Jeffrey Franken aime s’adonner à des expériences scientifiques singulières durant son temps libre. Lorsque sa fiancée Elizabeth se fait hacher par une tondeuse à gazon, le jeune homme va tenter de la ramener à la vie. Il lui suffit pour cela de rassembler des parties de corps humains et d’y greffer la tête d’Elizabeth, qu’il a conservée précieusement.
Avis de John Roch :
Rapidement étiqueté cinéaste culte du gore et du mauvais goût, ce qui n’est pas faux en soi, Frank Henenlotter est pourtant un réalisateur bien plus intéressant qu’il ne paraît. Que ce soit avec la relation fraternelle entre Duane et Belial, anti-héros de Frère De Sang et sa suite (passons sous silence le calamiteux troisième opus) et surtout avec la descente aux enfers d’un junkie dans Elmer le Remue-Méninges, Frank Henenlotter avait démontré sa capacité à raconter des histoires certes plongées dans un déluge de mauvais goût et tout aussi glauques que les rues du New York pré-Rudy Giuliani dans lesquelles elles se déroulaient, mais non dénuées de thématiques et d‘une certaine intelligence dans le traitement de ses scénarios. Frank Henenlotter, c’est aussi un réalisateur qui n’a pas vraiment eu de chance. Petit retour en arrière : à sa sortie, Frère De Sang est un carton et devient instantanément culte aux yeux des amateurs de films d’horreur qui tachent. Ce n’est pourtant que six ans plus tard que sort son second, et meilleur, long métrage : Elmer le Remue-Méninges. Mais c’est à nouveau une galère pour le réalisateur qui cherche à vendre son nouveau script (Insect City, qui selon ses dires aurait été un film bien barge et dégueulasse), il croise alors James Glickenhaus, entrepreneur, passionné et collectionneur de voitures de sport et accessoirement réalisateur (on lui doit entre autres le vigilante movie Le Droit De Tuer), qui s’est lancé avec succès dans la production avec Maniac Cop. Le producteur veut bien travailler avec Frank Henenlotter, mais sous une condition : si le réalisateur accepte de tourner une suite à Frère De Sang, il lui laisse les mains libres pour tourner un autre film. Malgré le rejet du script d’Insect City, Frank Henenlotter accepte le deal et tourne Frère De Sang 2 (suite qui ne s’imposait pas mais qui n’en demeurait pas moins une petite réussite sur bien des points), puis dans le même temps improvise une idée qui plaît à James Glickenhaus : une variation de Frankenstein dégénérée comme seul Frank Henenlotter aurait pu l’imaginer. Mais si Frankenhooker n’est pas le meilleur film du cinéaste, il est en revanche son métrage le plus personnel. Une sorte de constat de ce que sa carrière était en train de devenir avant qu’il ne décide d’y mettre un terme pendant 17 ans après la sortie de Frère De Sang 3.
Avant d’être une créature de Frankenstein péripatéticienne, Elizabeth meurt dans un accident domestique peu banal, puisqu’elle se fait déchiqueter par une tondeuse à gazon télécommandée fabriquée par son fiancé: Jeffrey, électricien de métier mais également savant fou à ses heures perdues. Un rien chagriné, il se met en tête, en conservant précieusement celle de sa fiancée, de reconstruire un corps à sa dulcinée pour la ressusciter, sauf que pour ça, il faut des morceaux de femmes. Et ces morceaux, il les obtient auprès de prostituées junkies à qui il fait fumer du super crack de sa fabrication aux effets secondaires pour le moins explosifs. Le hic, c’est que si l’opération est un succès et que Elizabeth revient à la vie, sa personnalité est noyée dans celles des putes qui la composent. La créature va alors échapper à son créateur et part faire le tapin à Time Square. Frère de sang et Elmer le Remue-Méninges avaient des points communs, Frankenhooker ne déroge pas à la règle. On retrouve donc à nouveau le New York crasseux de l’époque, et ce discours anti-drogue dans la continuité de Elmer, ici sous l’angle des prostituées condamnées à faire le trottoir pour obtenir leurs doses auprès de leurs macs. Dans la forme, Frankenhooker est un pur film de Frank Henenlotter, que ce soit de par la présence d’acteurs récurrents dans sa filmographie, de personnages barrés ou d’idées plutôt barges à l’image de la fameuse scène où les prostitués explosent sous l’effet du super crack, aussi fun que cheap (les sfx ne sont pas le point fort du film), ou d’un final aussi inattendu que trop rapidement expédié. La mise en scène et la photographie, dans le ton de ces précédents métrages, s’avèrent une nouvelle fois agréables à l’œil et on notera une forme d’hommage à James Whale dans le décor du garage qui sert de laboratoire à Jeffrey, qui renvoie directement à celui du Frankenstein réalisé par le cinéaste susmentionné.
Impossible de parler de Frankenhooker sans évoquer le rôle titre. Penthouse Pet (mannequin élue plus jolie femme par le magazine du même nom) du mois d’Août 1986 de l’année 1988, Patty Mullen est tout simplement géniale dans la peau du personnage. Avec ses mimiques, sa démarche située quelque part entre un ivrogne déchiré à la 8,6° un jour de canicule et un zombie, la charmante actrice (et ce n’est pas la seule, le film est rempli de cul et de boobs de partout) donne vraiment de sa personne pour donner vie à cette créature de Frankenstein version prostituée et en rajoute dans le registre comique et décalé d’un film qui l’est déjà assez comme ça. Si Patty Mullen est bien l’attraction principale de Frankenhooker, le film est intéressant dans le sens où la créature n’est ni plus ni moins que Frank Henenlotter lui-même. Que le métrage ne se déroule pas uniquement à New York à l’image de ses métrages précédents n’est pas un hasard. Dans Frankenhooker, les bas-fonds de la Big Apple ne représentent plus ce coté glauque et sale que le réalisateur affectionnait tant, mais le système dans lequel il est tombé. En effet, à la sortie de Frankenhooker, Frank Henenlotter évoquait déjà un Frère De Sang 3 commandé par James Glickenhaus qui lui permettrait de réaliser librement un autre film (Doll, qui ne se fera finalement jamais). Un deal semblable à celui qui a mené à Frankenhooker, qui a effrayé le metteur en scène au point d’exprimer dans des interviews d’époque sa peur d’en être réduit à honorer un énième Frère De Sang pour avoir l’occasion de réaliser des projets originaux. Dans le fond, la créature de Frankenhooker qui retourne à New York faire le trottoir, c’est Frank Henenlotter qui retourne voir son producteur pour trouver de l’argent destiné à tourner ses films. Vous remplacez la pute par le réalisateur, le mac par le producteur, l’argent des passes par Frère De Sang et le crack par le chèque pour les projets originaux, et vous obtenez un sous texte lucide d’un cinéaste qui en était quelque part réduit à une forme de prostitution pour trouver des financements pour ses métrage. Ses scénarios n’ayant jamais trouvé acquéreur, à l’inverse d’un potentiel Frère De Sang 4 pour qui là il y a du monde pour sortir le chéquier, il n’est pas étonnant que Frank Henenlotter ait disparu des radars (bien que très actif dans le domaine de la distribution chez Something Weird Video) pendant plus d’une décennie…
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Un film plus personnel qu’il ne paraît ♥ Techniquement, c’est carré ♥ Des idées aussi fun que barges ♥ Patty Mullen dans le rôle titre ♥ Des boobs, plein de boobs (et des culs aussi) ♥ L’ ambiance des bas-fonds du New York de l’époque |
⊗ Les SFX globalement très cheap ⊗ Une fin trop vite expédiée |
Si Frankenhooker n’est pas le meilleur film de Frank Henenlotter, c’est sans aucun doute son film le plus personnel. Dans la forme, c’est bel et bien un film du réalisateur avec ce qu’ il contient d’idées barges et de personnages barrés. Dans le fond, il exprime ce qu’était alors en train de devenir sa carrière : une forme de prostitution, ni plus ni moins. Une autre réussite d’un metteur en scène décidément bien plus intéressant que l’étiquette de cinéaste culte du gore et du mauvais goût qui le suit ne le laisse le supposer. |
Titre : Frankenhooker
Année : 1990
Durée : 1h25
Origine : USA
Genre : prostipute
Réalisateur : Frank Henenlotter
Scénario : Frank Henenlotter et robert Martin
Acteurs : James Lorinz, Patty Mullen, Joseph Gonzalez, Charlotte J. Helmkamp, Louise Lasser, Kimberly Taylor, Beverly Bonner, Louise Lasser