Marco occupe le prestigieux poste d’entraîneur-adjoint d’une des meilleures équipes d’Espagne de basket. Mais son mauvais caractère lui pose problème. Après une série de déconvenues dont il est le seul responsable, Marco se retrouve à devoir coacher une équipe de déficients mentaux et leur permettre de participer au championnat de basket adapté.
Avis de Cherycok :
Des films mettant en scène le handicap, il y en a eu plein et ce depuis l’invention du cinéma. Parmi les plus célèbres, nous citerons Freaks, Rainman ou encore Le 8ème Jour, mais encore récemment, nous pourrions citer l’américain The Peanut Butter Falcon (2019) de Tyler Nilson et Michael Schwartz ou encore l’espagnol Campeones (2018) de Javier Fesser, sorti chez nous sous le titre Champions. Nous allons nous intéresser aujourd’hui à ce dernier. Succès public et critique en Espagne, trois Goyas (meilleur film, meilleur espoir masculin, meilleure chanson originale) au compteur, Campeones fait partie de ce genre de comédies desquelles on ressort avec un grand sourire aux lèvres. Peu importe que ce soit cousu de fil blanc, peu importe que ça dégouline de bons sentiments, la bonne humeur qu’il dégage est communicative. Et pour quelqu’un comme moi concerné par le handicap, ça parle forcément.
Au début des années 2000, lors des jeux paralympiques de Sydney, l’équipe de basket espagnole de sport adapté (dont les joueurs sont atteints de déficience intellectuelle) a été condamnée pour avoir fait jouer de faux déficients mentaux. Cet évènement a beaucoup marqué le réalisateur Javier Fesser (Agents Super Zero, Camino) au point que, lorsqu’il a reçu le scénario de Campeones, il a tout de suite voulu se pencher sur la question du handicap dans le sport. Mais il voulait absolument que son film soit le plus authentique possible et a tenu à ce que les acteurs soient réellement handicapés. Il a pour cela contacté de nombreuses associations, qui lui ont immédiatement donné leur soutien, afin de présélectionner 500 candidats pour les auditions. Ce ne fût pas simple, car il fallut trouver des personnes pouvant quitter leur domicile pour quatre mois de tournage. Néanmoins, certains furent donc sélectionnés et le réalisateur a pu travailler avec eux afin d’affiner leur rôle ainsi que certains dialogues. A cause du handicap, le tournage aurait pu être imprévisible et au final compliqué, d’autant plus qu’aucun n’avait jamais mis les pieds sur un plateau de cinéma. Mais au final rien du tout, cela a même été un avantage car les acteurs étaient extrêmement enthousiastes et ont senti que c’était leur film, et qu’il allait les mettre en valeur. Leur performance est d’ailleurs des plus remarquables et ils semblent prendre énormément de plaisir à jouer.
Campeones est une comédie humaniste sur la différence. Cette différence qui souvent fait peur aux gens qui rentrent dans la « norme » (si tant soit peu qu’il en existe une). Il parle de leur sociabilisation grâce au sport. Ces valeurs simples que le sport véhicule et qui va immédiatement leur parler, le sport devenant pour eux une deuxième famille, voire une famille tout court dans laquelle ils retrouvent une certaine estime d’eux. Mais aussi du regard des autres, souvent méprisant. Ils dérangent car ils ne sont justement pas dans cette norme. Alors on ne veut pas leur parler, on ne veut pas les entendre, alors s’ils sont tous parqués ensemble loin des yeux, c’est encore mieux. Comme ça ils n’existent pas, et ce n’est plus un problème. Et la scène du bus, D’abord rigolote mais rapidement malaisante pour certains, illustre bien cela. Mais malgré les thèmes abordés, Campeones reste une comédie. Une pure comédie. Une comédie très drôle qui ne va jamais déraper dans le misérabilisme ou le larmoyant (alors que, vu le sujet, ça aurait pu être très facile). On suit avec un énorme plaisir les aventures de cette équipe qui devient immédiatement attachante et certains moments sont vraiment à mourir de rire. Les différents messages que le réalisateur essaie de faire passer en toile de fond ne viennent jamais perturber le ressort comique des scènes.
Campeones ne fait jamais dans l’originalité. Tout ce qu’on est censé trouver dans ce genre de film est présent. Le personnage qui au départ méprise les handicapés et qui petit à petit va évoluer, le message qui nous fait comprendre qu’on a autant à apprendre d’eux qu’ils ont à apprendre de nous, le couple en crise que la situation va remettre sur les rails, les entrainements, les matchs, et même le dénouement qu’on voit venir à des kilomètres. Mais malgré tout, on prend un réel plaisir à suivre l’évolution des personnages, que ce soit le « héros », très antipathique au départ, très attachant par la suite, où cette équipe un peu spéciale mais qui transpire la joie de vivre. Les matchs ne viennent jamais envahir le reste du film car, même si on est dans un film sportif, on est avant tout dans une comédie dans laquelle on rit sans se sentir coupable de rire sur un tel sujet. Javier Fesser trouve le bon dosage et on ne tombe jamais dans la moquerie. On regrettera une certaine frilosité à ne jamais dévier du schéma classique ; on aurait aimé un humour parfois plus grinçant, plus méchant ; mais on sort du film complètement enjoué car le côté « feel good » fonctionne à merveille. A noter que le film est à voir absolument en VO tant certains échanges sont savoureux.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ D’excellents personnages ♥ Des dialogues pertinents et percutants ♥ Un film bienveillant et humaniste ♥ Très drôle |
⊗ Souvent un peu facile ⊗ Très classique |
Campeones (Champions chez nous) ne révolutionne en rien le cinéma traitant du handicap. Pourtant, on ressort enchanté du divertissement qu’on vient de voir tant la bonne humeur du film est communicative et les personnages attachants. Un film parfait pour redonner des couleurs à une soirée un peu morose. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Comme dit dans la chronique ci-dessus, le film a gagné 3 Goyas. Mais ce n’est pas tout puisqu’il cumule au total pas moins de 13 prix et 31 nominations dans divers festivals (Cinema Writers Circle Awards, Dias de Cine Awards, Palm Springs International Film Festival, …). Il a même été sélectionné pour le Meilleur Film en Langue Étrangère à la 91ème édition des Oscars.
• Durant les premières séquences du film, l’action se déroule durant un véritable match de basket de Liga ACB opposant l’Estudiantes Madrid à l’Iberostar Tenerife. L’international français Edwin Jackson apparait d’ailleurs en caméo.
• C’est le film en langue espagnole ayant fait le plus d’entrées en box-office espagnol en 2018 avec plus de 3.3M d’entrées.
Titre : Champions / Campeones
Année : 2018
Durée : 2h04
Origine : Espagne
Genre : Ça fait du bien par où ça passe
Réalisateur : Javier Fesser
Scénario : David Marques, Javier Fesser
Acteurs : Javier Gutierrez, Juan Margallo, Athenea Mata, Luisa Gavasa, Daniel Freire, Itziar Castro, Mariano Llorente, Sergio Olmo, José de Luna, Jesus Lago