« L’indien », bandit cruel et fou, s’est évadé de prison. Il se prépare à attaquer la banque d’El Paso, la mieux gardée de tout l’Ouest, avec une quinzaine d’autres malfaiteurs. Le » Manchot » et le Colonel Douglas Mortimer, deux chasseurs de primes concurrents, décident, après une confrontation tendue, de faire finalement équipe pour arrêter les bandits. Mais leurs motivations ne sont pas forcément les mêmes…
Avis de Cherycok :
En 1964, Sergio Leone, sous le pseudo Bob Robertson, réalise avec Pour une Poignée de dollars un quasi remake du Yojimbo (1961) d’Akira Kurosawa à la sauce western. Bien que le film ne prenne pas immédiatement auprès du public américain, c’est un succès en Europe et un nouveau film est mis en chantier avec un peu plus de budget pour l’année suivante. Une presque suite en quelques sortes dans le sens où le protagoniste principal est toujours ce pistolero solitaire sans nom campé par un Clint Eastwood dur à cuire, et qui va continuer de poser les bases du western spaghettis pour plusieurs années tant il a quelque part révolutionné le genre. Ce film, c’est Et Pour Quelques Dollars de Plus et ça va être un succès salué un peu partout à travers le monde, en partie grâce au célèbre triangle de personnages principaux que Sergio Leone affinera encore dans son film suivant Le Bon, La Brute et le Truand, mais aussi grâce à son final mémorable d’une puissance inouïe. Oui, Et Pour Quelques Dollars de Plus est une œuvre culte, supérieure à son ainé, et qui ne sera dépassé que par le dernier opus de la Trilogie du Dollar.
L’histoire met en scène deux chasseurs de primes. Le premier, nous le connaissons déjà, c’est l’homme sans nom, interprété par Clint Eastwood. Poncho, cigare au bec, l’œil aiguisé, plus habile que n’importe qui avec un pistolet. Il va rapidement faire face au Colonel Douglas Mortimer, interprété par l’excellent Lee Van Cleef, autre figure emblématique du western spaghetti, qui porte un beau costume noir avec son arme sur le devant. Un homme vieillissant, au regard d’acier, très intelligent et doté d’un véritable arsenal. Tous deux sont à la recherche du même homme, « L’Indien », joué par Gian Maria Volontè (qui jouait déjà un des méchants de Pour une Poignée de Dollars), fraichement échappé de prison et dont la tête a du coup été mise à prix. Après s’être jaugés l’un l’autre lors d’une longue démonstration de machisme où chacun a prouvé à l’autre ses capacités à l’arme à feu, ils décident d’unir leurs forces, non sans malgré tout se méfier l’un de l’autre, afin de tuer L’Indien et récupérer la prime. Ce trio est donc une des grandes forces du film. Alors que le personnage de Clint Eastwood est dans la continuité du premier film, débordant de charisme, magnifiquement interprété, ce sont pourtant les deux autres qui tirent leur épingle du jeu. Lee Van Cleef vole la vedette à Eastwood à chacune des scènes. Sa prestance, son regard reptilien, et ce secret douloureux qu’il semble cacher et qui l’anime en font un personnage mémorable. Même chose pour L’Indien, personnage perturbé, grandiloquent, imprévisible, capable de descendre ses propres hommes et de changer ses plans sur un coup de tête, fumant de la marijuana pour calmer les démons qui l’habitent. Son interprète Gian Maria Volontè est capable d’exprimer toutes les émotions juste avec ses yeux cramés par le soleil et fait preuve d’une grande justesse dans un rôle plus complexe et profond qu’il n’y parait. On comprend pourquoi le final emblématique oppose ces deux derniers et que l’homme sans nom se retrouve simplement dans le rôle du spectateur. Mais on y reviendra. Bref, le casting est fabuleux et fait qu’on est immédiatement happé dans l’histoire.
