Il y a six ans, Lee Jo-nan était frappée d’une malédiction après avoir brisé un tabou religieux. Aujourd’hui, elle doit protéger sa fille des répercussions de ses actes.
Avis de Rick :
Ah Netflix ! Toujours à la recherche d’un bon coup, peu importe la qualité du film. Incantation, lors de sa sortie à Taïwan en Mars 2022, et après quelques festivals également, a fait son petit effet sur le public, allant jusqu’à en traumatiser certains (allez comprendre). Il n’en fallait pas plus pour que Netflix annonce avoir acheté les droits pour une distribution mondiale en Juin, et que le film débarque sur la plateforme en Juillet de la même année. Et vous vous en doutez, il y a encore beaucoup de choses à dire sur ce Netflix Original qui n’a de Netflix que le chèque venant d’eux pour distribuer le film. Mais avant de défoncer tout ça comme il se doit, même si nous ne sommes pas face au pire du pire évidemment, un peu de culture, et de background, puisqu’apparemment, le dit métrage de Kevin Ko s’inspire d’un fait réel ayant eu lieu en 2005, qui causa la mort d’une jeune fille, tandis que les autres membres de sa famille furent condamnés pour abandon d’une personne résultant à sa mort. Le tout avec, en excuse, des possessions, des tourments par divers divinités religieuses, pour ce qui fut considéré comme une affaire d’hystérie collective. Maintenant, pour le film, on trouve derrière la caméra, mais aussi en parti derrière le scénario un certain Kevin Ko, dont j’avais vu il y a bien des années un de ses premiers métrages, un film d’horreur bien gore et finalement plutôt sympathique, Invitation Only. La présence de l’ancienne actrice X Ozawa Marie au casting y était peut-être pour quelque chose… Bref, avec Invitation Only, on ne peut pas dire que Kevin Ko faisait preuve d’un grand talent, mais il livrait un honnête métrage, court, sans prétentions, et qui donnait à l’amateur du genre exactement ce qu’il voulait. Qu’est ce qu’il nous propose donc maintenant, en 2022 ? Sur le papier, pas mal d’éléments qui auraient sans doute pu être intéressants. Du found footage, un village reculé, des mythes étranges, un tunnel maudit où il ne faut pas aller, une malédiction forcément, et une femme traumatisée qui fera tout pour protéger sa fille.
Un programme loin d’être mauvais en soit. Le souci, enfin, l’un des soucis, c’est que dans l’exécution de son film, Kevin Ko se prend les pieds dans le tapis, et surtout se prend affreusement au sérieux, ce qui passe immédiatement moins bien lorsque le reste coince. Nous suivons donc principalement, sur deux timelines différentes, la jeune Li Ruo-Nan, qui avec ses potes, aime faire des vidéos pour youtube, et qui va aller là où il ne faut pas, déclenchant une bien étrange malédiction sur elle et ses proches, malédiction qui va durer puisque six années après, alors qu’elle récupère sa fille, appelée Dodo (non ceci n’est pas un indice sur l’état dans lequel le spectateur est après le film), la malédiction perdure. Une histoire comme une autre, pas déshonorante dans son genre, surtout si comme moi, vous êtes rapidement fascinés par ces petits villages reculés avec leurs mythes bien à eux, et donc leurs possibles malédictions. Bon, le premier souci évident d’Incantation, c’est qu’il est beaucoup trop long, 1h50. Un souci évident puisque cela montre clairement que Kevin Ko avait des ambitions, sauf que tenir sur presque deux heures dans le genre du found footage, c’est assez suicidaire, et il faut avouer que même le roi du genre, à savoir Shiraishi Kôji, n’a tenté qu’une seule fois cette durée, mais que son film mettait en avant divers cas avant de relier le tout, et ainsi pouvoir remplir ses deux heures. Ici, on a juste une simple légende, et un procédé qui semble donc le plus souvent s’étirer en longueur. Sans doute qu’en filmant le film normalement, et en ayant des personnages plus intéressants dés le départ, plutôt que des youtubeurs dont l’un d’entre eux s’amuse à un moment à graver dans du bois une bite aurait grandement aidé le métrage, mais non. Le seul argument du film pour tenir sur la durée, c’est finalement ses deux temporalités, celle de la visite du village six années avant, puis celle de nos jours où super maman tente de sauver sa fille. Chaque partie avec ses défauts. La première partie nous montre des personnages peu intéressants, mais ses mythes inconnus et étranges, ce fameux tunnel sombre, ça a quelque chose de fascinant. La seconde partie met en avant des personnages plus crédibles et humains, mais n’arrive pas vraiment à passionner.
