Film biographique sur la vie de Ip Man, un maître de Kung-Fu spécialisé dans le style Wing Chun et qui fut le maitre de Bruce Lee. Dans les années 30, Ip Man vit à Foshan dans le sud de la Chine, lors de l’occupation japonaise. Face à ses indéniables talents en matière d’arts martiaux, les Japonais lui demandent d’entraîner les soldats, ce qu’il refuse catégoriquement. Il va alors devoir lutter pour sa survie.
Avis de Cherycok :
Comme un peu de péloche en provenance de Hong Kong ne fait pas de mal de temps à autres (mais si, souvenez-vous, HKMania…), nous allons nous intéresser au désormais culte Ip Man de Wilson Yip (SPL, Bullets Over Summer), sorti en 2008, avec l’inévitable Donnie Yen pour reprendre le rôle du grand maitre chinois de wing chun, Ip Man, également appelé Yip Man. Mais alors que ce personnage est présenté la plupart du temps comme ayant été le maitre de Bruce Lee, Wilson Yip va s’intéresser ici au côté historique de l’homme, étalant l’histoire sur plusieurs années. Les années 30 à la ville de Foshan, sa vie paisible avec sa famille, ses talents pour les arts martiaux, jusqu’aux temps plus durs, en période de guerre contre les Japonais, et son combat pour leur résister, faisant de lui un héros national. Après un excellent SPL, Dragon Tiger Gate nul mais rigolo, et un Flashpoint en demi-teinte, cette quatrième collaboration entre Wilson Yip et Donnie Yen va marquer un tournant dans le cinéma d’arts martiaux hongkongais (et chinois) à la fin des années 2000. Oui, Ip Man est un bon film. Ip Man est même un très bon film.
Ip Man est un personnage qui a donc réellement existé, né en 1893 et décédé des suites d’un cancer de la gorge en 1972. Grand maitre chinois de Wing Chun, il a fondé à Foshan un centre de formation aux arts martiaux qui est devenu aujourd’hui une sorte de musée, lieu de pèlerinage de bon nombre d’amateurs de la discipline. Après avoir participé à la résistance contre l’envahisseur japonais durant la seconde guerre mondiale, et suite à quelques « désaccords » avec le régime communiste qui s’est établi, il s’installe à Macau puis à Hong Kong où il ouvre des écoles d’arts martiaux où Bruce Lee deviendra donc un de ses élèves.
Ce n’est pas la première fois que le personnage de Ip Man est présent dans un film. Dès 1976, il apparait sur les écrans, aux côtés de son élève le plus connu, Bruce Lee, dans Bruce Lee : The Man, The Myth, film biographique faisant, comme son titre l’indique, la part belle à l’histoire de Bruce Lee. Dix Sept ans plus tard, on retrouve Ip Man dans Dragon : L’Histoire de Bruce Lee (1993) de Rob Cohen sous les traits de Wang Luoyong (Avatar, Daylight). Mais il faudra donc attendre 2008 pour qu’il soit le personnage principal d’un film avec donc ce Ip Man. Même si le succès au cinéma ne fût pas fulgurant, le film rapportant 20M$ pour un budget de 11, il acquit néanmoins une très solide réputation un peu partout dans le monde. Une suite voit le jour deux ans plus tard, Ip Man 2 : Le Retour du Grand Maitre. Toujours Wilson Yip à la barre, toujours Donnie Yen pour incarner Ip Man, mais le succès au box-office est bien plus important que pour le premier opus. Donnie Yen déclare que ça sera la dernière fois qu’il incarne ce rôle au cinéma, estimant que trop de films sont en préparation sur le personnage de Ip Man. La même année sort Ip Man : La