Zhao navigue autour de la cinquantaine, il ne travaille plus mais parvient encore à se débrouiller. Il cherche une femme mais sa condition précaire ne lui permet pas de connaître beaucoup de réussites en la matière. Par le biais d’une agence matrimoniale, il croit trouver enfin une épouse et commence à lui mentir dès le premier jour, s’inventant un travail (patron d’hôtel) et de nouvelles responsabilités. Pour jouer le jeu jusqu’au bout, il ira même jusqu’à accepter d’engager la belle fille de sa petite amie. Prénommée Wu Ying, l’enfant parait être le souffre-douleur de sa belle-mère et de son insupportable fils. La petite, âgée de 18 ans, n’a ainsi jamais été épargnée par la vie : d’apparence fragile mais dotée d’une forte tête, Wu Ying connaît des difficultés pour s’intégrer à la société : elle est aveugle.
Avis de Oli :
Nouveau film de Zhang Yimou, et nouvelle réussite : HAPPY TIMES est typiquement le genre de long métrage que l’on commence à regarder l’œil un peu distrait, en se demandant où l’intrigue (visiblement sans surprise) va nous mener, et puis quelques moments magiques font irruption (le premier à la dix-huitième minute et l’apparition de la petite Wu Ying) et on reste scotché devant son écran, le temps passe sans qu’on ne le voit plus défiler, on rit, on s’investit d’avantage, l’émotion nous gagne, on ne veut plus quitter les personnages et on en vient presque à maudire le mot « Fin » lorsque celui-ci apparaît.
Après PAS UN DE MOINS, Yimou se lance à nouveau dans une chronique contemporaine, à la différence près que cette fois-ci elle prend place en milieu urbain (à la manière de KEEP COOL). Entre drame et comédie, le pendule de Yimou oscille toujours, et c’est plutôt bien amené. On se surprend ainsi à rire aux éclats, puis dans la minute qui suit c’est la chair de poule qui s’empare de notre peau, quand ce n’est pas une petite larme qui tente de se frayer un étroit passage dans le coin de notre œil. Inévitablement, on apprécie les personnages de HAPPY TIMES, même si ces hommes et ces femmes ont le trait parfois un peu forcé. D’un côté nous avons les « mauvais » avec la future épouse (?) de Zhao et son fils, tous deux assez ignobles et vulgaires, et de l’autre la douce et fragile Wu Ying, interprétée avec beaucoup de grâce (c’est normal elle est danseuse) par la magnifique Dong Jie. D’une justesse incroyable, cette nouvelle venue dans le monde du cinéma donne une force et un magnétisme extraordinaires à son personnage. D’apparence fragile et réservée, Wu Ying est en fait une fille au caractère bien trempé (elle a enduré beaucoup de choses au sein de sa belle-famille) et très intelligente (beaucoup la croient naïve alors qu’en fait ce n’est pas le cas). Entre ces deux camps clairement délimités (les mauvais/la gentille) va venir s’immiscer un personnage assez classique : le vieux râleur et menteur qui sous ses atours de vieil égoïste cache en fait un cœur.
Avec ces personnages un brin caricaturaux, on pouvait craindre le pire, mais le conte urbain de Yimou tient toutes ses promesses, s’inscrivant d’ailleurs dans une certaine tradition théâtrale (essentiellement le théâtre de boulevard). Zhao va ainsi directement mettre en scène la jeune Wu Ying : pour plaire à sa future femme, il promet un travail de masseuse à sa belle-fille, et comme bien entendu il ne possède pas d’hôtel, il construit avec quelques amis un salon fait de bric et de broc dans un entrepôt désaffecté. Comme Wu Ying est aveugle, le tour de passe-passe devrait faire illusion. La jeune fille se retrouvera ainsi dans un salon de massage improvisé au milieu de nulle part, un peu comme au théâtre le salon est dépouillé au maximum, sans plafond ni ornements sur les murs, le bruit de la foule étant enregistré sur une cassette audio qui passe en boucle, et les clients incarnés par les propres amis de Zhao qui se relaient toute la journée. La relation qui se noue entre Zhao et Wu Ying est donc bâtie sur le mensonge. L’égoïsme ? Un peu certainement, Zhao n’envisageant au départ que son possible mariage et l’obligation qui lui est faite de plaire à sa future épouse du mieux possible. Naïvement, il ne pense jamais que la situation puisse faire du mal à la jeune fille, naïvement il ne se rend sans doute pas compte que celle-ci est sans doute plus intelligente que ce qu’elle veut bien laisser paraître. Cette naïveté d’enfant habitant des corps d’adultes rend les efforts déployés par Zhao et ses joyeux acolytes encore plus touchants. HAPPY TIMES est un film que je recommande à toutes et à tous : aux amoureux de la vie, également à ceux qui aimeraient le devenir. Comment ne pas vibrer devant la fragile silhouette de la petite Wu Ying ? Comment ne pas se prendre d’affection pour ce personnage de femme-enfant, aux yeux perdus dans le vague, mais aux idées arrêtées et à la volonté de fer ?
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les personnages réussis … ♥ Des moments magiques ♥ Très bon équilibre entre comédie et drame |
⊗ … mais parfois caricaturaux |
HAPPY TIMES est donc une œuvre juste et touchante qui m’a énormément plu : un gros coup de cœur en quelque sorte, et ce même si la fin m’a laissé un goût plutôt amer dans la bouche, comme un sentiment d’inachevé. Mais après tout le cinéma c’est un peu comme la vie : ça ne finit pas toujours de la manière que l’on aurait souhaitée … |
Titre : Happy Times / 幸福時光
Année : 2001
Durée : 1h46
Origine : Chine
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Zhang Yimou
Scénario : Gai Zi
Acteurs : Zhao Ben-Shan, Li Xue-Jian, Dong Jie, Fu Biao, Niu Ben, Sun Hong-Lei, Dong Li-Fan, Gong Jing-Hua, Li Cheng-Ru, Zhang Hong-Jie