Mais on arrive alors au défaut moins évident, mais beaucoup plus grave, à savoir, la conception même du métrage et son choix visuel, le genre du found footage donc. Le film est clair là-dessus, il aborde d’ailleurs différents points de vue tout le long du film, avec des plans filmés au téléphone, une caméra achetée récemment par notre héroïne de nos jours, ou les caméras de nos youtubeurs sur l’autre timeline six ans plus tôt. Jusque-là, pas de souci. Mais lorsque le film brise les règles du genre même qu’il a décidé d’aborder, ça pose plus souvent souci. Une mère filmant sa fille et posant la caméra avant de sortir d’une pièce, mais le montage lui peut nous faire tranquillement un champ contre champ. Deux personnages seuls dans une pièce sombre qui discutent, filmés par l’héroïne, et tout à coup, un plan plus éloigné filmé au niveau du sol, alors qu’aucune caméra n’est là, puisque les autres personnages sont occupés ailleurs et se filment déjà eux-mêmes… Incantation multiplie les plans qui n’ont, dans le film en lui-même, aucune raison d’exister, aucune justification, et nous sort alors très rapidement de l’expérience qu’il voudrait proposer. Difficile dés lors de se sentir clairement concernés par ce qu’il se passe quand le film nous rappelle constamment que ce que l’on voit n’a pas vraiment de sens, comme si le réalisateur voulait du found footage, mais ne pouvait pas faire passer son message par ce seul procédé, ou alors qu’il n’avait pas confiance en ces capacités pour tenir sur la durée. Sa narration rend cet élément flagrant également, puisque le film alterne constamment les deux timelines, donnant à ce faux documentaire un aspect clairement trop cinématographique. Et c’est dommage, clairement, car à côté, certaines scènes fonctionnent, les mythes étranges de ce village ont du potentiel, mais qui ne sera jamais exploré. C’est juste trop long, trop bancal, et en plus, pas si effrayant que ça. Et ça aussi c’est dommage, car le film n’utilise pas des jumpscares à outrance comme souvent dans le genre, tentant à la place d’installer un climat inquiétant. Mais ça ne marche que trop rarement.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ La partie dans le passé, intriguant ♥ Le final qui a quelques idées |
⊗ Beaucoup trop long ⊗ Narration morcelée qui nous perd ⊗ Trop de plans filmés par des caméras qui ne devraient pas être là ⊗ Des personnages pas toujours intéressants |
Incantation est ambitieux, trop ambitieux même, et se plante assez souvent, entre ses longueurs, ses deux époques qui s’enchaînent un peu aléatoirement, et surtout l’envie du réalisateur de varier les plans même lorsque le genre normalement ne le permet pas. En résulte un film qui a quelques idées, mais s’avère le plus souvent laborieux. |
Titre : Incantation – Zhou – 咒
Année : 2022
Durée : 1h50
Origine : Taïwan
Genre : Found Foutage de gueule
Réalisation : Kevin Ko
Scénario : Kevin Ko et Chang Che-wei
Avec : Tsai Hsuan-yen, Huang Sin-ting, Kao Ying-husan, Sean Lin et Wen Ching-yu
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