Kao, 30 ans, a consacré toute sa vie à une discipline unique en son genre : l’empilage sportif de gobelets. Mais à l’approche de l’âge adulte et alors que sa copine Jay le quitte après dix ans, Kao se voit confronté à un double ultimatum. Premièrement, il doit battre le champion du monde d’empilage de gobelets lors d’une prochaine compétition qui aura lieu en ligne. Deuxièmement, il accepte l’offre de son ex qui souhaite l’aider à relever le défi le plus important. Alors que Jay apprend à prendre soin d’elle-même avant toute chose, Kao doit prendre exemple et faire pareil, qu’il s’agisse de ne pas boire de lait ou de réparer la pompe à eau.
Avis de Cherycok :
Ça vous est déjà arrivé de voir un film et de vous demander, une fois fini, si vous avez aimé ? en ce qui me concerne, c’est rare mais ça arrive, au point que parfois, plusieurs jours après, la question se pose toujours et que, vous avez beau tourner et retourner les choses dans votre tête, cette question revient toujours : est-ce que j’ai aimé ce film ? Ça m’est arrivé tout récemment avec le thaïlandais Fast & Feel Love, disponible par chez nous sur Netflix. Je n’avais pas envie d’écrire dessus, par peur de ne pas savoir quoi en dire, mais je tente malgré tout l’exercice car ça m’a déjà permis, par le passé, lorsque cette question s’était déjà posée, d’y voir plus clair sur ce que je venais de voir. Se forcer à réfléchir pour poser des mots, sur ce qui va ou ne va pas (pour nous) dans le film, permet parfois de se décider, de se faire un avis plus tranché. Car là, au sortir de cette introduction, je ne sais toujours pas si j’ai aimé Fast & Feel Love.
L’histoire va se centrer sur Kao, et nous faisons sa connaissance durant son adolescence alors qu’un conseiller scolaire tente d’écraser ses rêves de réussite sportive. Sa discipline ? L’empilage sportif de gobelets, le « Sport Stacking » in english dans le texte. Kao va croiser la route de Jay, une jolie camarade de classe bienveillante mais sans aucun rêve. Ils vont tomber amoureux et passer ensemble les dix prochaines années de leur vie. Pendant cette période, Kao va chercher à poursuivre son rêve et essayer de devenir le stacker le plus rapide du monde, avec pour principal concurrent un jeune enfant de 8 ans bien plus rapide que lui. Jay va faire tout ce qui sera en son pouvoir pour l’aider à réaliser son rêve, s’occupant de toutes les tâches ménagères et administratives qu’une vie à deux dans une maison peut engendrer. Jay aime Kao, Kao aime Jay, mais Kao, complètement obnubilé par son désir de rapidité, en oublie Jay. Lorsque le désir de devenir mère commence à envahir Jay, elle se rend compte que sa vie tourne autour des rêves d’un homme avec la maturité d’un enfant de 10 ans. Jay aime Kao, mais elle n’a d’autre choix que de le quitter si elle veut enfin s’épanouir et vivre sa propre vie. Sauf que lorsque Kao se retrouve tout seul, il se rend vite compte qu’il est parfaitement incapable de faire quoi que ce soit, ni la moindre tâche ménagère, ni une quelconque démarche administrative. L’heure est venue pour lui de grandir et de se débrouiller seul, mais comment faire? on ne lui a jamais appris.
La première chose à savoir est que le sport stacking est une discipline qui existe vraiment. Le but du jeu est d’empiler le plus rapidement possible, en pyramide, des gobelets en plastique puis de les remettre dans leur position initiale. Il y a des clubs de sport stacking, des championnats, et même une coupe du monde. Pour ceux qui liraient cette phrase avec un sourcil levé et un air interrogatif, je vous invite à regarder cette courte vidéo d’une minute pour vous faire une idée de la chose. Voilà, maintenant vous savez de quoi nous parlons ici. Oui, après The Divine Move, un film d’action coréen tournant autour du jeu de Go, les Thaïlandais ont osé le film « d’action » autour du sport stacking. Les guillemets autour du mot « action » ne sont pas anodins car il ne s’agit pas ici à proprement parler d’un film d’action. Non, nous sommes dans une comédie romantico dramatique où les scènes de sport stacking vont être montées comme des scènes d’action. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le titre et sa police d’écriture de l’affiche renvoient immédiatement à Fast & Furious avec lequel Fast & Feel Love partage le thème de la famille. Ce montage très inventif est d’ailleurs une des grandes forces du film, permettant à ce dernier d’avoir un sens aigu du timing comique. On passe d’une mise en scène qu’on aurait pu voir dans un film d’action donc, mais également dans un thriller, à celle d’une comédie romantique. Sauf que c’est toujours détourné afin de donner plus de force aux thématiques que le film aborde réellement.
