[Film] Feast, de John Gulager (2005)

Dans un bar perdu au fin fond du Texas, la soirée se déroule paisiblement quand brutalement, la nuit tourne au cauchemar. Un couple arrive, en sang, poursuivis par des créatures mutantes et affamées. Et elles ont faim de chair humaine …


Avis de Rick :
À l’époque de sa sortie, Feast avait fait son petit effet. En effet, le film produit notamment par Matt Damon et Ben Affleck, pour la troisième saison d’une série montrant le tournage d’un film par des petits nouveaux, avait bénéficié d’un plutôt bon bouche à oreille, et de la présence de quelques noms plus ou moins connus devant et derrière la caméra. Wes Craven était également producteur par exemple, ainsi que, malheureusement, les frères Weinstein. Joel Soisson, que je considère comme un des plus grands yes man de Dimension Films, était également un des producteurs principaux, et on trouvait devant la caméra quelques têtes connues, comme Balthazar Getty (Lost Highway), Henry Rollins (Détour Mortel 2) ou Duane Whitaker (Une Nuit en Enfer 2). Voilà voilà. Un budget de 3 millions environ plus tard, et Feast faisait plaisir, c’était un plaisir coupable con, gore, ça nous révélait un duo de scénariste qui n’avait pas peur du ridicule, et un réalisateur qui aimait le gore et le cul. C’était en 2005. Il était forcément temps de revoir la bête avec un regard neuf, et en sachant pertinemment aujourd’hui que ni les scénaristes Patrick Melton et Marcus Dunstan ni le réalisateur John Gulager ne se sont révélés être des bons. En fait, c’est plutôt l’opposé. Un œil à leur CV, et voilà, on prend peur. Les deux scénaristes, on leur doit évidemment Feast 2 et 3, mais surtout Saw 4, 5, 6 et 7, soit des mauvais films, Piranha 3DD, The Collector et The Collection au niveau des bonnes surprises, et prochainement, attention, un Destination Finale 6 annoncé pour 2022. Quand à John Gulager, jugez par vous-même, puisque sa carrière ne compte quasiment que des produits vidéos pour Dimension Films, avec en tête de liste, les suites de Feast, Piranha 3DD et Children of the Corn Runaway. Wonderful ! Mais n’ayons pas de gros préjugés, et regardons donc Feast, surtout que mine de rien, on peut même dire que c’est le seul vrai film de cinéma du réalisateur (les autres étant tous des DTV), et que ça ne dure même pas 1h30. Bon, et voilà, 1h27 très exactement après, le verdict tombe. Feast a toujours un certain capital sympathie, mais Feast est également très bancal, et finalement pas à la hauteur des souvenirs que j’en avais. Il aurait pu, oui, aurait pu, sauf que quelque chose en cours de route à tout fait dérailler.

Ce quelque chose, c’est clairement la mise en scène. Car vouloir faire un film volontairement con et fun, c’est bien. Vouloir mettre du gore crade partout, c’est bien. Faire des blagues salaces, pourquoi pas, ça donne au film un gros côté sale gosse. Mais filmer proprement le tout pour que l’on comprenne ce qu’il se passe, c’est mieux. Et le souci de Feast, c’est que dés que les choses bougent à l’écran, le caméraman est atteinte de Parkinson et le monteur a eu le doigt sans doute bloqué trop longtemps sur le bouton « coupez ». Pour leur défense, il faut dire que John Gulager, bien qu’ayant sans doute grandis sur quelques plateaux grâce à son père Clu Gulager, tenant justement le rôle du barman dans le film de son fils, étant un débutant, avec un projet ambitieux et blindé d’effets spéciaux, pour un film coutant finalement peu. John Gulager, les plans larges, il ne semble pas connaître. Quand ça parle, quand ça bouge, quand ça se bastonne, quand ça crève, il faut cadrer serrer, et du coup, il ne laisse pas franchement son film respirer. Mais bon, comme je le disais, malgré tout, Feast a toujours un petit côté sympathique, notamment grâce à son côté film de sale gosse. Et ce dés le début, qui met en confiance, avec pour chaque personnage un arrêt sur image et du texte qui vient nous le présenter, avec beaucoup d’humour, puisqu’on nous dira clairement l’espérance de vie des personnages, avant finalement de nous tromper en tuant en premier le héros, en faisant vivre longtemps les vieux, les handicapés, la cruche de service ou les enfoirés. Ce côté qui ne se prend jamais au sérieux, qui s’amuse des conventions donne à Feast une impression de fraicheur, de spontanéité, ou en tout cas, de nouveauté. Ce qui n’est bien entendu pas le cas mais bon. Qu’importe, puisque sur l’instant, ça fonctionne. On a des têtes connues, quand les acteurs gardent leur tête, ça gicle un peu partout, les tripes s’éparpillent au sol, des monstres sauvages enferment nos personnages dans un bar, et nous voilà partis pour un huis clos efficace car court et rythmé.

