Cohen, tueur professionnel, vieux et taciturne a toujours travaillé seul. Pour la première fois, il fait équipe avec Tate, un jeune psychopathe, sanguinaire et violent. Leur mission paraît simple : kidnapper Travis, 9 ans, témoin d’un meurtre, caché avec ses parents dans une ferme sous la protection du FBI et le ramener à la Mafia.
Avis de Cherycok :
Je suis presque sûr que vous qui lisez ces lignes, vous n’aviez jamais entendu parler de Cohen and Tate. Et moi non plus d’ailleurs jusqu’à ce que je tombe dessus complètement au hasard, en regardant la filmographie d’un des acteurs. Première réalisation de Eric Red, scénariste de Hitcher, Aux Frontières de l’Aube ou encore Blue Steel, qui adapte la nouvelle The Ransom of Red Chief de O. Henry, Cohen and Tate est un énorme fiasco à sa sortie au point qu’il tombe très rapidement dans les tréfonds obscurs du cinéma. Pourtant, avec son parti pris intéressant, à savoir celui de s’intéresser, un peu à la manière de The Hit (1984) de Stephen Frears, aux méchants kidnappeurs plutôt qu’aux gentils policiers qui sont à leur poursuite, Cohen and Tate a bien des atouts. Mais on peut malgré tout clairement comprendre qu’il ait déstabilisé une bonne partie des quelques spectateurs qui avaient fait le déplacement.
Thriller sous forme de road movie en quasi huis clos dans une voiture, tout le film va se baser sur l’idée que les deux tueurs / kidnappeurs ne s’apprécient pas à cause de tempérament et de méthodes très différentes, et d’un gamin de 9 ans (qu’ils ont kidnappé donc) va sans cesse venir mettre de l’huilde sur le feu, comprenant très rapidement que sa meilleure chance de survie est d’être sournois et de les monter l’un contre l’autre. Roy Scheider (Les Dents de la Mer, French Connection) incarne le vieux tueur, monolithique, arborant un sonotone, réfléchi, qui semble avoir un lourd passé. En face de lui, Adam Baldwin (Full Metal Jacket, Independance Day), joue un jeune loup beaucoup trop sanguin, violent et psychotique, qui pète un plomb dès qu’il en a l’occasion. Scheider est impeccable du début à la fin mais Baldwin souffle le chaud et le froid, capable d’être très bon lorsqu’il passe en mode bourrin, mais tombant parfois dans la caricature. Le jeune Harley Cross (La Mouche 2, Traquée) s’en sort une fois sur deux, capable d’être tantôt très crédible, tantôt juste à côté de la plaque, alors que son rôle est assez central dans le scénario. Les personnages sont intéressants au point qu’on arrive à avoir de l’empathie pour celui de Scheider malgré son métier de tueur à gage. Ces personnages sont clairement le moteur du film, particulièrement Cohen et Tate. Leurs natures et leurs conflits font que le film vaut la peine d’être vu. Au fur et à mesure que la tension entre les deux monte, on sent la haine des deux personnages l’un pour l’autre et, lorsque le film atteint son apogée lors du final, on ne se soucie pas de savoir qui sera tué, mais on veut que au moins un des deux soit tué.
Nous sommes ici dans de la série B pur jus, au tout petit budget, à l’ambiance très tendue. Passée le déchainement de violence de l’introduction, le rythme va être lent jusqu’au deuxième déchainement de violence final. Le scénario est assez jusqu’auboutiste, n’hésitant pas à franchir certaines barrières que le cinéma hollywoodien n’a pas l’habitude d’approcher, n’hésitant pas à braquer à plusieurs reprises une arme à bout portant sur l’enfant de 9 ans, et même à le frapper, au point qu’on craint vraiment pour sa vie. Même la violence frontale et brutale de l’introduction et du final (du moins dans sa version intégrale) pourra avoir quelque chose de dérangeant pour les âmes les plus sensibles. Mais surtout, le scénario est plus intelligent qu’il n’y parait, bien qu’il faille parfois suspendre son incrédulité durant les 1h27 du film. Eric Red arrive à garder le public impliqué malgré l’environnement claustrophobique. Le ton est souvent sinistre et le réalisateur arrive à créer une atmosphère très particulière et surtout un côté assez imprévisible à son film. La photographie de Victor J. Kemper est très réussie (certains plans sont vraiment très beaux) tout comme la bande originale composée par Bill Conti (Karate Kid, L’Etoffe des Héros) qui donne ce cachet très 80’s. Cohen and Tate tourne malheureusement un peu en rond à mi-film avec un côté répétitif où l’enfant n’a de cesse d’énerver le personnage de Baldwin et celui de Scheider qui tente de calmer le jeu. Mais il ne mérite pas les seaux d’excréments qu’il a pris à l’époque et il semble avoir été réhabilité depuis si on en croit la moyenne de 6.3/10 (sur 2700 votes) sur IMDB.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ L’ambiance sinistre ♥ La relation conflictuelle des 2 tueurs ♥ Bien mis en scène ♥ Un scénario malin |
⊗ Répétitif par moments ⊗ Le jeu caricatural d’Adam Baldwin |
Bien que la crédibilité et la logique soient parfois un peu poussées dans leurs derniers retranchements, Cohen and Tate est un thriller tendu, mâtiné d’humour noir, aux excès de violence bien brutaux. Très sympathique malgré un ventre mou. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film a été coupé par la MPAA pour éviter une classification X. Le meurtre de la famille Travis était à l’origine plus long, tout comme l’affrontement, avec des explosions de sang en gros plan. On retrouve ces scènes manquantes dans certains repacks sur la toile ainsi que sur le blu-ray américain.
Titre : Cohen and Tate / Cohen & Tate
Année : 1988
Durée : 1h27
Origine : U.S.A
Genre : Thriller routier
Réalisateur : Eric Red
Scénario : Eric Red
Acteurs : Roy Scheider, Adam Baldwin, Harley Cross, Cooper Huckabee, Suzanne Savoy, Marco Perella, Tom Campitelli, Andy Gill, Frank Bates, James Jeter, Jeff Bennett