Un homme est poursuivi par une danseuse décédée. Un tueur à gages en poursuit un autre. La police traque un malfrat qui se réfugie sur le toit d’une maison et prend en otage une jeune fille qui s’apprêtait à se suicider. Tous trouvent la mort dans la même impasse ( » dead end « ).
Avis de Ryô Saeba :
Dead End Run que l’on pourrait traduire comme » la course vers l’impasse » est un regroupement de 3 courts métrages étant plus ou moins liés entre eux. Après ses débuts et sa période Punk ainsi qu’un Crazy Family survolté, Sogo Ishii est passé vers quelque chose de plus calme avec des films comme Angel Dust, Le Labyrinthe des rêves ou encore August in the Water. Mais en 2001, Takenori Sento (producteur de Gojoe) demande à Ishii de réaliser un film punk. Sogo Ishii s’exécute donc avec Electric Dragon 80,000 V, une expérience sonore et visuelle fantastique qui marque une sorte de retour aux sources à l’esprit punk de ses débuts. Dead End Run est également de la même veine : montage à la limite de l’épilepsie, bande son de furieux composée par son groupe Mach 1.67 dont fait partie également Hiroyuki Onagawa et une vision toujours expérimentale de la réalisation.
Les 3 courts métrages suivent la même structure narrative : ils débutent tous sur un écran noir agrémenté de divers sons de coups de feu et de bagarre avant de voir un homme traqué, fuir le long d’une voie ferrée pour finalement se retrouver dans une impasse. » Last Song « , le premier sketch, raconte l’histoire d’un homme se retrouvant dans une impasse et qui est prêt à tout pour survivre dans une nuit noire éclairée par la seule lumière de la pleine lune. Il va donc s’armer d’une barre en métal et frapper son poursuivant de plein fouet par surprise. Mais il se trouve que cette personne n’est en fait qu’une jeune fille saoule arrivée là par hasard qui meurt sur le coup, la nuque brisée. Elle va alors se réveiller d’un seul coup puis commencer à chanter et danser comme dans une comédie musicale. Sogo Ishii filme ça à la manière d’une valse, tournoyant avec légèreté, utilisant le son de craquements d’os à chaque torsion du corps de la jeune fille. On comprend tout de suite qu’il faut oublier tout type de vision traditionnelle et rentrer dans une vision plus sensorielle du film, chose omniprésente dans toute l’œuvre du réalisateur qui est avant tout un cinéma expérimental fait de sensations autant visuelles que sonores.
Vient ensuite » Shadows « , le second sketche du film avec l’acteur Masatoshi Nagase que l’on a pu voir en Thunderbolt Buddha dans Electric Dragon qui commence exactement de la même manière que le précédent, avec un personnage qui court à toute vitesse sur une musique puissante, ce qui n’est pas sans rappeler Shuffle, le court métrage inspiré d’une nouvelle de Otomo réalisé en 1981. L’action se déroule toujours en pleine nuit où Sogo Ishii ne manque d’ailleurs pas encore une fois de filmer la pleine lune à plusieurs reprises, ce qui est un élément récurrent de ses films que ce soit dans Angel Dust ou dans August in the water dans lesquels la pleine lune est synonyme de fantastique. Le personnage de Masatoshi Nagase va donc se retrouver dans la même impasse et se mettre à délirer en apercevant son double en train de le braquer avec un flingue. Il faut bien le dire, ce 2e court métrage est vraiment de très loin le plus faible à tout niveau. Durant 20 minutes, les 2 personnages vont se braquer pendant que Sogo Ishii fait des zooms, teste des cadrages, filme de tous les endroits et positions possibles pour un résultat vraiment plus qu’ennuyant. L’inspiration n’est donc pas au rendez-vous et seule l’arrivée du dernier sketche met fin à cette épreuve.
Le dernier segment intitulé » Fly » met toujours en scène un homme traqué joué par Tadanobu Asano qui fuit et se retrouve dans une impasse. Seulement à la différence des deux courts précédents, celui ci se déroule en plein jour et sur le toit qui se trouve être celui d’un des immeubles de l’impasse, de plus cette fois il n’est pas pourchassé par un seul homme mais par 3 policiers. Ce 3e court métrage est nettement le plus réussi de tous et est également le seul qui contient une mini histoire. Tadanobu Asano prend une femme en otage et après de nombreux rebondissements, il se retrouve tous deux à être obligés de sauter dans le vide. Sogo Ishii réutilise alors sa fascination pour l’univers afin de nous gratifier d’une scène dans laquelle, durant la chute des deux personnages, ils vont se retrouver réunis dans une sorte de trou noir formé dans l’univers avant de retomber finalement dans le monde réel avec un plan de toute beauté qui termine le sketch et le film admirablement.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Certains plans superbes ♥ Mise en scène qui scotche ♥ L’importance du son |
⊗ Qualité inégale d’un court à l’autre ⊗ Parfois épuisant |
Il est difficile de donner un avis sur le film dans sa globalité car c’est assez inégal et finalement les 3 courts métrages ont très peu de points communs entre eux, outre le fait que tous les personnages se retrouvent tous dans une impasse qui va les faire basculer dans un équivalent de la 4e dimension. On retiendra surtout » Fly » qui est vraiment magnifique et on essayera au contraire d’oublier le pitoyable » Shadows « . |
Titre : Dead End Run
Année : 2003
Durée : 1h00
Origine : Japon
Genre : Fantastique expérimental
Réalisateur : Sogo Ishii
Scénario : Sogo Ishii
Acteurs : Tadanobu Asano, Masatoshi Nagase, Yusuke Iseya, Urara Awata, Jun Kunimura, Ken Mitsuishi, Yoji Tanaka, Mikako Ichikawa