Paul Marsh et sa compagne Barbara fêtent la réussite de leur entreprise à bord du voilier de l’un de leurs amis, Howard, accompagné de sa femme Vicki. Surpris par une tempête, leur voilier s’échoue sur des rochers et Vicki est blessée. Paul et Barbara décident d’aller chercher du secours et prennent le canot de sauvetage pour se rendre dans un petit village de pêcheurs de la côte. Mais à leur arrivée, il découvre un village désert. Dans une église, il rencontre un prêtre qui va accepter de les aider. Tandis que Paul embarque avec des pêcheurs pour aller sauver Howard et Vicki, Barbara se rend à l’hôtel d’Imboca. Lorsque Paul arrive sur le voilier, ses amis ont disparu et, à son retour à Imboca, découvre que Barbara a elle aussi disparu. Les étranges habitants d’Imboca se révèlent hostiles et Paul doit fuir.
Avis de Rick :
C’est officiel, en cette fin de mois de Mars 2020, Stuart Gordon vient de nous quitter. La nouvelle vient de m’être reporté par Oli, mon coeur a fait un bond, et l’envie de me replonger dans son oeuvre est immense, car si monsieur Gordon a souvent eu des moyens limités, sa filmographie est loin d’être honteuse. Pour quelqu’un ayant aussi souvent oeuvré dans le cinéma de genre, et surtout dans l’adaptation de H.P. Lovecraft (avec parfois de grandes libertés certes), on peut même dire que sa filmographie est géniale. RE-Animator, From Beyond, Dolls, Fortress, Dagon, Castle Freak font parti des plus connus. Et du coup, en fouillant mes archives, j’ai voulu vous parler avec une très vieille chronique (soyez donc indulgents) de son film que je préfère, adaptant en plus ma nouvelle préférée de Lovecraft, je veux parler de Dagon, qui adapte Le Cauchemar d’Innsmouth. À sa sortie en 2001, c’était le grand retour de Gordon d’ailleurs, même si sortie par la case DTV. Sa dernière adaptation de Lovecraft datait de 1995 avec Castle Freak (qui réunissait Jeffrey Combs et Barbara Crampton pour la troisième fois après Re-Animator et From Beyond), et sa dernière collaboration avec Brian Yuzna datait d’il y a encore plus longtemps. Yuzna, alors en Espagne où il a créé la société Fantastic Factory, propose à Gordon de réaliser Dagon, projet qui leur tient à coeur depuis des années. Ecrit par Dennis Paoli en 1985 pour Yuzna, c’est finalement Gordon qui se retrouve à la mise en scène, et qui signe là par la même occasion son meilleur film et une des meilleures adaptations de Lovecraft. Au casting, que de nouveaux acteurs dans l’univers de Gordon, avec dans le rôle titre Ezra Godden, parfait dans son rôle de peureux féru d’informatique, bien qu’il puisse rapidement énerver en version française, et que l’on retrouvera quelques années après dans Le cauchemar de la sorcière pour la saison 1 de la série Masters of horror. Au début du métrage, on a peur. Peur du spectacle qui s’annonce. Paul fait un cauchemar dans lequel il fait de la plongée, et se retrouve face à une femme nue, une sirène plus exactement, qui finira par lui dévoiler des dents acérées. Dagon montre d’office son plus grand défaut, à savoir la qualité de ces effets numériques. Bien souvent, on aura droit à quelques tentacules numériques du plus mauvais effet, qui nous font regretter quelques instants le fait que le cinéma montre plus de choses qu’un roman, puisque Lovecraft ne décrivait pas ses créatures, utilisant à maintes reprises le terme « indescriptible ».
