Quand deux jeunes détectives, Patrick Kenzie et Angie Gennaro, sont embauchés pour réexaminer une enquête concernant la mystérieuse disparition de la petite Amanda, ils réalisent que les apparences sont trompeuses. Ils vont tout risquer pour retrouver cette petite fille perdue. Ils s’enfoncent au-delà des mensonges et des faux-semblants, vers les secrets les plus noirs de la ville, là où règnent les dealers, les criminels et les pédophiles. La vérité finira par surgir, mais elle aura un prix. Chaque ville a ses secrets, chaque humain sa conscience.
Avis de Paganizer :
L’annonce d’un premier film réalisé par Ben Affleck avait plutôt fait sourire dans un premier temps… Les critiques de tous poils l’attendaient au tournant, en aiguisant leurs stylos « Mont Blanc », prêts à bondir comme des morts de faim sur le playboy imprudent ! En effet, Ben Affleck, ex-amant de Jennifer Lopez et acteur connu pour son côté un peu niais, allait mettre en scène son premier long métrage en adaptant un roman de Dennis Lehane, auteur déjà porté à l’écran par Clint Eastwood et son excellente adaptation de Mystic River. Ben Affleck n’étant pas Clint Eastwood, on était en droit de s’inquiéter… Pourtant, si le résultat est loin d’être un chef-d’œuvre instantané, il n’en demeure pas moins une belle et fort honorable réussite, saluée par la critique !
Gone Baby Gone a en effet assez rapidement fait taire les sceptiques et les médisants de tous bords… ceux-là même qui avaient oublié, semble-t-il, que Ben Affleck a tout de même écrit, avec son ami Matt Damon, l’histoire de « Will Hunting » (réalisé par Gus Van Sant, oscar du meilleur scénario en 1998) et dont l’intrigue prenait déjà place dans les quartiers défavorisés de Boston. Gone Baby Gone est donc l’occasion pour Affleck de revenir à ses premières amours et sur les lieux de son adolescence tourmentée, et de confier le premier rôle à son jeune frère Casey.
Avant d’être un récit policier revenant sur un kidnapping qui tourne mal, le film se veut la description d’une communauté et des gens qui la composent. Dès le générique, le ton est donné. L’œuvre se présente comme humaine et proche des démunis. On retrouve tout de suite dans Gone Baby Gone, les thématiques qui animaient déjà Mystic River ; ce questionnement permanent sur la frontière entre le bien et le mal. Si les deux jeunes enquêteurs (Casey Affleck et Michelle Monaghan excellents) se présentent d’abord comme des modèles à suivre, les choses changent rapidement. Personne dans le film n’est épargné : De la prostituée à ses heures perdues pour se payer sa dose de Coke, aux flics corrompus prêts à appliquer une justice aveugle et expéditive. Ben Affleck se montre plutôt à l’aise, en particulier pour décrire les affects qui touchent les différents personnages, mais aussi en matière d’action. A ce titre, la scène époustouflante qui clôt très efficacement le deuxième tiers du film est un modèle de maitrise !
Il se distingue également lorsqu’il s’agit de quitter les sentiers classiques de l’enquête policière pour poser de vraies questions de société d’une toute autre importance. Le choix d’avoir confié le rôle principal à son frère Casey s’avère plus que payant, tant ce dernier se montre concerné et offre une formidable performance. Ben Affleck explique ce choix par le fait que Casey, à l’inverse d’autres acteurs de sa génération (ceux ayant une trentaine d’années) n’a pas de côté connoté, dans le sens où c’est un acteur qui surprend, un acteur dont on ne sait jamais s’il va être sympathique ou pas. Et dans ce film, il montre bien l’étendue de son talent, secondé il faut le dire, par de très bons partenaires de jeu.
On peut le dire, les choix en matière de casting ont été soignés…il y a du beau linge ! Ben Affleck qui peinait parfois à convaincre par ses capacités d’acteur démontre ici, en tant que metteur en scène, de grandes qualités. D’un script plutôt complexe, au rythme inhabituel et au sujet délicat, il tire un récit par le biais duquel il plonge dans les moindres recoins de la ville de Boston, mettant en lumière des personnages aussi disparates que pittoresques, mais toujours crédibles. On ressent beaucoup de soin et d’application dans cette mise en scène souvent claustrophobique. Un mécanisme implacable dans lequel les différents protagonistes semblent enfermés, se débattant avec l’illusion d’une liberté de mouvement et de légitimité de leurs actes.
Le long métrage nous manipule, ainsi que nos perceptions et nos convictions…il nous interpelle constamment, allant jusqu’à jouer la carte de l’enquête poussive qui ne semble guère avancer, sauf par le biais de témoignages soudains voire inattendus, ou d’informations glanées un peu par hasard.