Légende est née avec Dennis To. Réalisé par Herman Yau, cet opus se concentre sur la jeunesse de Ip Man, bien avant le premier film de Wilson Yip. Encore la même année arrive sur les écrans Bruce Lee, My Brother, mis en boite par Raymond Yip et Manfred Wong. Wong Chi-Wai reprend le rôle de Ip Man mais c’est bel et bien le personnage de Bruce Lee qui est la vedette de ce film. 3 ans plus tard, deux nouveaux films mettant en vedette Ip Man. Tout d’abord The Grandmaster de Wong Kar-Wai, avec Tony Leung Chiu-Wai en vedette, et Ip Man : Le Combat Final de Herman Yau, avec Anthony Wong. Ce dernier s’attarde sur un Ip Man bien plus âgé, sur la dernière partie de sa vie. La même année, une série chinoise de 50 épisodes voit également le jour. En 2015, alors qu’il avait annoncé le contraire, Donnie Yen endosse une 3ème fois le costume de Ip Man, toujours sous la houlette de Wilson Yip, avec Ip Man 3. Un film bien plus tourné sur l’international (avec la présence de Mike Tyson), mais un succès énorme au box-office, le film rapportant 156M$ à travers le monde. Il n’en fallait pas moins pour qu’un 4ème épisode soit mis en chantier, toujours malgré les dires de Donnie Yen pour annoncer le contraire. C’est ainsi qu’en 2019 arrive sur les écrans chinois Ip Man 4 : The Finale, toujours par le même duo gagnant Yen / Yip, et qui serait vraiment le dernier volet, d’où le « The Finale » du titre. Mais à n’en pas douter, vu le succès des films, on n’a pas fini d’entendre parler du personnage de Ip Man.
Mais revenons à nos moutons et à ce premier film Ip Man. Les superlatifs et autres formules encensant le film ne manquent pas sur Internet. Elles sont justifiées tant Ip Man fait partie du (très) haut du panier des films d’arts martiaux que l’ex colonie anglaise a pondu ces 15, voire 20, dernières années. Ip Man nous retrace la vie, certes romancée, d’un grand homme qui a donné espoir à une population affaiblie par la guerre, par l’occupation japonaise. Le film est découpé en deux parties. La première, c’est lorsque Ip Man est à son apogée. Connu de tous dans sa ville de Foshan pour sa virtuosité dans son art martial, pour sa bonté, pour sa gentillesse, il est l’homme sur qui les gens peuvent compter. Dans la deuxième partie, l’occupation japonaise pendant la guerre vient chambouler sa vie, la vie de tous les habitants chinois. Ip Man est confronté à la dure réalité de la situation mais va garder ses valeurs. Alors que le wing chun était pour lui auparavant une philosophie de vie, une vitrine de la façon de penser chinoise, et qu’il n’avait aucune envie d’enseigner cet art à quiconque, la réalité historique va tout changer. Alors qu’il était très centré sur lui-même, il n’aura d’autre choix que d’agir pour les autres, d’agir pour une cause commune, de s’occuper de sa famille tombée depuis dans la misère totale. Il va devoir s’opposer aux Japonais, les défier, essayer de réveiller le peuple oppressé par l’envahisseur. Ce cheminement ne sera pas sans douleur, sans perte, sans remise en question, et il devra souvent en payer le prix. Même s’il se centre essentiellement sur le personnage de Ip Man, le film est une magnifique fresque historique sur la Chine des années 30, tantôt poétique, tantôt tragique. Sans doute un des meilleurs films de Wilson Yip et, à n’en pas douter, un des meilleurs rôles de Donnie Yen.