Lors de ces premières 45 minutes, Dagon se révèle être une retranscription fidèle de la nouvelle Le cauchemar d’Innsmouth, avec une belle touche de modernité en plus. Choix intéressant, déjà puisque la nouvelle de base est des plus passionnantes et reste une des meilleures nouvelles de son auteur, et ensuite parce que les différents éléments de modernité s’intègrent à merveille au récit. Ordinateurs portables, style vestimentaire, Gordon modernise Lovecraft, mais sans oublier d’y mettre pas mal de clins d’oeil. Paul se retrouve avec un pull de l’université de Miskatonic, on reconnaitra des incantations issues d’autres nouvelles. Bref, le connaisseur est en terrain connu, et comme dit plus haut, les 45 premières minutes suivent fidèlement la nouvelle, bien que les personnages soient différents. En partant chercher de l’aide dans la ville, déserte, Paul et Barbara doivent se séparer. Barbara disparaît, et Paul se rend à l’hôtel pour l’attendre. Il sera réveillé au cours de la nuit par le son étrange que produisent les habitants, et, comme dans la nouvelle, le métrage se change en course poursuite, Paul allant chercher à fuir les habitants lancés à sa poursuite. La caméra est nerveuse, Gordon filmant la plupart du temps caméra à l’épaule, le tout va vite, on ressent le stress avec le personnage, d’autant plus que les rues du village et l’aspect général est assez étrange, tout comme les habitants qui le peuplent. Un effort incroyable a été fait au niveau de l’aspect visuel général, et le fait que tout le film se déroule sous la pluie ne fait qu’amplifier cet aspect. C’est lors de sa rencontre avec un vieillard alcoolique, Ezequiel, rencontre déjà présente dans la nouvelle, que le film va petit à petit se détacher de celle-ci, pour le meilleur et pour le pire. Mais surtout pour le meilleur, Dagon étant un excellent métrage.
Ezequiel va alors raconter à Paul le passé du village, comment les choses sont devenues comme elles le sont maintenant. Pour le fan de Lovecraft, aucun doute, on est aux anges, tant l’ensemble respecte l’univers sans trop en faire. Gordon veut y croire, s’applique, la composition musicale de Carles Cases est souvent énorme (oui, j’écoute l’ost en ce moment en écrivant ces lignes), les maquillages sont convaincants et l’ambiance est plutôt sombre et tendue, la pluie constante rendant même les effets spéciaux ultra convaincants puisque parvenant à cacher les quelques défauts. En tout cas, niveau maquillage, c’est top. Cependant, passé la première heure, l’aspect course poursuite s’arrête, et le récit continue, contrairement à la nouvelle où le personnage parvenait à quitter la ville. Ici, Paul reste, et de nouveaux personnages font leur apparition, comme celui de Uxia, apportant finalement au récit une finalité différente de la nouvelle, tout en restant très proche et dans le même ton. Gordon et son équipe (Paoli au scénario et Yuzna à la production donc) se réapproprient la nouvelle, l’étendent, et fidèles à eux-même, en profitent d’ailleurs pour glisser une scène méchamment gore dans le métrage (ce qui, vu la scène, et son côté réaliste, me fait toujours rire avec mon DVD Studio Canal indiquant « tout public »). Mais lors du final, pourtant grandiose, les ajouts sont alors plus de l’ordre des CGI, avec une représentation visuelle de Dagon, pas très convaincante, voir même agressant la rétine, malgré son côté éclair. Mais ce serait bouder son plaisir pour rien, car si Dagon ne fait pas peur, il parvient à retranscrire de manière fidèle les écrits de Lovecraft et d’en être une des meilleures adaptations aux côtés de Call of Cthulhu. Une grande réussite que l’on n’attendait pas.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Fidèle à la nouvelle ♥ Prenant ♥ Personnages travaillés ♥ La musique de Carles Cases ♥ Une ambiance sombre et tendue |
⊗ Dagon en lui même ⊗ Quelques effets numériques ratés |
Un des meilleurs films de Gordon, une adaptation fidèle lors de sa première heure, plus libre et sanglante lors de son final, mais vraiment réussie, malgré des effets numériques quelque peu ratés. |
Année : 2001
Durée : 1h30
Origine : Espagne
Genre : Fantastique
Réalisation : Stuart Gordon
Scénario : Dennis Paoli
Avec : Ezra Godden, Francisco Rabal, Raquel Merono, Macarena Gomez et Brendan Price
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