Dans le film, dès le départ le spectateur est pris à parti : La victime est une petite fille, la maman (Amy Ryan plutôt bluffante) génère tant d’antipathie qu’elle suscite le rejet chez les enquêteurs, ses premiers témoignages sont faux, elle buvait, se droguait et fréquentait des individus peu recommandables… on aurait tendance à penser qu’elle a ce qu’elle mérite ! Mais il s’agit ici d’une disparition d’enfant !
Et très vite, la morale et la conscience populaire s’en mêlent, d’autant que les policiers, semblant au départ peu impliqués, finissent par asséner des statistiques assassines : Vu les circonstances, les chances de retrouver la fillette sont extrêmement minces… Par le biais de notre couple d’enquêteurs, nous sommes sans cesse amenés à réagir brutalement, épidémiquement, par bouffées d’émotions souvent mal contenues. En filigrane demeure cette manipulation propre à Dennis Lehane qui transpire au milieu d’un casting impeccable où les excellents Ed Harris et Morgan Freeman tirent parti de leur aura et jouent avec nos sentiments.
Le rythme du métrage peut déstabiliser, surtout lorsqu’on constate que l’enquête sur la petite Amanda s’achève bien avant la fin du film, laissant de fait une bonne part de doute. Si la tension retombe quelque-peu à ce niveau, c’est pour mieux reprendre le problème mais sous un angle différent. Et là, au-delà de l’empathie pour le sort d’un enfant disparu, on voit apparaitre les notions de justice, d’équité, de responsabilité et de loi, mettant les héros (et les spectateurs) en un porte-à-faux relativement pervers. La conclusion du métrage amènera quant à elle le spectateur à discuter des options prises par les protagonistes… Sur ce point, le film ne laisse personne intact du fait qu’il pose des questions auxquelles il apporte plusieurs réponses contradictoires… Il revient alors au spectateur de choisir son camp, ou mieux, de se poser à son tour les mêmes questions en tentant de prendre en compte toute la complexité dont elles relèvent.
Entre autres thèmes, le film aborde celui de la liquidation des auteurs de crimes pédophiles ainsi que le problème des enfants élevés par des mères pas forcément présentes et disponibles pour assurer leur éducation. Faut-il se débarrasser des premiers de manière expéditive ou les juger équitablement ? Faut-il retirer leurs enfants à ces mères jugées « indignes » ? Ben Affleck lui, choisit de ne pas forcément condamner tous ses personnages et laisse à quelques-uns le droit à une humanité poignante.
Pour ce qui est de la maitrise technique du métrage, Affleck propose une mise en scène efficace et maitrisée qui ne se perd pas dans les effets de style inutiles et autres gargarismes. La lumière est belle et l’acteur-réalisateur se montre inspiré pour nous offrir de très belles images tantôt chaudes, tantôt immersives. On s’enfonce réellement, avec des personnages tous attachants et mettant suffisamment de force dans leur jeu pour que l’on adhère totalement, dans les profondeurs parfois inquiétantes de cette ville de Boston qui en devient presque un personnage à part entière. Une enquête qui se suit avec passion et alterne les moments sombres et les éclairs d’espoir.
Certes, le film n’est pas parfait et l’on note quelques faiblesses et quelques lenteurs dans le rythme général. Le dénouement par exemple est un peu plus cousu de fil blanc et a tendance à trop multiplier les twists pas forcément très bien amenés. Du coup, on tombe un peu dans une forme de didactisme moral (présent dans le roman initial certes) mais parfois un peu trop marqué ici, surtout dans les dialogues et les situations. Cependant, ces petites erreurs n’entachent en rien la qualité de l’œuvre qui dans son ensemble propose quelque-chose de solide, d’habilement construit et développé et emporte au final l’adhésion du spectateur.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Excellent casting ♥ Adaptation maitrisée du roman initial. ♥ Enquête passionnante |
⊗ Quelques faiblesses et baisses de rythme ⊗ Dénouement moins inspiré ⊗ Didactisme moral parfois envahissant |
Pour une première réalisation, Gone Baby Gone est une œuvre forte bien qu’imparfaite. Ben Affleck fait preuve d’un vrai sens de la mise en scène en s’attaquant à un roman complexe de Dennis Lehane qui aurait pourtant pu le mener droit dans le mur… Aidé par un excellent casting, il nous offre un film particulièrement attachant et bien construit qui emporte le spectateur dans les méandres d’une enquête riche en révélations, en rebondissements et en émotions fortes. En plus de cela, notons que le thème abordé par le film colle particulièrement à l’actualité récente (on pense à « l’affaire Mady », « l’affaire Maëlys »…). On connaissait Ben Affleck acteur, avec ce premier film, il démontre de belles dispositions en tant que metteur en scène. |
Titre : Gone Baby Gone
Année : 2007
Durée : 1h50
Origine : U.S.A
Genre : Thriller / Policier
Réalisateur : Ben Affleck
Scénario : Ben Affleck, Aaron Stockard
Acteurs : Casey Affleck, Michelle Monaghan, Morgan Freeman, Ed Harris, John Ashton, Amy Ryan, Amy Madigan, Titus Welliver