La mise en scène de Wilson Yip fait preuve d’une maitrise technique rarement atteinte par le réalisateur. La reconstitution historique est très travaillée, aussi bien au niveau des décors que des costumes. Bien entendu, comme on a l’habitude de le voir dans le cinéma chinois, le racisme envers l’envahisseur japonais sera constant dès l’apparition de ces derniers. On y voit leur cruauté habituelle (via ces combats organisés contre des sacs de riz, où le Chinois n’est presque que du simple bétail) et certains personnages sont clairement trop stéréotypés et manichéens. Mais ce peuple semble avoir tellement souffert de ça qu’il est compliqué de leur en vouloir à ce sujet tant cela semble complètement ancré dans leur inconscient. Mais cela permet à Yip de mettre en scène des scènes tout bonnement galvanisantes qui permettent de réveiller la fureur du personnage de Ip Man. Donnie Yen incarne un Ip Man parfait. Exit le Donnie « je me la pète », il est ici tout en sobriété, tout en retenue et joue avec efficacité un personnage plein de sagesse, plein de maturité, mais qui n’en oublie pas la tatane. Et quelle claque à ce niveau-là ! Les combats sont tout bonnement magnifiques, aussi bien en termes de mise en scène (chapeau monsieur Yip) qu’en termes de chorégraphies. Ces dernières sont assurées par Sammo Hung et Tony Leung Siu-Hung, et le travail effectué est vraiment excellent. C’est beau, fluide, presque électrisant, et il y avait longtemps que des combats n’avaient pas eu droit à un tel traitement de faveur. Donnie Yen s’est beaucoup investi pour perfectionner son Wing Chun pour le film et ça se voit immédiatement à l’écran. Les combats sont à l’ancienne, sans fioritures, tout simplement beaux à regarder au point qu’ils en deviennent presque hypnotisants. Du grand art !
LES PLUS | LES MOINS |
♥ La mise en scène ♥ Les combats ♥ Donnie Yen à son meilleur ♥ Rythme soutenu |
⊗ Quelques légèretés scénaristiques ⊗ Le patriotisme exacerbé |
Ip Man est un petit bijou de mise en scène, clairement l’un des meilleurs films d’arts martiaux de ces vingt dernières années. Le côté fresque historique est très bien retranscrit et le biopic, bien que romancé, est des plus intéressants et instructifs. Un excellent film, vivement conseillé. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film a remporté de nombreux prix, dont celui du meilleur film pour Wilson Yip et celui des meilleures chorégraphies pour Sammo Hung et Tony Leung Siu-Hung au Hong Kong Awards 2009, celui de meilleur acteur pour Donnie Yen au 16ème Festival des Étudiants de Beijing ou encore celui des meilleures chorégraphies d’action au Golden Horse Film Festival 2009 de Taipeï.
• Hiroyuki Ikeuchi, qui joue le général japonais, a subi une légère commotion cérébrale pendant le tournage après avoir été frappé quatre fois par Donnie Yen lors d’une scène de combat. Donnie Yen a lui aussi été blessé lors de la répétition d’un combat. En effet, un combattant armé d’une hache l’a accidentellement tailladé à côté de l’œil gauche.
• Un projet de biopic devait voir le jour en 1997 sous la houlette de Jeff Lau et Corey Yuen. Donnie Yen devait incarner Ip Man aux cotés de Stephen Chow, qui lui devait incarner Bruce Lee adulte. Mais après un jour de tournage, sans qu’on sache réellement pourquoi, le projet a été tout simplement annulé.
• Le fils ainé de Ip Man, Ip Chun, son élève Leo Au-yeung et le combattant médaillé d’or To Yu-Hang ont été consultants techniques sur le film, afin d’amener conseils et informations à l’histoire et aux chorégraphies.
• Andy On (Special ID, New Police Story), s’est vu offrir un rôle important dans Ip Man. Mais il a dû refuser à cause de problèmes de calendrier.
• Durant tout le film, Ip Man ne se fait frapper que deux fois, dans le combat final. Il se fait frapper deux autres fois par des soldats japonais alors qu’il est mis en joue et qu’il se rend.
Titre : Ip Man
Année : 2008
Durée : 1h46
Origine : Hong Kong
Genre : Une saga est née
Réalisateur : Wilson Yip
Scénario : Edmond Wong, Chan Tai-Li
Acteurs : Donnie Yen, Simon Yam, Lynn Hung, Ikeuchi Hiroyuki, Gordon Lam, Fan Siu-Wong, Xing Yu, Wong Yau-Nam, Dennis To, Li Qi-Long, Chen Zhi-Hui