Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.
Avis de Rick :
Grave, la coproduction franco-belge de Julia Ducournau, sera enfin parvenu sur les écrans cette année après un tour d’un an en festival, ce qui lui aura permis d’avoir de nombreux prix, et par la même occasion, de faire parler de lui. Oui, Grave est un film de genre, et pourtant, c’était le film à voir en début d’année, faisant bien plus de bruit que Trainspotting 2 de Danny Boyle ou d’autres films pourtant également attendu. Et il faut dire que Julia Ducournau a soigné le fond comme la forme de son métrage, s’affranchissant ainsi de certaines règles de cinéma de genre pour livrer un produit plus réfléchit qu’il n’en a l’air, bien plus intéressant, et donc bien plus prenant. Grave, c’est l’histoire de Justine, une jeune femme quittant sa famille de végétariens pour entrer dans l’âge adulte en rejoignant une école vétérinaire. Et l’âge adulte va lui arriver en pleine face. Dès son entrée dans l’école, elle va être face au bizutage des nouvelles années, et Justine va découvrir son corps, sa vraie nature, ses pulsions. Grave est donc la quête d’identité de Justine, mais également bien plus. Une quête d’identité que le scénario divise en trois : son identité en tant qu’adulte, d’étudiante plutôt, mais également son identité sexuelle, et son identité au sens large, avec la découverte de la viande, et donc de ses penchants cannibales. Avec un tel sujet, il était très facile de partir dans le propos et les scènes choquantes juste pour choquer, d’afficher frontalement à la fois la violence et la nudité, sans servir un propos. Ce que Julia Ducournau ne fait jamais, maitrisant son film dans quasiment dans tous les domaines.
Et bordel, ce que ça fait du bien au final. Autant le scénario que la mise en scène ou tout simplement l’interprétation de Garance Marillier, Grave se fait un film plus intelligent qu’on ne le pensait, et surtout plus intelligent qu’un film de genre récent ne devrait l’être. En fait, Grave est un film mélangeant les genres, et contenant donc des scènes d’horreur graphiques, au final peu nombreuses. Elles ne sont là que pour servir le propos du métrage, et servir de moteur aux différents personnages. L’écriture du film est assez dense, mais sans jamais s’éparpiller. Justine est au cœur de tout, et les personnages secondaires sont finalement peu nombreux. On notera Adrien, le colocataire de Justine, et Alexia, sa sœur, et jamais le film ne s’en éloigne. Cela lui permet de développer les personnages et les thèmes abordés avec justesse. Qui ne sont, dans le fond, pas vraiment originaux, mais le traitement que l’auteur leur offre fait alors toute la différence. Justine, dés son arrivée dans l’école, subit le bizutage, avec de la peinture, du sang, on la force à manger de la viande crue.
Et finalement, ce bizutage, ce n’est que le thème du film. Comment Justine apprend au fur et à mesure les difficultés de la vie pour mieux se comprendre et s’accepter elle-même. Justine subit ses premiers pas dans l’école, ses premiers pas comme une jeune femme adulte loin de ses parents, ses premiers pas dans la sexualité, ses premiers pas en mangeant de la viande. La mise en scène de Julia Ducournau se fait très intéressante, et on pourra dans ce sens rapprocher le métrage de The Neon Demon. Bien entendu, les choix visuels sont totalement différents tout comme les sujets abordés, mais Grave filme avec une certaine distance ces personnages comme pour nous éloigner de l’émotion, mais l’on sent que tout est préparé au millimètre près (le film utilise aussi parfois la symbolique). Oui, c’est très beau, très bien filmé, très bien pensé, Julia Ducournau sait gérer les scènes de foules et n’hésite pas à filmer en plan séquence. Mais surtout sa mise en scène parvient à capturer la complicité entre les deux sœurs. On saluera d’ailleurs l’excellente interprétation de Garance Marillier, habitée par son rôle, excellente d’un bout à l’autre du métrage.
Car outre sa prestation, l’actrice aura énormément travaillée pour se métamorphoser à l’écran, que la découverte de sa vraie identité soit visible également par la gestuelle. De l’excellent travail donc, pour un rôle parsemé de scènes difficiles, dont une rappelant le premier Trainspotting. Garance Marillier et Ella Rumpf sont les gros points forts du métrage, jouant avec justesse des personnages subtils, tandis qu’Adrien, le colocataire, subit lui un traitement un petit peu plus cliché, du moins au début, avant d’apporter par la suite un réel plus à l’histoire. Qu’en est-il par contre du cannibalisme et des scènes sanglantes grâce auxquels le film a fait parler de lui, notamment avec la polémique des spectateurs malades durant la projection. Grave en effet n’est pas pour tout le monde, et c’est plutôt dans son ambiance lourde et dans son propos qu’il pourra choquer, car même si certaines images s’avèrent choquantes, l’on aura déjà vu bien pire, mais la violence des images étant ici rattrapée par le propos général, l’effet est décuplé. Et encore une fois, cela on le doit à Julia Ducournau, scénariste et réalisatrice, qui a soignée son propos mais aussi sa mise en image, pour que l’un soit complémentaire de l’autre. Et voilà bien là une chose rare dans le cinéma de genre, et encore plus dans le cinéma de genre Français. Une réussite au succès mérité.
Année : 2017
Durée : 1h39
Origine : France / Belgique
Genre : Horreur
Réalisation : Julia Ducournau
Scénario : Julia Ducournau
Avec : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Nait Oufella, Laurent Lucas, Joana Preiss et Bouli Lanners
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