Fast & Feel Love essaie de comprendre les angoisses des nouvelles générations. Comment on subit parfois la vie, même si on essaie d’éviter cela… Comment on doit apprendre à ne pas compter sur les autres et à être responsable de nous-mêmes. Comment il faut parfois laisser partir des choses qui nous sont chères afin d’arriver à aller de l’avant… Comment un rêve ou un but qui ne sont pas conventionnels vont nous maintenir dans une vie très (trop) particulière… On ressent vraiment que les personnages ont peur du temps qui passe, l’un via son sport chronométré et l’échéance du championnat du monde dans lequel il s’est engagé, sa chérie par rapport à l’envie d’être mère et à son horloge biologique qui tourne inexorablement. Nous sommes clairement dans une exploration du passage à l’âge adulte, aussi bien pour Kao que pour Jay, bien qu’ils soient traités différemment. Avec son mélange « d’action », de comédie, de sport, de romance, d’humour pince sans rire et d’hommages (il y a des clins d’œil parodiques à Batman, Parasite, Ip Man ou encore Fast & Furious donc), Fast & Feel Love analyse avec succès de nombreuses thématiques au final universelles telles que le dévouement, la sagesse, le refus de vieillir ou encore la famille. Cette réussite est en partie due à un casting absolument parfait, aussi bien le duo Nat Kitcharit / Urassaya Sperbund qui incarnent Kao et Jay et qui font preuve d’une très grande justesse, que toute la galerie de rôles secondaires qui gravitent autour et qui sont tout aussi excellents. Malgré ses 2h10, le film ne s’essouffle que très rarement, grâce à un rythme qui ne laisse pas de place aux temps morts, une mise en scène qui va utiliser la parodie de manière intelligente, aussi bien dans l’image que dans la musique, un scénario aux rebondissements bienvenus, et surtout cette impression lorsqu’on ressort du film qu’on a passé un moment ludique, devant lequel on n’a certes jamais ri aux éclats, mais qui nous a mis le sourire tout du long. En fait je crois que j’ai bien aimé ce film. Oui, j’en suis sûr même.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le casting impeccable ♥ Des personnages travaillés ♥ La mise en scène ♥ Souvent surprenant |
⊗ L’humour qui peut laisser de marbre ⊗ S’éparpille parfois un peu |
Fast & Feel Love est certes un énième film sur le passage à l’âge adulte. Mais en prenant pour thématique le sport stacking et en se jouant des codes d’une multitude de genres cinématographiques, il en devient un divertissement des plus sympathiques et intéressants. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Le Sport Stacking ne peut être pratiqué qu’avec des gobelets spécialement conçus. La marque de gobelets officielle approuvée par la WSSA est Speed Stacks, concurrencée par la marque Flashcups, surtout utilisée en Allemagne, et Crazy Cups une marque moins onéreuse. Les gobelets sont percés et ont un rebord à l’intérieur, de manière à ce que l’air puisse passer pour qu’ils ne collent pas les uns aux autres. Pour réaliser la figure reine du sport, le Cycle Stack, il faut douze gobelets.
• Les partisans de ce sport affirment que les joueurs développent l’ambidextrie et leur coordination œil-main. Des recherches scientifiques ont confirmé ces affirmations.
Titre : Fast & Feel Love
Année : 2022
Durée : 2h12
Origine : Thaïlande
Genre : Oui monsieur, c’est un sport !
Réalisateur : Nawapol Thamrongrattanarit
Scénario : Nawapol Thamrongrattanarit
Acteurs : Nat Kitcharit, Urassaya Sperbund, Anusara Korsamphan, Kanokwan Butrachart, Wipawee Patnasiri, Keetapat Pongruea, Joohong Lee, Chanyoung Kim