[Film] Diner à l’Anglaise, de Matt Winn (2024)


Sarah et son mari architecte Tom ont des gros problèmes d’argent et sont obligés de vendre leur belle maison londonienne. Ils y invitent à dîner pour la dernière fois leur ami avocat Richard et sa femme, vertueuse et féministe, Beth. Une autre « amie », Jessica Devi, sulfureuse auteure à scandale, s’impose comme cinquième convive, et la soirée va prendre un tour des plus inattendus.


Avis de Cherycok :
Prix spécial du Jury et Prix du Public au Festival de Dinard 2023, Diner à l’Anglaise fait partie de cette catégorie de films dans lesquels il vaut mieux se lancer sans avoir vu de bande annonce ou avoir lu de synopsis un peu trop bavard. Jouant la carte du quasi huis clos qui aurait croisé un vaudeville, un peu à la manière d’une pièce de théâtre, le film trouve sa force dans un rebondissement arrivant dans le premier acte et surtout dans les évènements qui vont en découler. Car il s’agit ici d’une comédie noire, comme les anglais en ont le secret, à l’humour incisif tranchant, parfois inconfortable, qui, bien qu’ayant un petit ventre mou, propose un divertissement sincèrement fendard qui plaira aux amateurs « d’inglisheries » façon Joyeuses Funérailles, Cadavres à la Pelle ou encore Secrets de Famille. Et bien qu’il ne sorte qu’en DVD chez nous chez Blaq Out, il ne faut pas hésiter à tenter l’expérience.

Les premières minutes du film nous présentent Jessica, une femme que les hôtes préfèrent ne pas recevoir pour le dernier diner dans leur maison avant qu’elle ne soit vendue mais qui s’est incrustée avec un autre couple d’amis. Beaucoup de jurons et de flirts lors d’un diner de la classe moyenne dans une banlieue de Londres qui nous fait penser qu’on sera dans une classique histoire de diner entre amis où des révélations vont casser la bonne ambiance un peu à la manière du film italien remaké plus de 30 fois, Perfetti Sconosciuti (2016), adapté chez nous sous le titre Le Jeu (2018) par Fred Cavayé. Sauf qu’ici, un gros rebondissement surgit de nulle part et le film va prendre une toute autre tournure, laissant le champ libre à l’humour (très) noir typiquement british pour s’exprimer de la plus belle des manières. A partir de ce moment-là, les personnages principaux devront faire face à une situation désespérée qui n’aura pas beaucoup de manière d’être résolue, tout en posant au spectateurs les questions « Sommes-nous prêts à tout pour protéger nos proches ? » et « Jusqu’où pourrions-nous aller pour protéger notre mode de vie ? ». Diner à l’Anglaise joue également la carte de la satire, une satire de cette petite bourgeoisie anglaise dans laquelle le réalisateur Matt Winn, également co-scénariste, va prendre un malin plaisir à mettre chacun de ses personnages au pied du mur pour voir jusqu’où ils iront, révélant les vulnérabilités de chacun et les vérités cachées grâce à un scénario certes parfois un peu cliché dans ce que cachent les personnages, mais malgré tout suffisamment malin pour ne pas tomber dans le classicisme et le déjà-vu. La mécanique d’amener régulièrement un nouveau personnage temporaire (une voisine fouineuse, des policiers maladroits, …) un peu à la manière d’un vaudeville permet de maintenir l’intérêt, aussi bien dans la tension de certaines situations que dans les rires qui arrivent parfois quand on s’y attend le moins.

Egoïsme, mensonges, rebondissements, révélations, tout sera prétexte à mettre les personnages dans des situations inconfortables pour le plus grand plaisir du spectateur, et Matt Winn arrive à maintenir presque tout le long cet enchainement de dialogues bien écrits, de gags décalés parfois presque slapstick et de tension compte tenue de la situation dans laquelle se trouvent les personnages. « Presque », car malgré sa courte durée de 1h30, il y a peut-être 10 minutes à la fin du deuxième acte pendant lesquelles Diner à l’Anglaise se montre un peu plus laborieux dans son rythme, 10 minutes pendant lesquelles le film ne semble plus trop s’il doit être une comédie noire décalée ou quelque chose de plus dramatique. Mais malgré cela, le spectacle est des plus délicieux et cette réussite, outre la bonne écriture et la mise en scène plutôt solide de Matt Winn, on la doit clairement au talent des personnages. Le quatuor formé par Alan Tudyk (Tucker and Dale vs Evil), Shirley Henderson (la saga Harry Potter), Rufus Sewell (Dark City) et Olivia Williams (Sixième Sens) est assez savoureux, bien que Tudyk semble parfois un peu en retrait (peut-être volontairement pour coller à son personnage), et les crises d’hystérie de chacun ont quelque chose d’assez jouissif, tous semblant s’amuser comme des petits fous à incarner ces personnages acculés par la problématique qu’ils ont finalement généré eux-mêmes, obligés d’entreprendre des actions ridiculement invraisemblables, parfois à la limite du burlesque. La réalisation sait appuyer l’humour quand il le faut, à grand renfort d’une bande son complètement décalée afin de justement souligner le côté parfois improbable de certaines situations. Alors oui, c’est certains, les britanniques ont déjà pondus des comédies noires bien plus cultes, mais Diner à l’Anglaise fait du bien par où il passe.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un très bon casting
♥ Bien écrit
♥ L’humour noir
♥ Bien rythmé
⊗ Un petit ventre mou
⊗ Un final peut-être pas assez explosif
Diner à l’Anglaise est une comédie noire qui tient autant en haleine qu’elle fait rire, un savoureux mélange au ton enlevé dont les britanniques ont le secret, le genre de divertissement parfait pour une petite soirée détente.


DINER A L’ANGLAISE est sorti le 3 décembre 2024 chez Blaq Out en DVD, au prix de 19.99€. Il est disponible à l’achat dans toutes les bonnes crèmeries.

Le film est proposé en 16/9 anamorphique, en anglais sous titré français, stéréo ou 5.1, sans bonus vidéo.



Titre : Diner à l’Anglaise / The Trouble With Jessica
Année : 2024
Durée : 1h29
Origine : Angleterre
Genre : Il a l’air bon le clafouti
Réalisateur : Matt Winn
Scénario : James Handel, Matt Winn

Acteurs : Alan Tudyk, Shirley Henderson, Rufus Sewell, Olivia Williams, Indira Varma, Anne Reid, David Schall, Jonathan Livingstone, Kwaku Mills, Amber Rose Revah

The Trouble with Jessica (2023) on IMDb


0 0 votes
Article Rating

Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires