[Film] Fight Zatoichi Fight, de Kenji Misumi (1964)


Une femme, en route pour rejoindre son mari avec son bébé, est tuée par erreur dans une embuscade destinée à Ichi. Le masseur aveugle décide de tout faire pour rendre l’enfant sain et sauf à son père. Une longue route s’annonce, peuplée de dangers, de rires et de larmes.


Avis de Kwaidan :
« LONE MASSEUR AND CUB », c’est le titre qu’aurait pu porter cette huitième aventure du masseur aveugle. Un épisode qui se démarque habilement de ses prédécesseurs et se pose comme un des sommets de la série. Si les ingrédients désormais classiques d’un Zatoichi, à savoir des combats de sabres d’anthologie et du rire, sont bien entendu présents, le héros se retrouve ici avec un partenaire insolite qui rend ce film particulièrement attachant.

Derrière le titre barbare FIGHT ZATOICHI, FIGHT se cache un chef d’œuvre de tendresse et d’humanité qui marque le grand retour à la série du réalisateur Kenji Misumi. Dire que le film est visuellement superbe, que la réalisation est majestueuse ne surprendra personne. Il n’y a qu’à voir cette scène sublime dans laquelle Ichi s’arrête pour écouter une jeune mère faisant des va-et-vient sur un pont en chantant une berceuse à son bébé et dont la mise en images est telle qu’elle l’amène à la limite de l’onirisme. Les duels sont quant à eux aussi spectaculaires qu’originaux : Ichi découpe des adversaires tout en changeant la couche de l’enfant, affronte désarmé une bande de mercenaires et un combat final d’une incroyable intensité le montre, en flamme, faire face à des ennemis essayant de le vaincre en utilisant des torches pour tromper son sens de l’ouïe. Le masseur n’a pas semblé aussi près de la mort depuis son duel face à Tomisaburo Wakayama dans le sixième volet et, encore une fois, si l’issu ne fait pas de doute on n’en est pas moins accroché à son fauteuil. Il est intéressant de constater combien le piège tendu à Ichi dans THE FESTIVAL OF FIRE, du même Kenji Misumi, rappelle le final de cet opus et parvient à créer un certain lien entre les deux histoires puisqu’il montrera le chef suprême des yakuzas réutiliser, en l’améliorant, un des rares plans visant à éliminer Ichi ayant presque fonctionné. Aussi grandioses soient-elles, le cœur de ce film ne se situe cependant pas dans ses scènes d’action mais dans des instants d’émotion entre Ichi et ses différents compagnons de route.

La relation unissant Ichi au bébé permet de montrer une facette inédite du masseur aveugle qui devient rapidement un vrai papa poule. Voir ce personnage solitaire et plein d’humanité s’attacher de plus en plus au petit être qu’il s’est promis de protéger est extrêmement touchant et donne lieu à des scènes mémorables qui montrent plus que jamais le talent sans borne de Shintaro Katsu. On rit énormément lorsque Ichi découvre qu’il est en présence d’un petit garçon en se faisant pisser au visage, est obligé de se foutre sur la gueule avec deux sumos s’étant eux aussi fait copieusement arroser ou se rend chez une prostitué pour lui confier le bébé afin d’avoir une nuit de sommeil paisible mais ne peut s’empêcher de venir vérifier toutes les deux secondes si tout va bien. Sans oublier lorsqu’il demande à un adversaire d’agoniser moins fort pour ne pas réveiller l’enfant ou donne le sein à ce dernier pour le faire patienter. Même la traditionnelle scène de la maison de jeu prend une toute nouvelle tournure lorsque le masseur cherche à gagner de l’argent tout en pouponnant afin de pouvoir acheter des couches propres. Le bébé remettra également une pickpocket dans le droit chemin (une chose qu’il partage avec le petit Daïgoro de BABYCART) et celle-ci accompagnera le masseur jusqu’au bout de sa mission, recréant ainsi autour de l’enfant une vraie famille. Tout le monde finit d’ailleurs par se prendre au jeu au point qu’Ichi aura le droit à sa première scène de ménage.

Mais les rires cèdent aussi la place aux larmes dans des scènes aussi bouleversantes que celle montrant Ichi prendre l’enfant des mains de sa mère, victime du piège qui lui était destiné, et les derniers instants où Ichi se retrouve seul avec lui avant de le restituer à son père. Alors que quelques minutes plus tôt, il cachait maladroitement son chagrin sous une fausse dureté, il rassure l’enfant en lui promettant qu’il ne pensait pas un mot de ce qu’il disait et lui fait toucher son visage dans l’espoir qu’il puisse s’en rappeler si leurs routes devaient dans l’avenir se croiser à nouveau. Un instant magique, parvenant à atteindre un rare niveau d’émotion et qui risque bien de tirer des larmes à plus d’un spectateur. Et que dire de l’inévitable moment des adieux où l’on voit le masseur pleurer en renonçant à garder le bébé pour lui assurer une vie meilleure. Un autre instant très touchant est la rencontre avec le groupe de masseurs en pèlerinage, tout heureux de se jouer des voyants pour cacher Ichi. Malgré la complicité et la fraternité qui les unissent, Ichi choisira de ne pas les suivre dans un final montrant tout le côté tragique de sa condition: ses errances l’amènent à rencontrer des personnes auxquelles il s’attache énormément, des frères, un fils, une femme, mais sa vie dangereuse d’homme traqué le condamne à la solitude pour protéger ceux qu’il aime.

LES PLUS LES MOINS
♥ Les ingrédients de la saga
♥ La tendresse et l’humanité de l’ensemble
♥ La mise en scène superbe
♥ Les combats
⊗ …

Violent, émouvant, tendre, drôle, tragique, rempli d’idées (marquer le temps qui passe par les changement de couches…), ZATOICHI 8 est une réussite totale et peut être le meilleur épisode de la saga du sabreur aveugle, porté par un Kenji Misumi en état de grâce et un Shintaro Katsu au sommet de son art. Toujours aussi charismatique, toujours aussi spectaculaire dans des scènes d’action démentielles, il trouve en ce bébé et la voleuse repentie les partenaires idéaux pour nous faire rire et pleurer. Takashi Miike a bien raison lorsqu’il dit qu’on ne trouve plus des acteurs de cette trempe. Tu nous manques Katsu Shin…



Titre : Fight, Zatoichi, Fight / Zatoichi 8 / 座頭市血笑旅
Année : 1964
Durée : 1h27
Origine : Japon
Genre : Chambara
Réalisateur : Kenji Misumi
Scénario : Seiji Hoshikawa, Tetsurô Yoshida

Acteurs : Shintaro Katsu, Nobuo Kaneko, Gen Kimura, Chikara Hashimoto, Shosaku Sugiyama, Ikuko Mori, Hizuru Takachiho

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Auteur : Kwaidan

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