Ironiquement la plus grande réussite du métrage, ce sera, peut-être un peu par accident, de retrouver un côté grindhouse sans chercher à nous vendre ainsi le projet, pas comme chez Rodriguez et Tarantino. Ici, c’est crade, c’est limité, c’est poisseux, gore, souvent à forte connotation sexuelle, ça ne se refuse jamais des blagues qui dépassent les limites du bon goût, et ça le fait maladroitement, mais sans doute avec du cœur. L’opposé du métrage de Rodriguez, trop friqué et référentiel, et du métrage de Tarantino, trop bavard et semblant bien trop millimétré dans ce qu’il nous montre. Feast, c’est une meilleure vision du chaos, d’un réalisateur qui fait ce qu’il veut même quand il ne sait pas le faire. Ça donne un côté sympathique à l’ensemble. Ce qui est d’autant plus dommage donc pour la mise en scène souvent ratée. Car John Gulager fait donc le choix de faire bouger sa caméra un peu n’importe comment pour camoufler sans doute son inexpérience, les limites techniques, artistiques et financières du projet. Du coup oui, on peut le dire, c’est gore, mais on ne comprend pas toujours tout. Les monstres par exemple ont l’air bien fichus, mais il faut vraiment attendre les dernières scènes du film pour vraiment bien les voir et ainsi comprendre un tant soit peu à quoi ils ressemblent. Filmer plus simplement aurait sans doute donné un côté plus faux à l’ensemble, mais aurait augmenté la lisibilité. Choix volontaire ou non, telle est la question, qui n’aura probablement jamais de réponse. Alors donc, que penser de Feast ? Techniquement, clairement, ce n’est pas un bon film. Écriture bancale, mise en scène chaotique, montage moyen. Mais il faut avouer que l’on ne passe pas un moment désagréable, le côté plaisir coupable fonctionne bien. Mais le succès lui fut au rendez-vous, permettant à la fine équipe de rempiler pour deux autres métrages.

LES PLUS LES MOINS
♥ Du gore
♥ Ça ne se prend pas au sérieux
♥ Il faut avouer, parfois, on rigole
♥ Court et plutôt bien rythmé
⊗ Une écriture souvent vulgaire et maladroite
⊗ Une mise en scène qui s’emballe souvent
note75
Feast, ça n’amuse plus autant que lors de sa sortie, mais ça reste un petit plaisir coupable, gore, con, vulgaire, mais très limité.



Titre : Feast

Année : 2005
Durée :
1h26
Origine :
U.S.A.
Genre :
Horreur
Réalisation : 
John Gulager
Scénario : 
Patrick Melton et Marcus Dunstan
Avec :
Balthazar Getty, Krista Allen, Josh Zuckerman, Navi Rawat, Jenny Wade, Henry Rollins, Duane Whitaker et Clu Gulager

 Feast (2005) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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