[Film] Freaks Out, de Gabriele Mainetti (2021)


Rome, 1943, sous occupation nazie, la Ville éternelle accueille le cirque où travaillent Matilde, Cencio, Fulvio et Mario comme phénomènes de foire. Israel, le propriétaire du cirque et figure paternelle de cette petite famille, tente d’organiser leur fuite vers l’Amérique, mais il disparaît. Privés de foyer et de protection, dans une société où ils n’ont plus leur place, les quatre « Freaks » vont tenter de survivre dans un monde en guerre…


Avis de Cherycok :
A l’heure où les films de super héros américains semblent interchangeables tellement ils sont lisses, édulcorés, structurés de la même manière, et au final sans âme… A l’heure où la Russie essaie parfois de les concurrencer, en essayant d’apporter quelque chose de nouveau mais au final en se vautrant dans les mêmes travers… C’est du côté d’un pays dont le cinéma est considéré par beaucoup comme mort depuis les années 80 qu’il faut se tourner pour enfin avoir des films de super héros qui ont de la gueule : l’Italie. Après l’excellent On l’Appelle Jeeg Robot de Gabriele Mainetti, sorti en 2015, qui avec son million d’euros de budget donnait une vision noire, originale et très réussie des super héros, il revient donc en 2021 avec Freaks Out où fort de 14M$ de budget, il donne une leçon de cinéma à tous les Marvel réunis avec un blockbuster à la fois violent, poétique, intense, attachant, et bien mis en scène, … Et bordel ce que ça fait du bien !

Je guettais ce Freaks Out de Gabriele Mainetti depuis quelques temps déjà, à vrai dire depuis la découverte complètement par hasard de son Jeeg Robot qui avait une vision du super héros qui me correspond bien plus que celle bien trop sage des Marvel et DC (bien qu’il y ait quelques exceptions). Pour moi, les États-Unis ne savent ou ne veulent plus faire, et l’Europe n’ose pas faire. Du coup, le cinéma de Mainetti fait un peu figure d’OFNI au milieu de tout ça et c’est une vraie bouffée d’air frais pour l’amateur de cinéma à la recherche d’autre chose en matière de super héros, et même de blockbuster tout court. La proposition que nous fait Mainetti avec son Freaks Out est un savant mélange entre le Magicien d’Oz, les X-Men et le cinéma italien des années 40 à 60, le tout saupoudré à la sauce Guillermo Del Toro / Alex de la Iglesia. Pourtant, au final, le réalisateur italien n’invente rien. Juste, il a assimilé de très nombreuses références et arrive à les restaurer en quelque chose de parfaitement homogène, très intelligent, en une fresque de 2h20 sans temps mort où l’action et la violence côtoient la poésie et le baroque. Les protagonistes de Freaks Out ne sont pas des héros sans peur et sans reproche. Ils ne portent pas le destin de l’humanité sur leurs épaules. Ils ont beau être différents, ils sont malgré tout profondément humains, plein de failles. Ils souffrent, ils aiment, ils font des erreurs comme tout le monde. Ils sont des phénomènes de foire qu’on nous présente tels quels, dès la scène d’introduction où on les verra tour à tour nous exposer leur particularité. Oui, ils sont très caractérisés, avec bien entendu certains clichés, mais on se prend immédiatement d’affectation pour cette petite « famille », d’autant plus qu’ils sont parfaitement développés. Il y a leur présentation limpide dès les premières minutes, mais pas que, car tout le long du film le scénariste Nicola Guaglianone et le réalisateur Gabriele Mainetti vont leur amener de la consistance. Ils vont évoluer, à cause/grâce aux évènements extérieurs auxquels ils vont être confrontés. Ils sont une ode à la diversité.

Mais Guaglianone et Mainetti vont également apporter un soin tout particulier à leur méchant, Franz, qui va dévorer toutes les scènes dans lesquels il apparait. Lui aussi « différent », avec comme pouvoir celui de voir l’avenir lorsqu’il rêve, il est réellement marquant, en partie grâce à l’excellente interprétation de Franz Rogowski qui semble habité par son personnage. De manière générale, c’est tout le casting qui est vraiment bon, avec une mention spéciale pour Aurora Giovinazzo qui interprète la toute douce Matilde. Les seconds rôles ne sont pas en reste et sont tous très bien campés, que ce soit la « femme-loup », le bossu chef des partisans ou encore le sniper borgne. Gabriele Mainetti soigne également son ambiance, avec un côté parfois baroque dans la mise en scène de certains passages. Le film va alterner moments tous doux, parfois poétiques, avec un léger humour, et des moments vraiment sombres, parfois glauques lorsqu’il s‘agit de dépeindre l’horreur de la guerre. Le film va détourner certains évènements historiques pour mieux servir son scénario au final simple, mais vraiment efficace car très bien mis en valeur par une mise en scène de haute volée, appuyée par une musique qui l’est tout autant. La photographie est tout bonnement superbe et certains plans sont de toute beauté grâce à des décors et des costumes crédibles. Les scènes d’action valent vraiment le détour avec une intensité folle et une lisibilité sans faille. Les scènes de guerre sont bien réalisées, avec un final mémorable, bien monté, où le film laisse exploser toute sa puissance émotionnelle au point que certains super héros Marvel paraitront complètement fades après cela. Oui, certains CGI sont perfectibles (la scène du train par exemple). Oui, l’histoire est malgré tout assez prévisible. Mais ce n’est rien comparé au plaisir immense que Freaks Out procure, avec cette sensation, qui ne nous quitte pas 2h20 durant, qu’on regarde un blockbuster réellement réussi, qui a tout compris au Cinéma (avec un grand C).

LES PLUS LES MOINS
♥ Les personnages attachants
♥ Le mélange des genres homogène
♥ Très belle photographie
♥ Le jeu des acteurs
♥ Du vrai grand spectacle
⊗ Quelques CGI en deçà
⊗ Scénario assez linéaire
Avec son deuxième film, Freaks Out, Gabriele Mainetti nous propose un vrai bon divertissement sur la thématique des super héros, un blockbuster audacieux comme on aimerait en voir plus souvent. Du grand cinéma, oui, vraiment.

LE SAVIEZ VOUS ?
• Pendant le générique de fin, parmi les nombreux dessins du futur laissés par Franz, on peut voir une image de Jeeg Robot, qui est le héros du premier film de Gabriele Mainetti.

• Freaks Out a remporté pas moins de 8 prix au Venice Film Festival, dont celui du meilleur acteur, de la meilleure bande son, des meilleurs effets spéciaux, du meilleur film italien ou encore le prix spécial du jury.



Titre : Freaks Out
Année : 2021
Durée : 2h21
Origine : Italie / Belgique
Genre : Blockbuster rital
Réalisateur : Gabriele Mainetti
Scénario : Nicola Guaglianone, Gabriele Mainetti

Acteurs : Claudio Santamaria, Aurora Giovinazzo, Pietro Castellitto, Giancarlo Martini, Giorgio Tirabassi, Franz Rogowski, Max Mazzotta, Francesca Anna Bellucci

 Freaks Out (2020) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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