Et puis il y a cette mise en scène hypnotique de Sergio Leone. A sa sortie, certains se sont plaint de la lenteur du film, qu’il aurait pu être beaucoup plus court pour ce qu’il avait à raconter. Pourtant, c’est cette lenteur qui fait toute la puissance de certaines scènes. Leone sait comment jouer avec le public et comment prendre son temps pour faire monter la pression, avec par exemple ces longs plans sur les regards, ou sur les vastes paysages arides d’Almería au sud de l’Espagne. Chaque scène et chaque plan qui la composent sont millimétrés et participent à cette ambiance si particulière du film. Les cadrages ingénieux, les plans larges spectaculaires, la lumière, le style visuel du film est assez unique et est renforcé par cette musique fabuleuse d’Ennio Morricone. Seulement 17 minutes composées, mais jouées différemment en fonction du personnage ou de ce qui se passe à l’écran. Oui, Et Pour Quelques Dollars de Plus est assez lent, mais il y règne une atmosphère de tension et d’excitation tout le long du film qui va envouter et captiver le spectateur réceptif. On ne sent pas passer les 131 minutes du film. L’action y est tout simplement brillante. Certes, le passage où Clint Eastwood se bat à mains nues façon karaté fait un peu ringard, mais les gunfights sont secs, nerveux, sans artifices et vraiment mémorables. Des moments emblématiques, le film en comporte plein, le scénario étant riche en rebondissements cinématographiques. Citons par exemple ce moment extrêmement tendu dans un saloon, qui suit ce passage où Lee Van Cleef allume son allumette contre la bretelle de Klaus Kinski ; bien entendu ce duel où les chapeaux de Eastwood et Van Cleef vont être truffés de balles ; cette attaque de banque qui ne se passe pas comme prévu ; ou encore bien entendu ce duel final, tout aussi culte que le film, une impasse mexicaine détournée, bercée par la petite musique de cette montre à gousset qui reste en tête des années durant. Tout simplement épique.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le trio d’acteurs principaux ♥ Les personnages charismatiques ♥ L’ambiance envoutante ♥ Le visuel ♥ Le final |
⊗ Le traitement des personnages féminins |
Style visuel unique, bande son iconique, prestations exceptionnelles du casting, scènes marquantes, Et Pour Quelques Dollars de Plus est un western spaghetti mémorable mis en scène par un Sergio Leone très inspiré. Un must have ! |
LE SAVIEZ VOUS ?
• La ville d’El Paso, conçue par Carlo Simi à Almería, en Espagne, était le plus grand décor dont le scénariste et réalisateur Sergio Leone était responsable à l’époque. Elle a été réutilisée pour plusieurs scènes du film Le Bon, la brute, le truand (1966).
• Lee Van Cleef était très reconnaissant de son rôle dans ce film, car il avait connu des moments difficiles à cause de sa consommation excessive d’alcool. Ce film a en effet marqué le renouveau de sa carrière. Il enchainera sur de nombreux westerns par la suite comme Colorado (1967), La Mort Était au Rendez-vous (1967), Le Dernier Jour de la Colère (1967) ou encore Sabata (1969) et Le Grand Duel (1972).
• Le film a été entièrement tourné en muet et le son a été enregistré en post-production, y compris les dialogues, les effets sonores et la bande-son.
• Le salaire de Clint Eastwood est passé de 15 000 dollars pour Pour une poignée de dollars (1964) à 50 000 dollars pour ce film, et a atteint 250 000 dollars (plus 10 % des recettes) pour Le Bon, la brute, le truand (1966).
Titre : Et Pour Quelques Dollars de Plus / Per qualche dollaro in più
Année : 1965
Durée : 2h11
Origine : Italie
Genre : Culte
Réalisateur : Sergio Leone
Scénario : Sergio Leone, Fulvio Morsella, Luciano Vincenzoni
Acteurs : Clint Eastwood, Lee Van Cleef, Gian Maria Volontè, Mara Krupp, Luigi Pistilli, Klaus Kinski, Luis Rodriguez, Benito Stefanelli, Panos Papadopulos, Aldo Sambrell