Un jeune chinois naïf débarque de sa campagne pour travailler chez son oncle qui tient un restaurant, mais ses dons en arts martiaux et son admiration pour Bruce Lee vont lui valoir bien des ennuis …
Avis de Postscriptom :
Un film assez étrange pour une production indépendante réalisée par Sammo, peu après son premier film en tant que réalisateur, LE MOINE D’ACIER. Il s’agit donc ici d’une chronique sur la vie d’un plouc de la campagne venu aider son oncle qui tient une gargote située au fond d’une petite ruelle de Hong-Kong : ils se partagent avec leur concurrent un côté chacun de ladite ruelle, avec les tables rangées de chaque côté et les clients choisissent leur côté selon qu’ils vont chez l’un ou chez l’autre… Cette description n’est pas inutile car elle situe bien ce qu’est le film, un projet schizo (comme d’habitude avec Sammo) qui est en effet partagé (équitablement) entre la description de ces petites gens modestes, qui fait penser par moments aux films de Michael Hui (CHICKEN AND DUCK TALK surtout, un choix assez étonnant de la part de Sammo), et de l’autre ce qui a fait de lui une superstar mondiale, des affrontements avec des petites frappes, un gang qui embête son cousin, etc…
Cet aspect du film, qui retiendra en priorité l’attention des fans du ciné Hong Kong, et très réussi : Sammo est un fan de Bruce Lee et le montre à chaque combat. On a ainsi droit à un générique où on le voit arriver dans le port de Hong-Kong sur une petite barque (comme Lee au début d’OPERATION DRAGON / ENTER THE DRAGON), puis il s’imagine dans un générique à la Liu Chia-Liang (décor de studio peint en rouge) où il décime une armée de karatékas (dont Meng Hoi et Yuen Biao !), avant de revenir à la réalité : dans son rêve il a donné un coup de pied et coulé le bateau, le générique s’achève donc sur un plan fixe de Sammo en train de sauter à la flotte, symbolisant ainsi toute la différence entre Lee et lui… Il demeure que le film rend un hommage sincère à Bruce Lee que Sammo admire : on le voit par exemple dans une scène hilarante sur le tournage d’un faux Bruce Lee flanquer une raclée à la « vedette » hautaine et usurpatrice, puis à toute l’équipe du film dont il ne fait qu’une bouchée… Mais si Sammo rend hommage à Bruce, c’est tout de même à sa façon à lui, c’est-à-dire très ambigüe : à la fin il doit en effet affronter trois adversaires (dont Lee Hoi-San en costume disco, coiffures afro et teint en noir !) : après avoir battu les deux premiers « à la Bruce Lee », il se tourne alors vers celui qui reste, Leung Kar-Yan (qui vient de se mettre en garde à la façon des boxeurs chinois), et lui lance en substance : « ah oui, moi aussi, je connais ! « . Et Sammo change alors de technique, le combat se déroulant soudain à toute allure (les deux précédents semblent presque au ralenti à côté), donnant un raccourci fulgurant de ce que sont les véritables arts martiaux chinois (et leur complexité) face à la technique de Bruce Lee, parfaite mais limitée par ses mouvements trop peu nombreux.
Cette opinion disant que Lee savait très bien faire ce qu’il faisait, mais qu’il était loin de tout connaître est d’ailleurs généralement partagée par de nombreux spécialistes et pratiquants d’arts martiaux, notamment Liu Chia-Liang par exemple, que l’on peut citer ici : » Quand nous étions petits, nous nous connaissions très bien. Bruce Lee avait une passion pour le kung-fu. C’était sa vie. Sa contribution a été reconnue par nous autres qui pratiquons le kung-fu. Il l’a fait connaître dans le monde entier. Mais il lui manquait quelque chose, à savoir le « Wude » (la philosophie des arts martiaux) et le « Xiu Yang » (la maîtrise de soi). Il ne savait que se battre… Il frappait pour faire mal, pour le plaisir des coups. Il était trop occidentalisé. La courtoisie traditionnelle chinoise lui était étrangère. Quand on regarde ses films, on ne peut manquer de constater la violence et la force de ses coups. Pour nous, le principe est » Dian dao ji zhi » (littéralement : « s’arrêter dès qu’on touche l’adversaire, savoir se retenir et freiner l’élan de son geste au moment où le coup vient d’atteindre l’adversaire »). Quelqu’un n’est réellement fort en kung-fu que s’il est capable de faire cela. Bruce Lee était limité dans sa connaissance des arts martiaux : ses coups de pied et sa boxe, c’était tout ce qu’il savait. De ce fait, ses « zhaoshu » (gestes) étaient également fort limités. » (« Hong Kong Cinema », Editions de l’Etoile, 1984, p.29)
LES PLUS | LES MOINS |
♥ L’hommage à Bruce Lee ♥ L’humour ♥ Les combats |
⊗ Parfois un peu schizo |
Sammo ne peut bien sûr pas l’ignorer, et ce (gentil) coup de griffe contre son idole rend ce « petit » film d’autant plus intéressant… |
Titre : Enter the Fat Dragon / 肥龍過江
Année : 1978
Durée : 1h32
Origine : Hong Kong
Genre : Kung Fu Pian / Comédie
Réalisateur : Sammo Hung
Scénario : Ni Kuang
Acteurs : Sammo Hung, Lee Hye-Sook, Ankie Lau, Luk Chu-Sek, Peter Yang Kwan, Meg Lam, Roy Chiao, Leung Kar-Yan, Lee Hoi-San, David Nick, Fung Hak-On