[Film] Customs Frontline, de Herman Yau (2024)

Une brigade de la police maritime de Hong Kong découvre au large des côtes un cargo abandonné qui transportait des missiles mais peu de temps après, l’entrepôt où la brigade entreposait les missiles est attaqué par un commando qui récupère la cargaison. C’est le début d’une enquête à travers plusieurs pays pour remonter ce réseau de trafiquants d’armes.

Avis de Nasserjones :
Plus qu’ailleurs, le cinéma de Hong Kong a toujours été avant tout un cinéma d’exploitation. Depuis les années 60 à la grande époque de la Shaw Brothers jusqu’à aujourd’hui, à chaque fois qu’un film HK a eu du succès, on a toujours vu fleurir des paquets de films copiant le film en question et surfant sur la tendance jusqu’à saturer le public et user complètement le filon. Ce qui devait donc inévitablement arriver pour Herman Yau est arrivé : il a fini par user jusqu’à la moelle le filon du film d’action contemporain ultra bourrin et américanisé dans lequel il s’est engouffré dès 2017 avec le premier Shock Wave suite au succès du Operation Mekong de Dante Lam. Oui, c’était inévitable après, Shock Wave 1 et 2, The White Storm 2 et 3, Raid on the the Lethal Zone, Moscow Mission et maintenant ce Customs Frontline, tous réalisés dans le même moule, il fallait bien que le public se lasse et résultat le dernier actionner de Herman a été un échec cuisant au box-office.

Est-ce que ça en fait un mauvais film alors ? Pas du tout, j’aurais même tendance à trouver ce film légèrement supérieur aux 6 autres films cités. Par rapport à Moscow Mission et The White Storm 3 qui étaient des vrais désastres niveau écriture, ici Herman Yau a fait un petit effort au niveau de son intrigue et de la caractérisation de ses personnages et a eu la très bonne idée de rappeler à la rescousse sa fidèle scénariste Erica Li qui le suit depuis 2009. Les personnages sont donc un peu mieux écrits, notamment celui de Jacky Cheung qui joue un officier de police atteint de bipolarité, devant lutter contre de violentes crises de nerf lorsqu’il est sous pression et souffrant d’un certain complexe vis-à-vis de sa petite amie plus brillante que lui, ce qui permet à l’acteur de livrer la prestation la plus convaincante du film. Le personnage de Nicholas Tse est bien plus lisse mais là aussi un petit effort a été fait, c’est un gars solitaire qui a du mal à se faire des amis et à communiquer avec les autres y compris sa petite amie. L’intrigue tient aussi un peu plus la route que d’habitude avec une enquête pas trop mal fichue et une histoire de traitre au sein de la police dont l’identité n’est pas si évidente que ça à deviner. C’est aussi l’occasion de voir le travail de Nicholas Tse dans son premier film en tant que chorégraphe des scènes d’action où il s’en sort honorablement. Bien sûr, le film met beaucoup plus l’accent sur les gunfights et multiples explosions, mais il a quand même l’occasion lors d’un combat à mains nues à 1 contre 6 de montrer qu’il a bien appris ses leçons (en plus de 20 ans de carrière, il a quand même bossé avec Jackie Chan, Sammo Hung, Donnie Yen et Nicky li). Il devait d’ailleurs réaliser et chorégraphier New Police Story 2 mais il semble que, suite à l’échec commercial du dernier Jackie Chan et aux bides de Customs Frontline et de quelques autres blockbusters HK, le projet a été tout bonnement annulé. Nul doute qu’on le reverra plus tard chorégraphier ou réaliser autre chose. Sinon, comme à son habitude Herman Yau délivre un spectacle tout à fait satisfaisant niveau action avec beaucoup de gunfights énergiques, des explosions, des hélicoptères, une poursuite en voiture, quelques cascades à l’ancienne et pour couronner le tout la destruction du port de Hong Kong.

Alors Herman Yau, malgré tous ces efforts, ne fait pas non plus de miracles et on retrouve aussi la plupart des défauts déjà présents sur tous ses autres actionners. Il y a toujours cette photographie numérique assez moche que Feroner soulignait dans un de ses commentaires, comme si les films étaient plus pensés pour les chaines de streaming que pour le cinéma, des CGI pas toujours géniaux et ce côté film d’action à l’américaine un peu fade où le vrai style de Hong Kong tel qu’on l’aime ne resurgit que sporadiquement sous formes de quelques chutes douloureuses ou de quelques idées un peu folles. Même si j’ai beaucoup aimé Customs Frontline et que je reste un fervent défenseur d’Herman Yau, je comprends objectivement pourquoi le film n’a pas marché. Effectivement, Customs Frontline est sans doute le film de trop dans ce genre et effectivement il est sans doute temps pour Herman Yau de tourner la page et de passer à autre chose. Je dirais même qu’il est temps pour toute l’industrie du cinéma de Hong Kong de passer à autre chose et de tourner plusieurs pages même. D’autres tendances du cinéma HK de ces dernières années comme les histoires de flics undercovers à la Infernal Affairs ou les histoires de voyous de la finance à la S-Storm me semblent plus que dépassées. De plus, confrontés aujourd’hui à la concurrence sauvage du DTV chinois, guettant la moindre idée venue de Hong Kong afin de la recycler dans des produits low cost jetables, il va falloir une fois de plus que les réalisateurs de Hong Kong redoublent d’imagination et de créativité afin de se renouveler.

Titre : Customs Frontline / 海關戰線
Année : 2024
Durée : 1h57
Origine : Hong Kong
Genre : Action
Réalisateur : Herman Yau
Scénario : Erica Li, Eric Lee

Acteurs : Nicholas Tse, Jacky Cheung, Karena Lam, Cya Liu Yasee, Michelle Yim, Kenny Kwan, Ben Yuen, Carlos Chan, Michelle Wai, Melvin Wong, Sek Sau, Amanda Strang