
Allemagne, 1990. Avec la chute du Mur de Berlin, les Allemands de l’Est peuvent enfin se mêler à ceux de l’ouest. Mais cette intégration n’est pas du goût de tout le monde, certains y voient une invasion. Comme cette famille de bouchers de la RFA prise d’une frénésie meurtrière !
Avis de John Roch :
Décédé en 2010, Christoph Schlingensief était considéré de son vivant comme l’enfant terrible du paysage culturel Allemand. Homme de cinéma et de théâtre, artiste provocateur et contesté, Christoph Schlingensief a suscité la controverse avec sa trilogie sur l’Allemagne composée de 100 Jahre Adolf Hitler – Die letzte Stunde im Führerbunker, Das Deutsche Kettensägenmassaker et Terror 2000 – Intensivstation Deutschland. Le second, également connu sous les nom Blackest Heart, The German Chainsaw Massacre, ou tout simplement Massacre Allemand à La Tronçonneuse, n’est pas à proprement parler un remake du classique de Tobe Hooper mais plutôt une relecture au double objectif. Avec ce film, Christoph Schlingensief livre non seulement sa vision de la réunification des deux Allemagne, mais aussi une version d’un film qui n’avait à cette époque pas fini (et qui sera loin de l’être par la suite) d’avoir des démêlés avec la censure allemande. D’abord interdit, puis autorisé dans un montage de 68 minutes, puis purement et simplement banni du pays (deux ans de taule si la polizei tombait sur une copie du film dans votre collection), Massacre à La Tronçonneuse aura mis presque 40 ans avant de pouvoir être vu en Allemagne dans sa version intégrale. Pour ceux que ça intéresse, il y a dans une édition collector Allemande (la première qui proposait le montage uncut) un passionnant livret qui revient, documents officiels à l’appui, sur le sujet. On peut y voir une forme de provocation, puisque Das Deutsche Kettensägenmassaker est une version Allemande d’un film que la censure du pays a pris en grippe et banni de son territoire, mais tout comme Tobe Hooper avec Massacre à La Tronçonneuse, Christoph Schlingensief utilise son film et le contexte de son époque pour délivrer une charge politique et sociale.
La chute du mur de Berlin est un événement historique majeur, marquant la fin de la guerre froide et la réunification des deux Allemagnes. On retiendra d’un point de vue humain des images fortes d’un peuple qui se retrouve après 40 ans de séparation, mais l’intégration de L’Allemagne de l’Est à celle de l’Ouest ne s’est pas faite sans dommages. C’est de cela que nous parle Christoph Schlingensief avec Das Deutsche Kettensägenmassaker, qui est une allégorie de la fracture économique et sociale qui a touché un pays à peine réunifié. L’imposition du Deutsche Mark qui a provoqué l’effondrement de l’économie de l’Est, le chômage de masse qui a poussé les résidents à migrer vers l’ouest, la culture, les médias et l’éducation de la RDA qui a remplacé celle de la RFA qui a donné le sentiment que la réunification était une forme absorption pour un peuple qui s’est considéré comme de seconde zone, lui même jugé par celui de l’ouest comme arriéré et assisté suite à l’apparition d’une taxe de solidarité… la famille de cannibales dégénérés vivant à la frontière entre la RDA et la RFA qui transforme en wurst ceux qui voyagent d’ Est en Ouest est l’incarnation même de cette fracture encore persistante de nos jours. Loin d’ être une relecture bête et méchante de Massacre à La Tronçonneuse, Das Deutsche Kettensägenmassaker est une œuvre surprenante de par son fond. Mais qu’en est-il de la forme?
Das Deutsche Kettensägenmassaker est un film du genre taré, qui ne lésine pas sur un gore bricolé pas vraiment crédible mais bien présent, l’humour et des personnages bien barrés. Par exemple les agents au chômage en poste à un checkpoint qui s’improvisent musiciens, ce mec que l’on pense mort plus d’une fois mais qui ne meurt jamais, ou Udo Kier (ami de Christoph Schlingensief) qui vient faire coucou pour se cramer les cheveux. C’est drôle, gore, thématiquement chargé mais aussi hystérique, peut être un peu trop. Dans Das Deutsche Kettensägenmassaker, ça gueule non stop pendant 1h03, 63 minutes remplies d’acteurs déchaînés qui ferait passer la scène du repas de Massacre à La Tronçonneuse pour un moment zen. Ça pourra en énerver plus d’un, c’est un peu fatigant sur la longueur mais en l’état ça rajoute de la frénésie à un film qui n’en manque pas, celui-ci bénéficiant d’un rythme de folie, aussi bien de par son scénario que par ses images. La mise en scène est parfois expérimentale, parfois visiblement tourné à l’arrache, mais aussi d’un sacré dynamisme dès lors que les tronçonneuses sont de sortie. Contre toute attente, Das Deutsche Kettensägenmassaker est une très bonne surprise. Complètement barré, gore, drôle et thématiquement chargé, ce film est loin d’être une relecture bête et méchante du classique de Tobe Hooper, il fonctionne comme une entité propre et impose son identité.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Un métrage qui est plus qu’une relecture bête et méchante de Massacre à La Tronçonneuse ♥ Du gore… ♥ De l’humour ♥ Thématiquement intéressant ♥ Des personnages frappés ♥ Un film barré du début à la fin ♥ C’est court |
⊗ L’hystérie ambiante qui peut rebuter ⊗ …bricolé et jamais crédible |
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Cette version allemande de Massacre à La Tronçonneuse est une très bonne surprise. Complètement barré, gore, drôle et thématiquement chargé, ce film est loin d’être une relecture bête et méchante du classique de Tobe Hooper, il fonctionne comme une entité propre et impose son identité. |
Titre : Das Deutsche Kettensägenmassaker / Blackest Heart
Année : 1990
Durée : 1h03
Origine : Allemagne
Genre : Massacre Allemand à La Tronçonneuse
Réalisateur : Christoph Schlingensief
Scénario : Christoph Schlingensief
Acteurs : Karina Fallenstein, Susanne Bredehöft, Artur Albrecht, Volker Spengler, Alfred Edel, Brigitte Kausch, Dietrich Kuhlbrodt, Reinald Schnell, Udo Kier, Irm Hermann