[Film] Chantal, de Tony Marsiglia (2007)


Chantal est une jeune femme innocente et naïve qui arrive à Los Angeles avec des rêves plein la tête. Elle veut devenir une actrice célèbre. Elle va tomber de haut, face à des producteurs manipulateurs, des castings louches, des humiliations…


Avis de Rick :
Chez E.I. Independent Cinema, ou Seduction Cinema, au choix, peu de réalisateurs peuvent vraiment s’exprimer et sortir du lourd cahier de charge. Car oui, la spécialité de la boite, c’est souvent des films érotiques à tendance lesbiens qui sont tournés dans 5 jours pour une bouchée de pain. Et malgré la relative non qualité de pas mal de métrages torchés à la va-vite, ils bénéficiaient d’une certaine visibilité grâce à la présence de Misty Mundae au casting. Mais parmi les réalisateurs de cette boite, il y a Tony Marsiglia. Un réalisateur qui semble vouloir tenter des choses et surtout offrir des rôles aux actrices, des rôles leur permettant de s’exprimer plus que de se dénuder. Sinful par exemple était une excellente surprise, avec ses allures de drame, le tout tourné en 16mm au lieu de l’habituel et dégueulasse Mini-DV. Et bien Tony Marsiglia a remit ça avec Chantal, sortant en 2007, mais en réalité tourné en 2003, sur 5 jours comme c’est souvent le cas avec le catalogue de la société donc. C’est d’ailleurs amusant en se renseignant de voir que le métrage, sortant donc tardivement, est le dernier métrage de Misty Mundae sous ce nom avant de devenir Erin Brown, alors qu’il fut tourné bien plus tôt, et qu’il met en scène une jeune femme voulant percer dans le milieu du cinéma et qui va tomber de haut. La jeune actrice avouera dans l’un des commentaires audio du DVD d’ailleurs qu’elle se sentait proche du personnage. Mais Chantal, c’est également un remake, puisque Seduction Cinema avait fait l’acquisition de plusieurs métrages underground de Nick Millard, dont Chantal de 1969. Métrage disponible en bonus sur le second DVD de l’édition (fort jolie édition d’ailleurs, avec un livret très intéressant). Tony Marsiglia s’approprie donc le métrage, le met à jour, et nous offre une plongée dans les bas fonds de Los Angeles aux côtés de Chantal, Misty Mundae donc. Alors oui dans le fond, rien de neuf sous le soleil, le rêve Américain, le rêve de célébrité, Los Angeles, Hollywood, tout ça a déjà été égratigné par de nombreux réalisateurs au fur et à mesure des années.

Même dans les années 2000, on pourra citer l’excellent Mulholland Drive de David Lynch, et le beaucoup moins bon Map to the Stars de David Cronenberg. Et dans le fond, Chantal n’ajoute rien de bien neuf au sujet. Il fonce même souvent tête baissée dans les clichés. Les prostituées dans les ruelles, les hommes qui font des faux castings juste pour voir des jolies jeunes femmes se dénuder, les photographes qui abusent des modèles quitte à les faire pleurer et à leur faire perdre tout amour propre. Même dans les petits détails, Chantal semble foncer dans la facilité, avec ses hôtels hors de prix où l’on nous prend de haut d’un côté, et les hôtels cheap, bruyants, sales et tenus par des gens louches (joué par le réalisateur lui-même pour le gérant) de l’autre. Et même si c’est cliché, et bien, c’est malheureusement une triste réalité, les quelques mois que j’aurais passé sur place dans la capitale Américaine du cinéma m’en auront donné un plutôt bon aperçu, en si peu de temps. Un univers où l’on cherche souvent à abuser des autres, et à transformer de bonnes intentions pour quelque chose de plus commercial. En ce sens, Chantal, malgré quelques éléments un peu trop faciles, rentre dans le tas. Alors du coup, certaines situations s’enchainent parfois un peu vite, comme si un nouvel élément allait arriver à Chantal au coin de chaque rue (presque le cas parfois), sans doute car le réalisateur a beaucoup de choses à dire et seulement 1h36 pour tout caser. Et comme pour Sinful, la première bonne surprise du métrage en prévenance de Seduction Cinema vient de l’aspect sexuel de leur cinéma. Là où les parodies et autres comédies jouent sur le côté érotique pour attirer le public, Chantal lui fait l’opposé. Le sexe est peu présent, deux scènes érotiques à tout casser, mais il les délivre de manière inhabituelle. Dans Chantal, le sexe n’est pas beau, il n’est pas attirant. La caméra, plutôt que de s’attarder sur les corps dénudés, s’attarde sur les expressions des actrices, souvent en très gros plan, n’hésitant pas par ailleurs à les faire pleurer, à faire couler le maquillage.

La scène de la séquence photo est le parfait exemple de ce choix, elle ne met pas à l’aise. Et de ce côté plus réaliste et du coup se focalisant plus sur le visage des actrices que sur la plastique en résulte la seconde grande qualité du métrage, à savoir les actrices. Tony Marsiglia, malgré les clichés, livre des personnages bien écrits qui permettent aux actrices de prouver qu’elles peuvent jouer et pas seulement être des « femmes objets ». Elles jouent, elles s’expriment, et elles le font bien. Surtout qu’après de nombreux films, les actrices se connaissent, et sont à l’aise entre elles, en plus d’être naturelles. Cela ressort beaucoup dans certaines scènes, comme la scène du restaurant dans la dernière partie, où la naïveté de Chantal lui est renvoyée direct dans la face. Ce qui est dommage par contre, c’est qu’en terme de mise en scène, Tony Marsiglia fait le choix de la caméra embarquée pour coller au plus près à ses actrices et à l’action. Choix pertinent mais il faut avouer que dans certaines scènes extérieures, la caméra tremble un peu trop par moment. L’urgence du tournage sans doute. Et comme tout récit de ce genre, Chantal doit alors faire un choix. Celui du happy ending, ou celui opposé de la vengeance après la descente aux enfers. Chantal version 2007 s’éloigne alors intégralement du film original de 1969, en faisant le choix opposé. Plutôt que d’avouer sa défaite et son rêve brisé, Chantal préfère s’obstiner et le film la fait chuter tout au fond du trou. Le film respecte ses choix jusqu’aux derniers moments, et se révèle donc être une descente aux enfers plutôt sombre, ce qui est inhabituel de la part du studio, mais qui s’inscrit dans la lignée du précédent métrage de Marsiglia. Une bonne surprise donc.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un film plus dark qui va au bout de ses idées
♥ Misty Mundae convaincante
♥ Quelques scènes qui mettent mal à l’aise
♥ La scène finale, assez osée
⊗ Une caméra à l’épaule parfois trop tremblante
⊗ Un propos juste, mais pas nouveau
Après le surprenant Sinful, Tony Marsiglia continue sur sa lancée avec Chantal. Si dans le fond, rien de neuf, avec cette jeune femme pleine de rêve qui se heurte à Hollywood et son monde pas très glamour, Chantal parvient néanmoins à intéresser, et à quelques scènes surprenantes et prenantes, en plus d’avoir un final ironique plutôt cynique.



Titre : Chantal
Année : 2007
Durée : 1h36
Origine : U.S.A.
Genre : Drame
Réalisateur : Tony Marsiglia
Scénario : Tony Marsiglia

Acteurs : Misty Mundae, Julian Wells, Andrea Davis, Darian Caine, Julie Strain, Lizzy Strain, Shelly Jones, Casey Jones, Anthony Newhall et Chris D. Nebe

 Chantal (2007) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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