet animal, aux formes de doux rêve éveillé, n’est rien d’autre qu’une passerelle menant directement de l’inconscient somnolant à la dure réalité. D’ailleurs si la méduse est pareil à un phantasme, avec ses allures d’être gracieux et légendaire, le fait qu’elle soit venimeuse et qu’elle pique pour tuer nous rappelle qu’elle est malgré tout ancrée dans notre réalité, qu’elle dispose ainsi d’un électrochoc très personnel pour nous réveiller.

JELLYFISH recoupe donc des thèmes bien connus de son réalisateur. En cela on ne peut pas dire que le film bouleverse le paysage cinématographique japonais, ni même qu’il constitue une pièce de choix dans la filmographie de Kurosawa. Certes JELLYFISH est une œuvre relativement intéressante, qui recèle en elle les défauts et les qualités des films précédents de Kurosawa. Ainsi le flou ambiant dans lequel baigne l’intrigue du film n’est pas pour me déplaire, même s’il faut bien avouer qu’un peu moins d’ellipse et de subjectivité n’aurait pas nui au film (ce qui n’était pas le cas, au moins pour moi, d’un long métrage comme CHARISMA que je me suis amusé à voir deux fois pour véritablement en percer les différents « secrets »).

LES PLUS LES MOINS
♥ Les codes du réalisateur
♥ Des jolis plans
⊗ Ne révolutionne rien
Alors oui, le film sur le fond est très perfectible, surtout, et ce malgré quelques jolis élans poétiques, il ne renouvelle en rien le cinéma de son réalisateur, pire, ce dernier paraît quelque peu tourner en rond. Sur la forme il en va de même, mon sentiment est très mitigé : on sent que le réalisateur japonais maîtrise vraiment son art, quelques plans et scènes magnifiques viennent nous le rappeler, mais cette étrange volonté de mélanger les technologies (caméra classique et digitale) donnent au film un caractère étrange. Un peu comme si Kurosawa voulait rattraper sur la forme ce qui manque en originalité sur le fond. PS : la version japonaise de JELLYFISH est plus longue d’environ 20 minutes



Titre : Jellyfish / Bright Future / アカルイミライ
Année : 2003
Durée : 1h32
Origine : Japon
Genre : Drame social, fantastique et médusé
Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
Scénario : Kiyoshi Kurosawa

Acteurs : Joe Odagiri, Tadanobu Asano, Tatsuya Fuji, Takashi Sasano, Marumi Shiraishi, Ryô, Ryô Kase, Sayuri Oyamada

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Auteur : Oli

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